L’archevêque Jean de Charioupolis, ordinaire de l’exarchat des églises russes du patriarcat de Constantinople en Europe occidentale, a publié le 28 juillet une déclaration, dans laquelle il reproche « aux représentants du Patriarcat de Moscou à Nice <de faire> intrusion dans le cimetière [de Caucade], parmi les sépultures de nos proches et de nos parents, pour [y creuser] une tombe pour monsieur Igor Chelechko », une des victimes de l’attentant à Nice le 14 juillet dernier. L’archevêque dénonce cette « invasion » des « lieux de culte et de mémoire » de son exarchat.

Nous sommes attristés et scandalisés par les propos sectaires de cette invective, que les circonstances tragiques rendent d’autant plus cyniques. La volonté d’inhumer au cimetière russe de Caucade M. Chelechko, qui fut paroissien et lecteur de l’église Saint-Nicolas de Nice, après avoir servi pendant des années des communautés orthodoxes en Belgique et rendu régulièrement des services à la paroisse Saint-Pantéléimon de l’exarchat dirigé aujourd’hui par Mgr Jean de Charioupolis, est celle de l’épouse et des enfants du défunt. Nous savons qu’après son installation à Nice, M. Chelechko avait lui-même évoqué un tel souhait, sans se douter sûrement de l’imminence de cette perspective. La famille s’adressa à l’ambassade de Russie, propriétaire du cimetière selon le Service de la Propriété Foncière, qui autorisa l’inhumation. Cette autorisation fut confirmée par la Mairie de Nice. Le recteur de la paroisse Saint-Nicolas, membre du clergé de notre diocèse, en concélébration avec des représentants de l’Église russe hors frontières, a présidé l’office des obsèques dans son église et accompagné la famille, les proches du défunt et de nombreux orthodoxes niçois au cimetière. Aucun représentant du patriarcat de Moscou n’y avait creusé de tombe. Faire une « démonstration politique » ne pouvait être l’intention du prêtre qui enterrait non seulement un des paroissiens les plus dévoués, mais aussi un ami de longue date.

Est-ce trop espérer que, pour une fois, dans une telle affliction qui nous est commune, on ne cherche pas derrière le geste naturel d’un prêtre, meurtri par la disparition violente de trois de ses amis, accompagnant son plus proche collaborateur dans sa dernière demeure, une prétendue marque que « le clergé du Patriarcat de Moscou montre, une fois encore, qu’il préfère obéir à l’État russe plutôt qu’à l’enseignement ecclésial de fraternité et de concorde » ?

Nous sommes convaincus que le clergé du patriarcat de Moscou en France, ainsi que la plupart des fidèles de notre diocèse, souhaitent avoir avec leurs frères et sœurs de l’exarchat du patriarcat de Constantinople, où ils comptent de nombreux amis, les liens les plus chaleureux et fraternels. Le conseil de notre diocèse réaffirme son désir de tout faire pour que les chrétiens de nos communautés « aient les uns pour les autres la même aspiration à l’exemple de Jésus-Christ, afin que d’un même cœur et d’une même bouche » nous glorifions « le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ » (Rm 15, 5-6). Nous prions pour qu’il n’y ait aucune méfiance entre nous, aucune suspicion, aucune accusation injuste, aucune exclusion des uns des autres des célébrations liturgiques réciproques, que l’amour fraternel nous lie d’affection entre nous, « chacun regardant les autres comme plus méritants » (Rm 12, 10).

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Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 3 Août 2016 à 07:29 | 3 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Serge le 03/08/2016 10:57
Que voilà une belle déclaration d'un archevêque dans l'esprit de son pape Constantinopolitian.
Voir ICI

2.Posté par Alexandre le 03/08/2016 13:15
Bravo et merci au Conseil Diocésain de Chersonèse pour ce communiqué plein de diplomaties et sagesse qui contraste si fortement avec le message nauséabond de l'archevêque jean ,remplie de haine et mépris .
Ce qui est clair, c'est l'arrivée d'un nouveau prélat "sous influence", bref du déjas vu ... Pauvre "orthodoxies Occidental" qui va se nourrir de nouveau de sentiment anti-russe primaire et justifier son existence par cette attitude...

3.Posté par Vladimir.G: Quelles que soient les positions juridiques, instrumentaliser ainsi ce moment tragique est de toute façon particulièrement lamentable! le 03/08/2016 16:04
Le cimetière privé de Caucade est au cœur du nouvel imbroglio juridique autour des propriétés historiques de l'Église russe à Nice: début février 2016, la Fédération de Russie a entrepris d'en revendiquer la propriété alors qu'il était gérée par l'association ACOR-Nice depuis les années 1920.

Cette nécropole, la plus grande de la ville, est l'une des rares de l'Hexagone à être entièrement privée et à ne bénéficier d'aucun financement public. Ce cimetière a été ouvert en 1867, sur une parcelle achetée par la Russie, et a été dédié au Grand-Duc héritier Nicolas Alexandrovitch, mort à Nice deux ans auparavant. Il témoigne de l’importance de la diaspora russe dans la ville, surtout après la Révolution de 1917 : de nombreux tombeaux de l’aristocratie russe s’y trouvent comme les membres des familles princières Galitzine, Gagarine, Narychkine, Obolenski, Volkonski, Catherine Dolgorouki, princesse Yourievska, épouse morganatique de l'empereur Alexandre II(1847-1922, dite Katia pour le cinéma et la littérature), le général Nikolaï Ioudenitch (1862-1933, commandant en chef des armées blanches sur le front de la Baltique) ou encore le poète Georges Adamovitch (1892-1972_. Au total, le cimetière compte 900 sépultures (voir une petite liste sur https://fr.wikipedia.org/wiki/Cimeti%C3%A8re_russe_de_Nice#cite_note-fiammetti-1).

Depuis les années 1920, et dans un cadre juridique qui ne nous est pas connu, le cimetière est géré par l’ACOR-Nice, association cultuelle qui a été évincée de la cathédrale St Nicolas par un jugement du TGI de Nice du 20 janvier 2010 (ce jugement est maintenant définitif puisque l'ACOR a renoncé à toute procédure pour l'attaquer malgré ses menaces; c'est la conclusion évidente dès le début puisque le bail de 99 ans de cet immeuble était venu à échéance). Toutefois, ce jugement ne concerne expressément que la propriété de l'Église St Nicolas et du terrain sur lequel elle est bâtie; il ne peut être étendu sans jugement spécifique aux autres édifices cultuels russes de la ville.

GUERRE DE COMMUNIQUÉS SENTIMENTAUX

Le cimetière de Caucade subit malgré tout le contrecoup de cette situation: l’ACOR doit licencier le gardien en 2010 à cause de difficultés financières liées à la perte de la cathédrale St Nicolas, dont l'entrée payante assurait la majeure partie de ses recettes … Et maintenant l'état russe semble contester l'état de fait établi à la fin des années 1920 par des jugements concernant les biens russes mis sous séquestre en 1924 auxquels, curieusement, personne ne fait référence (les biens de Nice y auraient-ils échappé?) Les actions de la Russie, représentée sur place par le recteur de l'Église St Nicolas, sont plus des "voies de fait" (changement de serrures, envois d'huissiers, pose de panneaux…) et l'inscription unilatérale du changement de propriétaire au Service de la Propriété Foncière demande à être juridiquement fondée

La réaction de Mgr Jean reste dans la ligne des communiqués sentimentaux de l'ACOR ("L’histoire reste l’histoire et personne ne peut la falsifier à son gré,") mais ne produit qu'un "acte de 1927 (par lequel) le Métropolite Euloge a transmis la propriété de tous les biens de l’Église orthodoxe russe de Nice à l’ACOR-Nice". La valeur juridique n'en semble pas probante et il faut aussi faire intervenir la loi de 2005 sur les associations cultuelles, l'usucapion (ou prescription acquisitive: après une occupation continue de 30 ans pendant laquelle le propriétaire légal ne s'est pas manifesté l'occupant peut déclarer l'usucapion devant le TGI et ainsi devenir propriétaire du bien ... rien de tel n'est produit!)… etc.

Notons que la question de l'entretien des tombes et du cimetière reste posée s'agissant d'un cimetière privé, car le cas ne semble pas prévu par le Code général des collectivités territoriales … et "la «partie anglaise» du cimetière de Caucade, appelée cimetière Sainte-Marguerite, qui date de la même période 1865 - 1880, est elle aussi en piètre état bien que ce soit une propriété de la commune qui l'a achetée à l'Église anglicane en 1976: les services municipaux assurent que la Ville n'est pas responsable de l'état du site pour autant… (http://archives.nicematin.com/nice/le-cimetiere-des-anglais-de-caucade-dans-loubli-a-nice.1880293.html).

CONCLUSION: nous n'en sommes qu'au début de procédures peu claires. Attendons que la justice passe: d'ici 2-3 ans nous y verrons probablement plus clair.

Quelles que soient les positions juridiques, instrumentaliser ce moment tragique comme le fait Mgr Jean est de toute façon particulièrement lamentable!

QUELLE TRISTESSE!

4.Posté par Mischa le 03/08/2016 20:14
Vladimir
Цинизм коммюнике Дарю отвратителен! А ваша реакция " шаг направо и шаг налево" - очень неприятная.

5.Posté par justine le 03/08/2016 21:06

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