Dimanche du triomphe de l'Orthodoxie: POUR LE GRAND CARÊME TEXTES D’AUJOURD’HUI ET D’HIER
V. Golovanow

Le jeûne avant Pâques a été décidé aux conciles de Nicée (325) et de Laodicée (365). Ces quarante jours commémorent la tentation de Jésus dans le désert. L’Evangile raconte qu’en réponse à la tentation du démon qui lui proposait de changer des pierres en pain, Jésus répondit : "Il est écrit, l’homme ne vivra pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu" (Matthieu 4:4).

Durant les premiers siècles du christianisme, le Carême était une période de pénitence pour les pécheurs qui seraient lavés de leurs fautes durant la nuit de Pâques, et de préparation des catéchumènes au baptême qu’ils recevaient durant la nuit de Pâques. Sous Charlemagne, celui qui ne respectait pas le jeûne, sans dispense spéciale, durant le Carême risquait la peine de mort.

JEUNE, PRIERE ET AMOUR

Père Boris BOBRINSKOY (1)

La période du Carême des 40 jours, peut être comprise comme un temps unique, exclusif, un temps de préparation à la Pâque annuelle du printemps, et par cela, à la Pâque éternelle du «passage» (c'est le sens littéral du mot hébreu Pesah-Pâque), de la vie corruptible à la vie éternelle, des pénombres à la lumière, de l'exil dans une terre lointaine, celle du péché, à la vision dans le face à face du Royaume.

Le programme du Carême qui résume et récapitule l'ascèse permanente de toute vie chrétienne consciente et responsable, c'est la réponse aux trois tentations qu'a subies le Christ au désert, au terme des 40 jours où il ne mangea pas et où il eut faim (Mt 4, 3).

 Dimanche du triomphe de l'Orthodoxie: POUR LE GRAND CARÊME TEXTES D’AUJOURD’HUI ET D’HIER
Tentation du pain

C'est-à-dire des nourritures terrestres qui donnent à l'homme l'illusion de pouvoir vivre de lui-même, refoulant au fond de lui l'angoisse de la mort et la crainte de l'au-delà. Choisir d'avoir faim, de jeûner, c'est aussi choisir de se rendre disponible pour une autre nourriture : la parole et le pain de vie de Dieu dont tout homme a besoin poui subsister.

Tentation du miracle

C'est à dire une puissance illimitée sur les êtres, les contraignant à adorer Dieu, à lui obéir, en les subjuguant plutôt qu'en agissant envers eux par le miracle de l'Esprit, celui de l'amour de la conversion du cœur. Cette conversion intérieure exige le renoncement à soi-même, le refus d'être servi. Le «Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi mais pour servir» (Mc 10, 45). Tel est le véritable amour qui doit tendre à imprégner toutes nos relations, nos attitudes humaines les plus quotidiennes.

Tentation du pouvoir...


Sur les royaumes de ce monde, à la seule condition d'adorer Satan.
«Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et c'est Lui seul que tu serviras».
Cette adoration de Dieu le Père dans le Christ par l'Esprit-Saint tend à devenir la dominante la plus intérieure et la plus constante de notre vie, la priorité la plus absolue de toute existence humaine dans la foi. Prière humble et discrète, comme les gestes quotidiens d'amour, mais réalité qui envahit tellement notre cœur que celui-ci en demeure blessé à jamais.

La véritable prière n'est pas seulement langage et dialogue avec Dieu, mais elle tend à être en nous prière de l'Esprit-Saint qui vit en nous et qui se confond avec notre existence et notre souffle le plus personnel et le plus profond.

Que l'«assaisonnement» de ce triple programme de Carême soit la discrétion, la non ostentation, la joie sur le visage, le non jugement des faibles, la non envie des forts, le sentiment aussi que le Seigneur Jésus est venu sauver les pêcheurs dont je suis le premier («Laisse-moi voir mes propres pêchés et ne pas juger mon frère» ). Le fruit du jeûne et sa force sera la prière, le signe de la venue en nous de l'esprit de l'amour sera l'amour, l'amour de nos proches, chacun de ceux pour qui le Christ est mort.

(1) Boris Bobrinskoy, né le 25 février 1925 à Paris1, est l'un des grands théologiens orthodoxes des XXe et XXIe siècles, professeur à l'Institut de Théologie Orthodoxe Saint Serge à Paris, auteur de plusieurs ouvrages de théologie et de liturgie.

 Dimanche du triomphe de l'Orthodoxie: POUR LE GRAND CARÊME TEXTES D’AUJOURD’HUI ET D’HIER
"NE TARDE PAS, DIT LE SEIGNEUR, CONVERTIS-TOI A DIEU, ET NE DIFFERE PAS DE JOUR EN JOUR."

Saint Césaire d'Arles, Sermons (2)

"Ne tarde pas, dit le Seigneur, convertis-toi à Dieu, et ne diffère pas de jour en jour." Ce sont les paroles de Dieu et non les miennes ; vous ne les avez pas entendues de moi, mais moi je les entends avec vous : "Ne tarde pas, dit-il, convertis-toi au Seigneur." Mais toi tu réponds : "Demain! demain!" (dans le latin du texte : "Cras! cras!") Quel croassement de corbeau ! Comme le corbeau envoyé de l'arche n'y est pas revenu et, maintenant qu'il est vieux, dit encore : Demain ! Demain ! C'est le cri du corbeau : tête blanche et cœur noir. Demain ! Demain ! c'est le cri du corbeau : le corbeau n'est pas revenu à l'arche, la colombe est revenue.

Qu'il se perde donc, le croassement du corbeau, et que se fasse entendre le gémissement de la colombe. Il te crie, celui qui veille sur toi : « Ne tarde pas à te convertir à Dieu et ne diffère pas de jour en jour. Si nous convertissons nos âmes, avec l’aide de Dieu, aux remèdes de la pénitence et aux médicaments des aumônes, nous viendrons avec bonheur devant le tribunal du Christ, non pour y être condamnés mais pour y être couronnés ; notre Seigneur Jésus-Christ s’en portant garant, lui auquel appartiennent la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen."

(2) Saint Césaire d'Arles (Кесарий Арльский), (vers 470 - 26 août 542), moine de Lérins, puis évêque d'Arles pendant quarante ans, auteur de 238 d'homélies et de sermons inspirés par la théologie de saint Augustin, il est considéré comme un Père de l’Église par l’Église Catholique. Commémoré le 27 août / 9 septembre comme saint local.

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POURQUOI LE CAREME : LE JEUNE, LES SACRIFICES...

Pourquoi le carême : le jeûne, les sacrifices... C’est pas un peu se faire du mal pour rien ?

Par le Père Daniel-Ange et son équipe
(3).

- Les temps liturgique nous aident à mieux comprendre, en les rendant actuels, les événements de la vie de Jésus.

- Les jeûnes et sacrifices nous apprennent la maîtrise de soi, ainsi que la liberté face à bien des choses dont nous sommes très souvent dépendants.

- Ils nous apprennent que même dans ce dépouillement, de choses qui en elles-mêmes sont naturelles, Dieu suffit à nous combler.

- Les économies faites dans cette simplicité de vie servent à aider ceux qui sont dans le besoin

Mais se priver n’est-ce pas un peu facile quand on est dans un pays riche ?

C’est vrai, donner un peu quand on a beaucoup n’est pas grand-chose ; mais en même temps c’est un premier pas, un premier effort, et en donnant aux autres, pas forcément de l’argent mais aussi de son temps et de son attention, on découvre qu’on peut semer la joie ; et plus on donne plus on peut rendre heureux ceux qui nous entourent et être pleinement heureux nous mêmes. Mais ne rien donner sous prétexte que c’est peu, n’est-ce pas pire encore ? Les chrétiens apprennent à se donner comme le Christ s’est donné pour chacun de nous.

Les chrétiens aiment donc souffrir ?

L’essence du Carême ne consiste pas d’abord à nous priver de certaines choses matérielles. Si l’Église nous demande de faire pénitence, ce n’est pas pour nous punir, mais c’est pour nous aider à changer. C’est une manière de nous inviter à nous débarrasser de l’orgueil, de l’égoïsme, de la division et de tout ce qui nous empêche de vivre en communion avec Dieu. Le Carême est en effet le moment idéal pour faire un effort sur soi en vue d’éliminer tout ce qui est source de blessure pour autrui. Le Carême nous invite à voir qu’en toute situation, il y a toujours la possibilité de faire germer l’amour. Le Carême nous invite à vaincre la violence par l’amour.

Dire qu’on fait pénitence, n’est-ce pas se donner bonne conscience facilement ?

Le chrétien ne pense pas être meilleur que les autres, au contraire il sait qu’il fait des fautes, qu’il fait preuve d’égoïsme, qu’il n’est pas assez généreux et il ne juge personne. Le Carême lui permet de se corriger, d’être meilleur avec l’aide du Christ, non pas en faisant de grandes démonstrations extérieures, mais dans le silence et la discrétion, en changeant son cœur. Clamer haut et fort que l’on fait des sacrifices serait hypocrite. Le bien ne fait pas de bruit et le chrétien sait que faire le bien, demande un perpétuel recommencement. En se pensant parfait on est égoïste. Le chrétien sait qu’il est imparfait mais aussi que Jésus-Christ l’aime dans sa misère et ses défauts ; c’est ce qui donne à tout chrétien le désir d’être meilleur, pour Dieu et pour les autres.

(3) Le père Daniel-Ange de Maupeou d'Ableiges est un moine ermite, prêtre catholique et écrivain franco-belge né le 17 octobre 19321 à Bruxelles, en Belgique. Il est connu pour être le fondateur de l'école de prière et d'évangélisation Jeunesse-Lumière et pour ses ouvrages de spiritualité.

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 13 Mars 2022 à 09:00 | 18 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Ostachkov Georges le 22/03/2020 21:37
Est-il possible de connaître la source de l'affirmation: "Sous Charlemagne, celui qui ne respectait pas le jeûne, sans dispense spéciale, durant le Carême risquait la peine de mort".
D'avance merci.

2.Posté par Marie Genko le 25/03/2020 11:13
Merci aux modérateurs pour ces beaux textes.
Il me semble qu'un différence sensible existe entre les Orthodoxes et les Catholiques concernant la notion de
"Pénitence"
qui est citée dans le texte du Père Daniel Ange de Maupeou.

Je serais reconnaissante si un des lecteurs de ce site pourrait nous donner son opinion sur ce sujet.
Par avance MERCI

3.Posté par Nicodème le 25/03/2020 23:03
Quand j'étais gosse (je suis né en 47) , ds l'ECR , nous avions associé l'idée de "pénitence" à l'idée de punition . Et la similitude consonantique y poussait . Mais je crois que nous n'avions pas compris . Il reste que , à cette époque , l'immense majorité du petit peuple kto vivait la "pénitence" comme cela . Les clercs n'étaient pas très clairs là dessus (sans jeu de mot) . Lorsque , après la quarantaine , j'ai fréquenté les communautés dites charismatiques , j'ai entendu un discours nouveau : il s'agissait de se "convertir" , de retourner son coeur , et on appuyait l'idée à grands coups de "métanoïa" . Le discours était assez séduisant .Lorsque , à peu près en même temps , j'ai commencé à fréquenter l'orthodoxie , surtout l'orthodoxie dite "canonique" , je me suis aperçu qu'on y disait la même chose .Ce qui m'a beaucoup plu . Ds l'ECR officielle , je ne sais pas quelle est la doctrine en cours (Ca change en fonction des publics et des époques ) . D'ailleurs , on n'y entend plus tellement les notions de "repentir" , de "conversion" , de "pénitence" . Sauf évidemment ds certaines églises , généralement "tenues" par un ordre , et qu'il faut connaître . Voilà tout ce que je peux dire .

Daniel-Ange qui vient d'un milieu charismatique , a été extrêmement influencé par l'orthodoxie , et je pense que s'il utilise le terme "pénitence" , c'est par habitude culturelle . Je suis persuadé , pour avoir lu plusieurs de ses ouvrages , qu'il entend bien par là "métanoïa" , ou "conversion" , au sens du retournement .

4.Posté par Marie Genko le 26/03/2020 12:03
Cher Nicodème,

Merci pour votre message.

Il me semble que l'approche de l'Eglise Catholique a en effet beaucoup évolué depuis les 50 dernières années.
Nous sommes loin de l'image effrayante de l'enfer promis à ceux qui vivent en état de péché mortel, parce qu'ils ont manqué la messe du dimanche ...

Image qui sévissait encore dans la seconde moitié de XXème siècle!

Il me semble important, autant pour les Catholiques que pour les Orthodoxes, de ne pas tomber dans le

"MELTING POT"

d'un mélange des traditions et des rites empruntés un peu ici et un peu là, dans le but de plaire à tout le monde .

Je crains que le dépouillement du rite recherché chez les Catholiques depuis Vatican II ait été une main tendue aux Protestants ?

Je crains beaucoup aussi chez les Orthodoxes l'influence de certains des enseignements du Père Alexandre Schmemann, qui préconise lui aussi de simplifier les Liturgies, de se confesser plus rarement, de passer à la langue locale etc.

Lorsque j'étais enfant, pensionnaire chez des oblates de l'Assomption, j'ai eu la chance d'assister à des messes traditionnelles accompagnées par de splendides chants grégoriens, en Latin bien entendu !

Rechristianiser un monde éloigné du Seigneur ne doit pas se fonder sur une approche rationnelle, mais sur la Grâce divine qui touche les cœurs des hommes.

Comment ces magnifiques chants traditionnels en Slavon ou en Latin ne pourraient-ils pas toucher les cœurs des hommes, qui les écoutent ?

Comment se confesser plus rarement alors que presque toutes les prières orthodoxes parlent essentiellement de repentir et d'humilité ?

Il y a là beaucoup de questions qui se posent et qui rejoignent ce qui a été écrit sur un autre fil de discussion.

Il me semble primordial pour l'Occident de retrouver ses propres racines chrétiennes !

Et pour le patriarcat de Russie il est essentiel de conserver les siennes.

Avec toute mon amitié

En Christ

Marie

5.Posté par Tchetnik le 26/03/2020 16:49
@Marie

Le résultat du slavon sur le "cœur des hommes" est que la quasi totalité des vos enfants ne viennent pas à l'église, justement.

"la foi nait de la prédication", disait Sint Paul qui ajutait que dire dix mots dans une langue comprise vaut bien mieux qu'en dire 1000 dans un charabia.

6.Posté par Marie Genko le 27/03/2020 10:23
Cher Tchetnik,

Il ne faut jamais, mais alors JAMAIS, faire de jugements sans avoir des connaissances précises des faits.

Puisque vous me faites l'honneur de vous intéresser sur l'engagement spirituel de mes enfants, je peux vous répondre que votre remarque, qui se veut acide, tombe très mal.

J'ai eu la sottise de raisonner comme vous lorsque mes enfants étaient petits, et j'ai moi aussi pensé qu'il était primordial qu'ils comprennent les offices.
Je les ai emmenés des années durant dans une paroisse complètement francophone.
Le résultat a été que sur 5 enfants, ils se sont tous éloignés de l'orthodoxie durant leur adolescence.
Quatre sont revenus depuis.
Celui qui vit à Moscou, et qui suit les Liturgies en Slavon, est le plus engagé de tous.
Il a déjà été à trois reprises au Mont Athos et il y a emmené son plus jeune frère et son Papa.
Grâce à lui, avec mon mari nous avons pu visiter les merveilleux monastères du nord de la Russie dans la région de Vologda.
Pour le cinquième de mes enfants, je ne perds pas du tout espoir que le Seigneur le fasse revenir vers la Foi de ses ancêtres.
Comme son épouse est catholique et qu'elle est, elle-même, écœurée par les messes modernes en Français, je pense que cela prendra davantage de temps.

Mais croyez-moi, Notre Seigneur est miséricordieux, Il ne peut rester sourd aux prières d'une Maman.

Que Dieu vous bénisse et vous fasse comprendre que chacun d'entre nous est différent et a des attentes différentes.
J'irai même dans votre sens en ajoutant qu'il est évident que, pour certains, une Liturgie compréhensible est une nécessité.
En ce qui me concerne, je crois que la beauté convertit le cœur de l'homme.

Je vous souhaite un excellent Carême et ne vous tiens aucunement grief de vos attaques ad hominem.
Prenez soin de vous en cette drôle d'époque de confinement.
Avec toute mon amitié

En Christ

Marie

7.Posté par Tchetnik le 27/03/2020 13:13
@Marie
Je ne porte aucun jugement, je me contente de constater un fait.

Fait qui est d'ailleurs très général à toute immigration "orthodoxe" qu'elle soit russe, grecque, roumaine...Il faut simplement reconnaître les faits, car on juge au résultat. Dieu, notamment juge. Au résultat.

Souvenez-vous de votre fameuse phrase "les étrangers qui squattent nos églises" et réfléchissez, pendant ce carême, sur où se trouve vraiment le Christianisme.
N'importe qui va au Mont Athos, marie.

Ce n'est pas une marque de piété plus extraordinaire qu'une autre.

jack Lang est allé au Mont Athos.
Il faudrait en effet que vous compreniez que chacun est différent, marie. C'est pourquoi une phrase comme "Rechristianiser un monde éloigné du Seigneur ne doit pas se fonder sur une approche rationnelle, mais sur la Grâce divine qui touche les cœurs des hommes." est hors de propos.

Il serait aussi - enfin - temps que vous compreniez que l'action et la mission de l'Eglise ne dépendent pas des "préférences" personnelles des uns et des autres.

8.Posté par Jonas le 27/03/2020 18:44
@post 4 :
Chère Marie,
Vous avez parfaitement raison de souligner que chacun a un cheminement différent... et des attentes et des besoins différents. Et vous avez aussi raison de dire que comprendre les offices ne suffit pas ; mais je suppose que vous comprenez, vous, le slavon, du moins en grande partie, ce qui n'est pas le cas du commun des mortels, et que vous pouvez vous appuyer sur le texte pour le dépasser.

Chacun a une langue maternelle, et aussi une langue "de coeur" pour s'adresser à Dieu : elles peuvent ne pas coïncider, mais cela reste et doit rester exceptionnel. J'aime entendre (parfois même chanter) du slavon, mais ce ne sera jamais "ma langue" : si, par exemple, j'étais en danger de mort, je ne m'adresserais pas à Dieu en slavon ! Or c'est de cela qu'il s'agit, surtout en ces temps de coronavirus. Idéalement, on devrait pouvoir retrouver à l'église sa langue maternelle (qui, pour un Français, et même pour la plupart des Russes, n'est pas le slavon).

D'ailleurs, à l'époque du Christ, il y avait au Temple (et aussi dans les synagogues), des offices en hébreu, avec un sacerdoce (que le Christ ne s'est pas privé de critiquer), tout cela plus ou moins d'institution divine, du moins à l'origine ; sans compter les prières quotidiennes des gens pieux. Et le Christ fréquentait ces endroits et y prêchait. Mais, comme ses disciples étaient des gens simples, un beau jour ils ont été amenés à Lui demander : "Seigneur, apprends-nous à prier"... ce qui montre bien qu'en hébreu "ils n'y arrivaient pas", et qu'il avaient vu dans le Christ une autre dimension de la prière que simplement rituelle. Et qu'a-t-Il fait ? Il ne leur a pas dit : "Mais vous avez déjà les beaux offices du Temple en hébreu ;.apprenez-le donc !" ; non, Il leur a enseigné le "Notre Père" en araméen, c'est-à-dire dans LEUR langue...

Car, déjà à l'époque, il y avait cette dichotomie entre langue liturgique (qui se fige quand elle atteint une certaine perfection) et langue courante, du moins en Judée (car les Juifs de la diaspora utilisaient, me semble-t-il, le grec courant). Après la mort et la Résurrection du Christ, les disciples devenus apôtres ont continué à fréquenter le Temple et les synagogues, surtout pour y prêcher, puis, en raison de l'hostilité de leurs co-religionnaires juifs pieux et "attachés à la Tradition" d'abord, et des circonstances historiques ensuite (destruction du Temple), sans doute providentielles, c'est le grec qui a fini par devenir la langue dans laquelle nous ont été transmises les Ecritures... Après la Pentecôte, ils ne se sont pas cramponnés à l'usage de l'hébreu ou même de l'araméen, mais se sont conformés à l'usage des pays où ils se sont rendus et qu'ils évangélisés.

Pardonnez-moi ce rappel un peu pédant mais, trop souvent, dans les arguments échangés sur les blogs orthodoxes, les arguments sont "à coups de canon(s)" et de Conciles... ou de belles idées plus appliquées nulle part (le principe territorial), alors que c'est le Christ qui devrait être notre premier modèle...

Ainsi, je ne suis pas sûre que si vos enfants se sont détachés de l'Eglise à l'adolescence, ce soit en raison de l'usage du français dans votre paroisse de l'époque ! C'est un phénomène hélas fréquent à l'adolescence, et je ne vois pas que les paroisses en slavon ici en Occident aient proportionnellement plus d'adolescents qui les fréquentent. Quant à votre fils à Moscou, ce n'est peut-être pas non plus dû spécifiquement au slavon, mais parce qu'il est bien plus "naturel" d'être orthodoxe à Moscou qu'à Paris...

Pour ce qui est de l'Eglise catholique, il me semble que ce n'est pas le passage au français qui a vidé les églises, mais le fait qu'il ait été imposé dans la hâte, à l'exclusion du latin, et que ce processus ait eu lieu dans un grand désordre... Et c'est surtout le.fait de la sécularisation générale de la société, qui n'a pas affecté de la même manière les pays "traditionnellement orthodoxes". Personnellement, et malgré onze ans de latin, ce n'est pas le passage au français qui m'a fait quitter l'Eglise catholique, mais surtout d'avoir trouvé au sein de l'Eglise orthodoxe une plus grande richesse et plénitude, notamment sur le plan doctrinal : un enseignement sur la Trinité plus "équilibré", une vision grandiose de l'homme et de sa place dans le cosmos et dans le plan divin oubliée en Occident à l'époque (sauf de quelques spécialistes). Il y avait d'un côté une vision très moralisante, de l'autre une pitié très affective... et pas de lien entre les deux parce que tête et coeur étaient séparés ; du moins c'est comme cela que je le vivais.

Or, et c'est là que je veux en venir, cet enseignement doctrinal se retrouve dans les textes liturgiques, notamment des fêtes, qui ont été écrits pour être compris... et l'étaient quand ils ont été écrits ! Donc, si on ne comprend pas ou plus la langue, on peut se laisser bercer par la beauté des chants ou suivre dans des livres (à condition d'en avoir les moyens)... et prier, bien sûr, mais ce n'est pas une situation idéale dans la durée... St Silouane écrivait de son propre père, un simple paysan, que jusqu'à la fin de sa vie, il n'arrivait pas à dire le Notre Père sans faire de faute. Cele ne l'a pas empêché de se sanctifier (St Silouane disait qu'il n'était pas arrivé à son niveau...), mais ce n'est une situation ecclésiale "normale" ni satisfaisante. Et il me semble que, dans ce cas, et pour transposer l'épisode de l'Evangile ci-dessus, le Christ le lui aurait enseigné... en russe !
L'Orthodoxie en Occident ne devrait pas être réservée à quelques intellectuels polyglottes !

P. S. Je ne vois pas à quoi vous faites allusion dans vos critiques du P. Schmemann : où a-t-il écrit qu'il fallait "simplifier la Liturgie" ? Quant à écrire qu'il fallait se confesser moins souvent, je crois me souvenir d'un passage de son "Journal" (a priori pas destiné à être édité), où il se plaint effectivement de personnes qui confondent la confession avec un simple entretien et viennent plus pour un réconfort psychologique que pour se repentir. Outre que ce genre de personnes existe (moi-même, par moments...), cela montre juste qu'il n'était pas parfait et que confesser n'était pas son charisme... Il en avait d'autres, et nombreux.

9.Posté par Nicodème le 27/03/2020 19:04
@Tchetnik : en général , je suis assez proche de vos appréciations , mais là , je trouve que vous poussez le bouchon un peu loin . La Toile , je l'ai dit plusieurs fois , n'est pas le meilleur lieu pour donner des leçons à son prochain . Car les échanges ne sont pas charnels . On ne voit pas le visage , on n'entend pas le son de la voix , ni, surtout , le ton qu'elle prend , on ne perçoit pas ce "fameux langage corporel" , toutes choses qui font que des nuances peuvent être exprimées , l'inimitié et l'agacement être neutralisés , et la bienveillance exprimée . Si je n'exprime pas à mon adversaire un minimum de bienveillance , il ne pourra pas m'écouter . Et cela est quasiment impossible par la Toile .
Et le bon vieux courrier postal , me direz-vous , n'est-ce pas pareil ? . Certes . Mais je ne sais comment le dire , le courrier à l'ancienne était beaucoup plus "charnel" . D'ailleurs , chacun de nous devrait y revenir lorsque les choses ne sont pas trop urgentes .

10.Posté par Marie Genko le 27/03/2020 22:41
@Jonas,

Merci pour votre long message.
Je comprends tout à fait votre approche sincère et votre besoin de vous imprégner de l'enseignement des merveilleux testes de nos vêpres et de nos Liturgies.
Puisque vous êtes venu de votre plein gré à l'Orthodoxie vous souhaitez en comprendre toute la richesse.
Cela est normal et je ne peux que souhaiter que de nombreux fidèles suivent votre exemple.

Qu'un Français converti souhaite comprendre ses prières, c'est la raison pour laquelle j'ai écrit à Tchetnik ci-dessus :

"J'irai même dans votre sens en ajoutant qu'il est évident que, pour certains, une Liturgie compréhensible est une nécessité."

Ce que j'ai essayé de dire ci-dessus est que la beauté des chants de nos Liturgies impressionne souvent des personnes, qui assistent une première fois à nos offices.

Et c'est cette beauté d'une prière inchangée depuis des siècles, qui agit sur leur cœur.

Et cela bien avant que leur raison les pousse à se demander pourquoi une telle force de prière se dégage d'un office orthodoxe ....

Lorsqu'un Liturgie est entièrement en Français, il se produit quelque chose d'étonnant, cette Liturgie s'Occidentalise dans sa forme !
Pour être plus claire je dirai que pour le dimanche du triomphe de l'Orthodoxie, j'ai suivi la Liturgie sur un site qui la donnait en Français et, il n'y a rien à faire, je ne parvenais pas à me sentir en communion avec cette célébration.
J'avoue que j'ai regretté de ne pas avoir recherché le lien,qui retransmettait l'office de la Rue Daru, qui officie en Slavon !
Je ne sais plus dans quelle discussion quelqu'un a écrit quelque chose comme :

"Je suis un étranger dans mon église"

Ma conviction est que le rite des Eglises Slaves n'est pas celui qui convient aux peuples d'Occident.
Et réciproquement.
Autrefois la France était orthodoxe et elle chantait en Latin
Il me semble nécessaire que les Occidentaux retrouvent la magnificence de leur propre musique liturgique.
Comprenez-moi, rien n'est assez beau pour louer le Seigneur !
Etre Orthodoxe c'est en plus de confesser notre symbole de Foi, c'est être véritablement enraciné dans son Eglise .
N'est-il pas profondément tragique que la France ait perdu la Foi de ses ancêtres ?
Ce pays a été évangélisé et civilisé par les moines bénédictins, comment est-il possible que tout cet héritage se soit à jamais perdu ?
Pardonnez moi si je n'ai pas compris ou répondu entièrement à votre message.
J'ai eu une journée très remplie et je suis fatiguée.
Avec toute mon amitié.

Marie

11.Posté par Marie Genko le 28/03/2020 10:14
@message 9

Cher Jonas,

Je m'aperçois que je n'ai pas répondu à votre PS au sujet du Père Alexandre Schmemann.

Je vais essayer de vous expliquer mon ressenti:
Comprenez-moi bien, je suis consciente de mon ignorance et que je représente rien, un grain de sable, une bulle d'air ....
Mais comme Tchetnik, j'ai des convictions, exagérées ou erronnées ? Je ne sais ?
Mais il me semble important de partager ces intuitions.

Pour moi le Père Alexandre Schmemann est avant toutes choses un Occidental.
Il était un homme de grand charisme, élevé en Occident.
Il s'est efforcé, sa vie durant, à rendre sa Foi orthodoxe accessible à ses contemporains occidentaux.

La Tradition d'un rite se construit durant des siècles.
Il est le fruit de la Sagesse de l'Eglise et de son expérience.
Il est le miroir de ce que l'Eglise a expérimenté pour attirer au mieux l'homme vers le Seigneur.

Jusqu'au moment ou les Orthodoxes russes, chassés par la révolution bolchevique, sont arrivés ici, ces Orthodoxes comprenaient le sens du Sacré inhérent au rite qu'ils apportaient avec eux en Occident.

Depuis les temps les plus anciens, les Orientaux ont l'intuition de l'immensité de notre Dieu et de l'infini respect qui Lui est du.
Souvenez-vous de l'Arche d'Alliance ...

C'est une des raisons pour lesquelles l'Eglise orthodoxe russe a gardé cette Tradition, héritée de la Foi des enfants d'Israël.
Je veux parler du rideau du Temple pour les Juifs, de l'Iconostase et des portes royales pour nous.

Tout comme, seuls les prêtres avaient le droit de se tenir derrière le rideau du temple, ainsi chez nous, les portes royales étaient fermées durant les moment les plus sacrés de nos offices.

Il me semble ne pas me tromper en écrivant que pour le Père Alexandre il était important de lasser les portes royales ouvertes, même durant l'élévation du calice et la communion des prêtres.
Les inconditionnels de son enseignement estiment même que l'Iconostase est un superflu....

Pour moi, qui suis restée profondément orientale, malgré mon amour pour notre merveilleux pays la France, il me semble primordial que nous ne perdions pas cet immense respect envers notre Créateur et notre attachement à une Tradition multi séculaire, qui a fait ses preuves dans le patriarcat de Russie.

Il est tout à fait possible que l'enseignement du Père Alexandre soit un pont vers l'Orthodoxie?
Il est même probable qu'il convienne parfaitement aux personnes en recherche de la Vérité orthodoxe.
Mais pour moi, une église amputée de son Iconostase, est une église amputée de sa Tradition!
Une église en voie d'assimilation à un mélange des rites et des cultures...

Une église sur les rails du "MELTING POT catholico/protestanto/orthodoxe"

Une église enfin, qui serait le contraire de la diversité attachée à nos différents patriarcats orthodoxes.

Peut-être est-ce là aussi une des raisons pour lesquelles je souhaite ardemment que les Catholiques de France retrouvent avec leur foi Orthodoxe perdue, le rite et la Tradition qui étaient les leurs durant le premier millénaire.
Afin que ni vous, ni moi, ne nous sentions étrangers dans nos églises :
vous dans le patriarcat de Russie, et moi dans une église orthodoxe russe mise au goût de l'Occident.

Avec toute mon amitié et ma reconnaissance pour vos réconfortantes paroles.

Bien à vous en Christ

Marie

12.Posté par André G. le 28/03/2020 10:48
@ poste 10:
Chère Marie,
cela tombe juste... puisque'on dispute d'une manière "d'installer la foi" (ou de la réinstaller...). Tchetnik est très dogmatique là-dessus: pas de théâtre donc! Vous venez de vos propres expériences avec un passé slave, si je peux dire. Jonas avance les origines de la foi chrétienne. C'est important, il me semble, de ne perdre de vue aucun de ces éléments!!! Mais le point de départ de ma réponse, c'est votre phrase: "Ma conviction est que le rite des Eglises Slaves n'est pas celui qui convient aux peuples d'Occident. Et réciproquement." Cela m'a fait sauter d'émotion! Je suis persuadé du contraire, parce que nos "rites" ne sont justement pas des rites inventés. C'est pire! Les rites nous ont été imposé..., même en Russie. En scrutant l'histoire des rites, on s'apercoit que l'essentiel de nos rites occidentaux et orientaux sont identique. Même la structure de l'Office se ressemble fortement - je dois avouer que cela ne se laisse pas entrevoir avec un regard intéressé. Il en faut un regard approfondi et de longue halaine! Ce qui est l'essentiel dans le "rite", c'est son vécu, sa substance même et son enracinement approfondi dans la foi orthodoxe. Le moine de souche bénédictine sera perdu dans une agrypnie athonite au monastère St Pantéleimon au mont Athos, puisqu'il ne comprend pas le slavon (le grec, il l'a aprris peut-être...) et ne peut pas suivre le rituel. Et c'est un problème - c'est juste! - de culture. Mais le problème beaucoup plus virulent, c'est la perte de sa propre culture de chrétien occidental "orthodoxe", pour ce moine de souche bénédictine. Il ne connaît plus ses propres rites disparus depuis bien des siècles à cause de la "romanisation" à la "Contre-Réformation" du 16ème siècle et bien avant. Liturgiste de coeur ouvert, ce moine aurait reconnu sa tradition propre dans l'agrypnie athonite du 21ème siècle. Et bien plus: il n'est pas nécessaire d'être liturgiste-scientifique pour reconnaître cette parenté intime de l'Opus Dei de l'Église indivise. Il suffirait, avec la grâce de Dieu, d'être ouvert à la voix de nos ancêtres dans la foi. Les grands moines de l'Occident, avec s. Benoît de Nursie à la tête, nous ont transmis la Foi apostolique. Malheureusement, et c'est lourd à porter, l'Occident a bien réussi à s'éloigner de ses racines - et combien dans la facon de célébrer l'Office et la Liturgie! Il ne suffit plus de fouiller dans les bouquins pour reconstruire la Liturgie de s. Germain... Il en faut d'abord le vécu évangélique - "orthodoxe" j'ajoute, convaincu de cette nécessité. Le temps de la Liturgie latine (même en francais...) est, malheureusement, fini, et cela, il me semble, définitivement, puisque on a voulu couper les racines profondement. Je suis convaincu avec le même enthousiasme que ce pourrait être l'Orthodoxie qui retransmettrai la haleine coupée par le vécu concret et enraciné - et ce sera l'Office de style traditionel orthodoxe, comme c'était pour la France l'Office de style latin à époque lointaine. Ce sera l'Office "apostolique" (et non de style slavon ou grec ou roumain) pour les francais, les allemands, les italiens etc., redevenus orthodoxes. Et ils y reconnaîtront, j'en suis profondément persuadé!, leurs cultures et leurs racines. Cela peut se produire même avec les offices en slavon, mais l'essentiel, ce sera le vécu, l'Évangile mis en pratique, combiné avec une vie liturgique authentique, mais vraiment authentique! Mis à la porte le folklorique!! Cette communauté chrétienne ne perdra rien de ses racines; elle retrouvera sa patrie perdue vraie et bien plus belle que la Russie des ancêtres ou la Grèce héroique, car ce sera l'Église - corps du Christ. Et cela marche même ... en francais.
Bien à vous en Christ
A.

13.Posté par Tchetnik le 28/03/2020 12:14
Il n'y a aucune raison pour qu'une liturgie en français, en anglais ou en allemand "s'occidentalise". Il s'agit là d'une impression purement subjective. Et ce ne sont pas les "impressions" qui doivent guider la vie publique de l'Eglise.

Il y a bien des liturgies en grec, en roumain et en slavon qui se modernisent et qui sont faites par des clercs on ne peut plus progressistes...

Par ailleurs ce n'est pas la langue qui fait la beauté d'un texte, mais son contenu.

A force d'idolâtrer la forme, on en oublie le fond, et c'est bien ce qui se passe avec ces Russes qui lisent non stop des acathistes et des prières...sans en comprendre un traitre mot.

14.Posté par Olga Kluchnikov le 28/03/2020 18:30
Il est évident que le slavon, outre certains "inconvénients", possède une grande valeur éducative pour ceux qui maîtrisent très bien la langue russe et participent à une certaine culture liturgique de tradition russe. Or d'autres personnes, quoique d'origine slave, y sont en quelque sorte "imperméables" ou peu sensibles pour telle ou autre raison. Parmi ces derniers, certains de nos interlocuteurs qui attribent à telle et autre langue "contemporaine" la faculté d'attirer des croyants et de faciliter leur "évangélisation", ce qui n'est pas faux pour certains ; cela étant dit, même ceux qui sont déjà croyants ne sont pas forcément tous très fervents, et l'adoption d'une langue plus compréhensible ne les fait pas tous venir souvent ou régulièrement aux offices...

D'ailleurs, il ne jamais trop juger (car jugement il y a) ni trop généraliser selon son entourage, un milieu ou une certaine catégorie de croyants. Il faudrait "voir" selon la réalité sur place et choisir les moyens, outils et démarches les plus adaptés selon le cas. Le fait de vouloir faire appel au "bon sens" ne nous en donne pas forcément le monopole.

P.-S. Pour ceux qui sont de tradition russe, russophones et s'intéressent au slavon d'Église, voici un lien qui permet d'accéder à un glossaire comportant, entre autres, des mots qu'ils ne connaissent pas et/ou n'entendent que très rarement aux offices, notamment à la Divine liturgie (d'autres sont tout à fait compréhensibles pour tous ceux qui ont un assez bon niveau d'instruction en langue russe ; et certains mots font partie du vocabulaire courant de la langue russe) :

https://azbyka.ru/molitvoslov/slovar-maloponyatnyx-slov-vstrechayushhixsya-pri-chtenii-psaltiri-i-molitv.html

15.Posté par Marie Genko le 28/03/2020 22:04
@André G.

Merci pour votre message 12
Il y a un élan et un enthousiasme dans la façon dont vous vous exprimez.
Pour cette raison, je ne vais certainement pas essayer de vous contredire.
Je voudrais simplement ajouter que, lorsque j'étais enfant, j'ai entendu des chants grégoriens absolument sublimes dans des églises catholiques. Et je suis convaincue, que les orthodoxes de souche occidentale pourraient en chanter quelques uns sans s'éloigner pour autant de leur Foi Orthodoxe.
Tout n'est pas à rejeter en bloc chez les Catholiques !

Pour aller dans votre sens, voici ci-dessous une affirmation du Père Alexandre Schmemann:

"Ma conviction profonde est que la tradition liturgique orientale est la seule aujourd’hui, malgré toutes les vicissitudes de l’histoire, a avoir préservé la plénitude de la lex orandi de l’Eglise, et constitue donc le critère de toutes les comparaisons liturgiques."

Il est possible qu'e le Père Alexandre ait raison ?
Il est possible aussi qu'il ait été influencé par le pan slavisme ?

Ce qui m'étonne est que son enseignement ait tout de même amené à une petite révolution dans les usages orthodoxes...?
Je ne répéterai pas ce que j'ai écrit ci-dessus dans mon message 11, cela est parfaitement inutile.
Je ne peux qu'affirmer une fois encore qu'une modernisation de nos Liturgies, la suppression de nos iconostases et une trop grande promiscuité avec le clergé durant les offices sera le chemin d'une désacralisation de nos offices.

Fasse le Ciel que nous ne tombions pas dans un "melting pot mondialiste", contraire à l'esprit de diversité attaché à chaque patriarcat orthodoxe.

Je vous souhaite un excellent Carême.
Que Dieu vous garde

Marie

16.Posté par Tchetnik le 28/03/2020 22:19 (depuis mobile)
La "réalité du terrain", je la rappelle pour ceux qui l'auraient oubliée.

Plus de 400000 Orthodoxe en France en 1925, moins de 100000 - estimation très optimiste - de nos jours.


17.Posté par Tchetnik le 29/03/2020 12:49
@Olga

Le slavon n'était à l'origine qu'une langue de traduction.

Et sur les quelques milliards d'hommes que contient la planète, il y en a que très peu de "slaves"...Pourtant tous sont destinés au Salut et à la Sainteté. Vous leur direz d'apprendre le russe ou le slavon, langue que la grosse majorité des Russes ou des Serbes ne comprend d'ailleurs pas...

18.Posté par André G. le 29/03/2020 14:39
@poste 15:
Chère Marie,
je viens d'réentendre (par hasard?) le discours de Mgr. Jean lors de son intronisation en 2016. Il y déploie un programme qu'il a tenu à 100 %. Mais il y parle aussi de la mission: accueillir le Christ et chaque personne qui vient vers nous. Et cela correspond, je suis certain, à nos propos respectifs qui se ressemblent étroitement! Je suis convaincu comme vous que l'Occident chrétien à un trésor remarquable de richesses spirituelles. En plus, il y a beaucoup de texte liturgiques qui sont identiques!!! Sans parler du grégorien, bien sûr... Ce qui nous sépare, si je peux dire, c'est la notion de la réalité d'aujourd'hui. Je ne crois pas que le grégorien en soi, par exemple, est un garant d'un office orthodoxe. Même les textes orthodoxes latins ne sont plus le garant de la foi indemne et saine parce que le vécu est tellement tordu. Et c'est fort dommage!! Tchetnik a raison de nous montrer le nombre d'orthodoxes actuel en France. On aurait de quoi nourrir nos frères et soeurs en quête du Christ, mais souvent, nous écoutons l'adversaire en luttant pour nos petites traditions (je ne m'exclure pas) - très maladroites devant le mystére de la mort et de la Résurrection du Sauveur. Tout cela, même les belles traditions slaves et les langues liturgiques, pourrait exister paisiblement ensemble! Mais cela ne marche qu'en respectant la hiérarchie saine et sainte. En Occident, on a, il me semble, renversé la hiérarchie dans la foi. La réforme liturgique catholique en n'est que le dernier pas - on avait commencé bien avant dans l'histoire... Il me semble qu'on n'est donc pas trop éloigné l'une de l'autre: le grégorien pourrait avoir sa place s'il y avait l'orthodoxie de foi et de vécu. Mais, de mon avis, il n'y a plus de tradition vécue pour cela, on a râté le train "latino-occidental" depuis longtemps sans vraiment le vouloir, j'en suis persuadé. Mais rien n'est perdu devant Dieu. Il nous reste du temps.
Bien à vous en Christ!
A.

19.Posté par Marie Genko le 30/03/2020 10:08
@ André,

Merci pour votre message 18
Je pense que nous partageons tous sur ce fil le même désir :

Comment au mieux témoigner la Parole de Notre Seigneur afin d'aider au Salut du plus grand nombre.

A Tchetnik, je répondrais qu'il est particulièrement difficile en France, pour la majorité des Français, de sortir du carcan de l'Education nationale, qui s'applique à laïciser et a déchristianiser le peuple français.

Parce que les Français sont en majorité des personnes confiantes, ils commencent seulement de nos jours à comprendre l'ampleur de cette volonté politique de déchristianisation.
Volonté politique, qui règne à l'école dès le plus jeune âge.

Il tombe sous le sens que pour évangéliser des Japonais un prêtre ne leur parlera pas en Slavon .
Même si je possédais à la perfection la connaissance du Slavon, ce qui n'est pas du tout le cas, il ne me viendrait pas à l'idée de m'adresser en Slavon aux visiteurs de la cathédrale que je reçois chaque mardi après midi.
Je leur parle dans la langue qui est la leur et ils sont en général merveilleusement réceptifs.
Il est évident qu'un touriste Anglais sera touché que je m'adresse à lui dans sa langue et autant pour le touriste Allemand, ou le touriste Russe.
Mes compétence linguistiques ne vont pas hélas beaucoup au-delà.
Il est évident aussi que le catéchisme autant pour les enfants que pour les adultes doit se faire dans la langue locale.

Mais notre discussion porte sur la langue liturgique.

Contrairement à ce que semble penser Tchetnik, assez peu de personnes extérieures à l'Orthodoxie viennent assister aux Liturgies. C'est la raison pour laquelle les paroisses remplies de fidèles majoritairement fraîchement issus des pays de l'Est officient en Slavon.
A la rue Daru, chaque dimanche la cathédrale est remplie de personnes qui ne parlent pas un mot de Français, mais lorsque par extraordinaire un non orthodoxe entre il est saisi par la magnificence de l'office, et cela ne peut que lui laisser une impression forte, qui le poussera peut-être à se faire expliquer en Français ce qu'est l'Orthodoxie?
Je crois que la majorité des paroisses de l'archevêché officient actuellement en Français, je ne critique pas ce fait, je dis simplement qu'il ne faut pas abandonner les usages multiséculaires, supprimer les iconostases, supprimer, les confessions ...

Ce que j'essaye de défendre est que chaque patriarcat doit s'appliquer à conserver sa propre identité parce qu'elle est celle du peuple orthodoxe, dont il a la responsabilité.

Contrairement à la démarche des modernistes, je suis convaincue que le rite est l'aboutissement de l'expérience de l'Eglise pour faire aboutir le cheminement des fidèles sur la voie du Salut.

Voilà pourquoi j'espère et je prie pour le retour de l'Eglise Catholique à son Orthodoxie première, afin qu'elle retrouve le rite qui sera le plus adapté à ses fidèles.

Merci à nouveau pour votre témoignage.

Bien à vous en Christ

Marie

20.Posté par Marie Genko le 30/03/2020 10:38
@André G.

Voici encore une citation du Père Alexandre Schmemann, trouvée sur un vieux fil de discussion :

"Ma conviction profonde est que la tradition liturgique orientale est la seule aujourd’hui, malgré toutes les vicissitudes de l’histoire, a avoir préservé la plénitude de la lex orandi de l’Eglise, et constitue donc le critère de toutes les comparaisons liturgiques."

Père Alexandre Schmemann, 1920-1983.

Le commentaire suivant, qui soutient cette affirmation est de Jean-Louis Palierne : ven. 25 févr. 2005

"Le texte du père Schmemann concerne essentiellement les diverses tentatives qui ont été faites pour offrir aux occidentaux issus de diverses tendances mécontentes de l’évolution de leurs Églises occidentales la possibilité d’entrer dans l’Orthodoxie sans subir un trop dur dépaysement liturgique. Je crois que les premières tentatives remontent à Tikhon, celui qui devait être le patriarche-martyr de Moscou (élu lorsque le Concile pan-russe de Moscou restaura le patriarcat en 1917). Il le destinait à accueil d’épiscopaliens (c’est-à-dire anglicans), qui quitteraient leur Église pour demander l’hospitalité orthodoxe. Plusieurs communautés l’utilisent de nos jours aux États-Unis. Ce rite, ou un rite semblable, est utilisé par des communautés issus de l’Église catholique. Aux États-Unis elles se trouvent dans les rangs soit de l’OCA, soit de l’Archidiocèse antiochien.
......................................................................................................................................................................

Rien n'indique que les occidentaux qui viennent vers l'Orthodoxie aient besoin qu'on leur serve une liturgie faussement reconstituée pour accéder à la plénitude de l'Orthodoxie. Les liturgies de saint Jean Chrysostome et de saint Basile représentent la meilleure pédagogie spirituelle et mènent à l'universalité de l'Orthodoxie."

Et le Père Alexandre et Jean Louis Palierne sont tes personnalités, qui ont mérité le grand respect de ceux qui ont eu la chance de prendre connaissance de leurs écrits.

J'ajouterais simplement que Jean Louis Palièrne à aussi écrit un livre, qui mérite d'être lu, et dont le titre est :
"Ou se cache l'Eglise orthodoxe"

C'est un livre qui montre à la perfection les dérives et les excès d'un modernisme recherché par certains Orthodoxes....

En ce qui me concerne, je ne peux que répéter encore et encore que seule la beauté de nos Traditions liturgiques, inspirées par une Foi authentique peut émouvoir les cœurs fermés.
Et j'insiste pour rappeler que ces Traditions sont différentes dans chaque territoire canonique patriarcal.

Avec toute mon amitié
En Christ
Marie

21.Posté par Théophile le 30/03/2020 16:48
@ Marie
Vous avez raison de vouloir que les liturgies soient belles et priantes, inspirée par la vraie foi. Cela doit rester essentiel dans la transmission de la foi, par la beauté et la louange. Ainsi que par l'incarnation de la foi dans nos vies - en cela vous avez absolument raison.
Mais je crois que personne ici ne souhaite des liturgies modernisées ou au rabais.
La seule question, c'est d'accepter un travail de transmission de la foi, qui s'est toujours fait dans l'Eglise, depuis l'âge apostolique jusqu'aux apôtres de l'Alaska ou du Japon.
Pas de dénaturer la foi, l'Eglise ou la vie liturgique.
Après, je suis d'accord sur votre intuition et expérience du grégorien, et que nous devons aussi prier pour les catholiques, afin qu'ils reviennent vraiment vers la foi des origines. Penser que Dieu ne veux pas qu'ils se repentent est soient sauvé est une ignominie.
Ces deux aspirations ne sont pas contradictoires. Et si on pouvait ne pas nous disputer plus encore sur ce sujet, ce serait bien.
Par ailleurs, l'heure est avancée, et vu la gravité de ce qui se passe dans le monde actuellement, je crois que chacun a d'abord à se tourner vers Dieu, demander pardon et prier de tout son cœur pour ne pas tomber dans le découragement ou la tiédeur, car les épreuves qui s'annoncent ces prochains mois et années rendront nos petites disputes très relatives.
Ce qui s'annonce est existentiel. Pour chacun de nous, pour l'Eglise, et pour le témoignage de chrétien qu'il nous est demander de rendre - en Esprit et en Vérité.
Alors mettons-nous à la suite de Celui qui a fait toutes choses nouvelles, sans plus tarder.

22.Posté par Tchetnik le 31/03/2020 08:56
Il n'existe pas de "langue liturgique". C'est un fantasme aussi spirituellement improductif et faux que celui de "langue sacrée".

En revanche, il existe une tradition de langue vernaculaire dans l'Eglise, ce depuis la Pentecôte. Il existe ensuite des coutumes locales qui ont leur utilité et leur légitimité dans leur espace culturel, mais certainement pas ailleurs.

Ce n'est pas parce qu'une liturgie est dite dans une langue vernaculaire qu'elle en perd toute sa "beauté", et ce n'est pas la langue qui fait la beauté de la Liturgie, mais la Vérité qu'elle contient et exprime, Vérité exprimable dans toutes les langues.
Faire croire le contraire revient à mettre sur le même plan des éléments de fond avec des éléments bien plus superficiels, ce qui, outre le racialisme que ça engendre, relève d'un manque de discernement certain.

23.Posté par Marie Genko le 31/03/2020 14:54
Cher Théophile,

Merci pour votre message.
Je vous souhaite un saint Carême.
Restez en bonne Santé ! Prenez soin de vous même et de ceux qui vous sont chers.

Avec toute mon amitié
En Christ

Marie

24.Posté par Théophile le 01/04/2020 07:50
Chère Marie,

Merci pour vos souhaits et bonté.
Prenez aussi soin de vous et vos proches.
Et que chacun œuvre là où le Seigneur l'a placé!

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