« On ne naît pas chrétien, on le devient » a dit le grand didascale de l’Église du deuxième siècle, Tertullien (Apol, XVIII). Il avait certainement en tête les paroles de notre Sauveur Jésus-Christ à Nicodème : « si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le Royaume de Dieu » (Jn 3, 3). Ce passage fait référence au baptême, au fait d’être immergé dans l’eau pour en ressortir. Ce rite symbolique signifie une mort à une vie passée et une nouvelle naissance pour une vie nouvelle. Le saint apôtre Paul commente ainsi le baptême : « Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort, afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, de même nous aussi nous marchions en nouveauté de vie » (Rm 6, 4).

En ce jour significatif de la christianisation de la Rous kiévienne, permettez-moi de vous saluer au nom de Sa Sainteté le patriarche œcuménique Bartholomée, du Saint Synode qui l’entoure et de l’Église Mère. Car c’est en effet de Constantinople que l’ancienne Rous kiévienne a reçu le baptême, et l’Église de Constantinople demeure à jamais l’Église Mère de l’Église de Kiev qui demeura dans la juridiction directe du Patriarcat œcuménique jusqu’à la fin du 17e siècle.

 Archevêque Job de Telmessos: Discours pour la célébration de la christianisation de la Rous kiévienne
Lien en russe Представитель Константинопольского Патриарха на Владимирской горке напомнил о праве каждого верующего свободно исповедовать религию без всякого вмешательства со стороны власти

Par ce baptême, la Rous kiévienne a eu accès à une vie nouvelle. Par sa christianisation, la Rous kiévienne a reçu de Byzance non seulement l’organisation de la vie ecclésiastique, mais aussi tout ce qui avait de bon et d’utile pour la société : les lettres, l’art, l’éducation, la loi, la justice, la paix et même l’abolition de la peine de mort.

De même qu’une mère veille toujours sur ses enfants, la Sainte et Grande Église du Christ — le Patriarcat œcuménique ne cesse de s’intéresser au destin de l’Ukraine et de son peuple. En ces temps difficiles, elle ne cesse d’écouter la voix de ses enfants spirituels. Face à la guerre et à la violence, elle ne cesse de prier et d’agir pour le rétablissement de la paix. Face aux divisions et aux schismes qui déchirent la Tunique sans couture (cf. Jn 19, 23) du Corps du Christ qu’est l’Église, elle ne cesse d’intercéder et d’œuvrer pour le rétablissement de l’unité du corps ecclésial.

Il y a un mois, le Saint et Grand Concile de l’Église orthodoxe fut convoqué en Crète par Sa Sainteté le patriarche œcuménique, avec l’accord de Leurs Béatitudes les Primats des Églises orthodoxes autocéphales locales pour examiner des sujets de grande actualité pour l’Église et pour ratifier les textes relatifs aux thèmes adoptés à une échelle panorthodoxe lors de sa préparation qui a duré une cinquantaine d’années.

Dans son encyclique, le Saint et Grand Concile rappelle au plérome de l’Église orthodoxe : « L’Église ne se mêle pas de politique au sens strict du terme. Cependant, son témoignage est essentiellement politique en tant que souci pour l’humain et pour sa liberté spirituelle. Sa parole est bien distincte et restera à jamais un devoir d’intervention en faveur de l’humain. Les Églises orthodoxes locales sont aujourd’hui appelées à établir une nouvelle relation harmonieuse avec l’État de droit dans le nouveau contexte des relations internationales, conformément à l’affirmation biblique : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (Mt 22, 21). Cette coopération doit sauvegarder la singularité de l’Église et celle de l’État, et assurer leur franche coopération au profit de l’unique dignité humaine dont émanent les droits de l’homme, garantir aussi la justice sociale » (Encyclique, 16). Pour cette raison, le Saint et Grand Concile a réitéré la condamnation de l’ethnophylétisme, c’est-à-dire du nationalisme religieux, qu’avait condamné le concile panorthodoxe de 1872. A cela, il ajoute que « La protection du principe de liberté religieuse dans toutes ses perspectives est un droit fondamental, c’est-à-dire la liberté de conscience, de foi, de culte et toutes les manifestations individuelles et collectives de la liberté religieuse, y compris de droit de chaque croyant de pratiquer librement ses devoirs religieux, sans immixtion d’aucune sorte de la part des pouvoirs publics, ainsi que la liberté d’enseigner publiquement la religion et assurer les conditions de fonctionnement des communautés religieuses » (Encyclique, 16).

Lire UKRAINE: QUAND POLITIQUE ET RELIGION S'EMMÊLLENT

Face à la violence qui se déploie aujourd’hui partout dans le monde, le Saint et Grand Concile souligne que « L’Église orthodoxe suit, avec douleur et dans la prière, constatant la terrible crise humanitaire qui sévit de nos jours, la propagation de la violence et des conflits armés, la persécution, les déportations et les meurtres commis contre des membres de minorités religieuses, l’expulsion forcée de familles hors de leurs foyers, la tragédie du trafic d’êtres humains, la violation des droits fondamentaux d’individus et de peuples, ainsi que la conversion religieuse forcée. Elle condamne catégoriquement les enlèvements, les tortures, les atroces exécutions. Elle dénonce la destruction d’églises, de symboles religieux et de monuments culturels. […] Nous exhortons donc toutes les parties impliquées, indépendamment de leurs convictions religieuses, à travailler à la réconciliation et au respect des droits de l’homme, et à protéger avant tout le don divin de la vie. Il faut que cessent la guerre et l’effusion de sang, et que prévale la justice, pour faire revenir la paix et rendre possible le retour de ceux qui ont été bannis de leurs foyers ancestraux. Nous prions pour la paix et la justice dans les pays éprouvés d’Afrique et l’Ukraine » (Encyclique, 18).

Lire aussi Le patriarche Bartholomée ne reconnaîtra pas le schisme ukrainien

Par ailleurs, le Saint et Grand Concile affirme que « l’Église est sensible à ceux qui l’ont quittée et souffre pour tous ceux qui ne comprennent plus sa voix. Dans sa conscience d’être la présence vivante du Christ dans le monde, elle transpose dans des actions concrètes l’économie divine en utilisant tous les moyens à sa disposition afin de témoigner de la vérité de façon crédible dans la rigueur de la foi apostolique. Partant de cette compréhension du devoir de témoignage et de disponibilité, de tout temps, l’Église orthodoxe accorde une grande importance au dialogue, notamment avec les chrétiens hétérodoxes. Moyennant ce dialogue, les autres chrétiens connaissent désormais mieux l’Orthodoxie et la pureté de sa tradition. Ils savent aussi que l’Église orthodoxe n’a jamais accepté le minimalisme théologique ou la mise en doute de sa tradition dogmatique et de son éthos évangélique. Les dialogues interchrétiens furent une occasion pour l’Orthodoxie de souligner le respect dû à l’enseignement des Pères et de témoigner valablement de la tradition authentique de l’Église une, sainte, catholique et apostolique. Les dialogues engagés par l’Église orthodoxe n’ont jamais signifié et ne signifieront jamais faire des compromis d’aucune sorte en matière de foi. Ces dialogues sont un témoignage de l’orthodoxie étayé sur le message évangélique : « Viens et vois » (Jn 1, 46) et « Dieu est amour » (I Jn 4, 8) » (Encyclique, 20).

C’est dans cet état d’esprit qu’en ce jour festif le Patriarche œcuménique est spirituellement avec vous tous en tant que votre père spirituel et partage avec vous non seulement les souffrances que traverse votre pays en ce moment mais aussi la joie de la festivité de ce jour. Consciente que sans la Croix il n’y a pas de Résurrection, l’Église Mère implore sur vous tous la bénédiction de Dieu et prie pour le rétablissement de la paix dans le pays et de l’unité du corps ecclésial, reprenant les paroles de la prière de l’Unique Grand Prêtre de l’Église, notre Seigneur Jésus-Christ : « que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et comme je suis en toi, afin qu’eux aussi soient un en nous, pour que le monde croie que tu m’as envoyé » (Jn 17, 21). Que Dieu vous aide et vous dirige en tout !

+ Archevêque Job de Telmessos

Kiev, 28 juillet 2016

Lien Українська Православна Церква

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 1 Août 2016 à 15:21 | 7 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par justine le 02/08/2016 09:45
Selon l'agence info ecclesiastique grecque romfea, lors de son sejour a Kiev pour les celebrations du Bapteme de la Rus de Kiev, Job de Telmessos dans une interview avec l'agence d'informations d'Ukraine a fait les declarations suivantes:

"Constantinople a depuis toujours cru que l'Ukraine est un territoire canonique du Patriarcat Ecumenique. Et n'oublions pas que lorsque l'Etat polonais en 1924 fit appel a Constantinople pour obtenir l'autocephalie, ce fut une demande pour une solution politique. La Pologne s'adressa donc a Constantinople pour la solution de problemes politiques. L'Eglise polonaise etait consideree autrefois comme partie de la metropole de Kiev, par un acte anticanonique bien sur, puisqu'elle etait sous l'obedience de l'Eglise Mere. Ainsi en 1924 Constantinople accorda l'autocephalie a la Pologne. Pourquoi ne ferait-elle pas la meme chose aujourd'hui pour Kiev? Si c'etait possible en 1924, cela l'est bien plus encore aujourd'hui.... Le patriarche ecumenique a reitere plusieurs fois que Constantinoiple est ll'Eglise Mere de l'Ukraine. Il a lui-meme souligne qu'il est le pere spirituel de l'Ukraine. Pour cela il observe sans interruption et s'inquiete de la situation de l'Eglise Orthodoxe en Ukraine."



2.Posté par justine le 02/08/2016 09:55
On se demande comment ces declarations du representant du Phanar a Kiev lors des recentes celebrations sont compatibles avec les "assurances" du patriarche Bartholomee donnees lors de la synaxe des primats a Chambesy en janvier 2016 comme quoi Constantinople ne reconnaissait en Ukraine que l'Eglise canonique sous le metropolite Onuphre.
Et on sait bien sûr que cette Eglise canonique est sous la juridiction du Patriarcat de Moscou, et que l'Ukraine fait partie du territoire canonique de ce meme Patriarcat de Moscou, fait universellement reconnu par toutes les Eglises Orthodoxes autocephales. Mais peut-etre il ne faut plus s'etonner de rien de ce qui vient du Phanar. Ils semblent en effet avoir perdu les pedales la-bas.

3.Posté par Galina le 03/08/2016 08:33
"Et, à nouveau, les représentants du Patriarcat de Moscou n’ont pas été d’accord avec le mot « co-proclament ». Ils voulaient que chaque patriarche signe avec le mot « proclame ». Et alors, le Patriarcat œcuménique n’a pas été d’accord. Non en raison de son honneur ou quelque raison politique. Simplement parce que c’est illogique et incorrect. Un seul homme peut proclamer, et les autres, qui sont avec lui, peuvent « co-proclamer ». Mais chacun ne peut pas proclamer à sa façon. Et c’est là que la question a été bloquée.

Et depuis, lorsqu’il y a eu ces sessions, en 2009, si je ne fais pas erreur, elle est restée bloquée.

C’est-à-dire que cette question de l’autocéphalie a été examinée, que l’on est arrivé à un texte de compromis, mais tout a été bloqué par la question de la signature sous le Tomos. C’est pourquoi il a été décidé de ne pas porter la question à l’ordre du jour.

Pour Constantinople, cela signifie que la question de l’autocéphalie reste au statu quo, tel qu’il était au commencement de l’examen de cette question. Parce que toutes les variantes issues des compromis, au sujet desquelles il y avait accord, ne sont pas allées jusqu’à la conclusion."

4.Posté par Serge le 03/08/2016 12:55
Compte tenu de l'attitude du Phanar et de la situation politique Ukrainienne on peut s'interroger sur les rapports du Phanar et de la CIA

5.Posté par justine le 03/08/2016 21:02
L'interview mentionnee au post 1 est accessible maintenant en entier en traduction francaise sur http://orthodoxie.com/larcheveque-job-getcha-de-telmessos-du-patriarcat-de-constantinople-le-territoire-de-lukraine-est-le-territoire-canonique-de-leglise-de-constantinople/

On dirait que, tres malheureusement, le scenario "imagine" par Аndrey Rogoziansky est en train de se realiser. On se trouve peut-etre a la veille de l'acte 2. Voir https://mospat.ru/en/2016/06/29/news133297/

6.Posté par Vladimir G: destiné qu'à un usage strictement externe? le 03/08/2016 22:57
Le texte cité par Justine (5) est bien curieux: publié sur le site officiel du Département des Relations Ecclésiales Extérieures (DREE) du patriarcat de Moscou, il n'est disponible qu'en grec et anglais... Visiblement il n'est destiné qu'à un usage strictement externe!

7.Posté par Gueorguy le 04/08/2016 15:31
Le texte est difficile à lire et comporte quelques erreurs qui sèment le doute dans sa compréhension. Peut-être, faudrait-il, tenter de lire sa version russe. En lien ci-dessous.

Cela dit, on perçoit l'intonation peu neutre de la personne qui conduit l'interview. Faut-il, d'après le support médiatique qui en assure la production et la diffusion, tirer des conclusions?

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8.Posté par jujstine le 04/08/2016 20:04
L'archipretre Nicolas Balachov, vice-president du DREE, considere la declaration de l'archeveque Job comme une fabrication journaliste malevole de source uniate. Reste a voir s'il a raison. Cf. http://orthodoxie.com/job_interview/

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