Il y a 84 ans le père Paul était exécuté dans le camp des Solovki: "le Père Paul (Pavel) Florensky et ses enfants"
Une rencontre entrecoupée de séparations "FOMA" par Dimitri Chévarov

"Chacun de mes enfants, je le comprends de l’intérieur, en tant qu’individu. Chaque enfant est unique et irremplaçable, et pour cette raison, il m’est impossible de comptabiliser mes soins à leur égard. Je voudrais les aider pour qu’ils grandissent en se souvenant de leur famille, de la Russie, de leur Foi en Dieu". p. Paul Florensky extrait d’une lettre à son épouse du 10/11 décembre 1936, camp des Solovki

Fusillé dans un camp stalinien, le Père Paul Florensky est avant tout connu comme théologien et scientifique. Les lettres adressées à ses enfants et à son épouse du camp des Solovki sont l’héritage de ses descendants.

Cette tragique expérience paternelle et sa compréhension du monde de l’enfance peut s’avérer utile de nos jours.

Dès l’arrestation du Père Paul, en 1933, des scientifiques, parmi lesquels le grand académicien V.I. Vernadsky, intercèdent pour lui.

Tomas Mazaryk, président de la Tchéquie adressa cette requête au gouvernement soviétique: « Nous demandons de libérer Florensky et de lui donner la possibilité d’émigrer à l’étranger avec sa famille, où il pourrait continuer son travail scientifique».

Il y a 84 ans le père Paul était exécuté dans le camp des Solovki: "le Père Paul (Pavel) Florensky et ses enfants"
Il paraît qu’un ordre de libération arriva de Moscou dans le camp.

Mais le Père Paul refusa cette libération et resta dans le camp pour partager le sort de ses camarades. Aucun autre cas de refus de libération, émanant d’un prisonnier, n’est connu dans l’histoire du Goulag !

La dernière lettre adressée aux siens fut écrite par le Père Paul le 19 juin 1937. Et ce n’est qu’en 1989 que la famille apprit qu’il avait été fusillé le 8 décembre 1937.

Extrait du testament spirituel du Père Paul à ses enfants:« Dans ce que je vous demande, le plus important est :« Souvenez-vous du Seigneur et tremblez devant Lui. Tout mon testament est contenu dans ces mots. Dans vos vies, tout le reste est de moindre importance.»

Durant tout le temps de son incarcération dans le terrible camp des Solovki, Le Père Paul écrivit des lettres à ses enfants. Il élabora une discipline particulière, « une discipline à distance », la discipline d’un contact et de conseils permanents envers ses enfants (Aujourd’hui, nous pouvons tous comprendre cette discipline). Éloigné de sa famille par plusieurs milliers de kilomètres, il sentait leur croissance, il pouvait influencer leurs efforts et nourrir par ses pensées leur intelligence et leur cœur.

Le Père Paul n’avait à sa disposition que des bouts de papier, un crayon et son cœur aimant de Père. Cette expérience « de communication et d’éducation à distance » naquit de ces circonstances malheureuses. Il est à la fois terrible et effrayant d’évoquer ce sujet, mais au courant du XX siècle, en URSS, ce furent des millions de familles qui furent séparées de force. La majorité de ces personnes perdaient le contact avec leurs proches pour de longues années et n’avait pas la possibilité de leur écrire !

Paul Florensky, alors qu’il était incarcéré, redoutait surtout l’isolement des générations dans sa propre famille. Il craignait que les enfants qu’il avait quittés adolescents, réunis sous un même toit, et ayant perdu tout sentiment fraternel se mettraient à se disputer entre eux et cesseraient d’étudier. Et tout cela pouvait bien arriver ? Pendant les perquisitions les enfants avaient enduré un terrible stress. Sous leurs yeux, l’appartement avait été fouillé de bas en haut, toute la bibliothèque, jusqu’aux livres d’enfants avait été confisquée. La femme de Florensky écrivait avec amertume à son mari : « On nous a pris tes livres préférés et les nôtre aussi… Mika, le pauvre, a pleuré aujourd’hui toute la journée en pensant à ces livres… »

Ce dialogue avec les enfants commença bien avant la fatale arrestation.


Bizarrement, Florensky pensait à la séparation avec sa famille alors que ses deux aînés (Basile et Cyrille) étaient encore petits et que les trois cadets (Olga, Michel et Marie) n’étaient pas encore venus au monde. Après la révolution de février 1917, comprenant que ce n’était là que le début de la catastrophe, le Père Paul Florensky, âgé alors de trente cinq ans pensa à rédiger un testament spirituel destiné à ses enfants. Il écrivit un premier texte le 11 avril 1917 puis il le remania sept fois, en mai et juin 1917, en juin 1919, en juin 1920, en mars 1921, en août 1922, en mars 1923. Comme s’il pressentait que ses enfants seraient de bonne heure orphelins, il s’efforça d’exprimer de la façon la plus claire et la plus accessible les pensées qu’il souhaitait leur léguer :

« Efforcez-vous de ne pas vendre la maison, la bibliothèque et les objets de famille.

Ne le faites que si vous vous trouvez dans un besoin extrême. Ne recherchez pas le pouvoir, la richesse, l’influence ! Nous n’avons aucun besoin de tout cela. Car vous risquez une vie ennuyeuse et pénible. Soyez toujours bons et attentifs aux autres. Essayez d’écouter avec délicatesse le genre humain sachez venir en aide à temps à ceux que le Seigneur vous enverra en demandeurs de votre secours. Regardez le plus souvent possible les étoiles. Lorsque votre âme souffrira, regardez les étoiles ou le ciel d’azur d’un après midi. Lorsque vous serez tristes, lorsqu’on vous aura offensés, lorsque vous aurez échoué, lorsqu’une tempête s’élèvera dans votre âme, sortez à l’air frais et restez seul avec le ciel, ainsi votre âme s’apaisera ».


Il y a 84 ans le père Paul était exécuté dans le camp des Solovki: "le Père Paul (Pavel) Florensky et ses enfants"
Le Père Paul s’efforça tout le temps de souffler avec délicatesse à son épouse Anna, comment préserver des relations de confiance dans sa maison. Comment, en dépit des circonstances, conserver pour les enfants une atmosphère d’enfance et d’amour à l’égard des traditions familiales :
Les lettres du Père Paul à ses enfants ne les entourent pas seulement de tendresse elles contiennent aussi des leçons de biologie, de mathématiques, de littérature, de musique, de langue russe, de minéralogie… Florensky répond aux questions de ses enfants. Il ne s’adapte pas à leur âge, mais correspond avec eux comme avec des adultes- tout à fait sérieusement.

Grâce à ce « dialogue par lettres » tenu par-dessus les barbelés, le prêtre, philosophe et théologien apporte à sa famille tout son amour et sa tendresse. Aujourd’hui ce dialogue nous donne un enseignement merveilleux, car malgré la distance et les effroyables conditions, la Foi et l’Amour peuvent vaincre la mort. L’essentiel est que ce dialogue greffe l’amour du Père Paul pour toute une vie à ses enfants et à ses proches.

Traduction Marie Genko


Nombreuses inventions et découvertes du père Paul dans le domaine des sciences naturelles et humaines ont dépassé leur temps.

Les autorités soviétiques ne le lui l’ont pas pardonné : en 1933, le savant a été accusé d’ activité contrerévolutionnaire et exilé en Extrême Orient. En 1934 il est déporté dans le camp de Solovki. Le 8 décembre 1937, le prêtre Paul Florensky a été fusillé et enterré, comme on le suppose, dans la fosse commune du cimetière du village de Levachovo, au nord-ouest de Saint-Pétersbourg.

Rédigé par Parlons d'orthodoxie le 8 Décembre 2021 à 20:51 | -1 commentaire | Permalien



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