V. Golovanow

Nous savons bien que les Eglises locales orthodoxes sont très indépendantes et ont beaucoup de différences dans leurs cultes et leurs traditions (d'ailleurs c'est là l'une des raisons invoquées pour tenir un Concile panorthodoxe: rapprocher les pratiques trop disparates…), mais nous avons du mal à concevoir que les Eglises locales catholiques le sont aussi. Je ne connais pas d'étude générale de cette situation et je vais simplement citer deux exemples très différents pour proposer une réflexion sur ce sujet.

L'Eglise gréco-catholique d'Ukraine

Le métropolite Hilarion de Volokolamsk en parle dans les termes suivants dans son discours d’accueil aux participants du IV Forum orthodoxe-catholique européen (Minsk, 2-6 juin 2014) "Les gréco-catholiques ont joué un rôle destructif dans l’instauration de ce climat. Les déclarations de leur principal archevêque, des hiérarques et des clercs, leur position extrêmement politisée, ont fortement contribué à la polarisation de la société, à l’exacerbation d’un conflit qui a déjà fait beaucoup de victimes (…)

Les déclarations agressives des uniates (1), leurs actes ayant pour objectif de porter préjudice à l’Orthodoxie canonique, leurs contacts répétés avec les schismatiques (2), leur désir de diviser l’Église orthodoxe russe multinationale indivise ont porté gravement atteinte non seulement à l’Ukraine et à ses habitants, mais au dialogue orthodoxe-catholique. Tout cela nous a rejeté loin en arrière et rappelle les temps où orthodoxes et catholiques ne se considéraient pas comme alliés, mais comme concurrents."

L'Eglise maronite (3)

Extrait d'une interview du métropolite Georges (Khodr) du Mont Liban (Patriarcat d'Antioche): "Les maronites n’ont pas une théologie propre ; nos divergences proviennent du fait qu’ils sont rattachés à Rome. Par ailleurs, nous n’accusons plus les Églises orientales orthodoxes d’être monophysites ; nous avons compris ensemble que reconnaître une ou deux natures du Christ signifie la même chose : pour nous tous il est Dieu et homme. Il faut dire que la plupart des chrétiens arabophones (au Liban et en Syrie) n’ont pas vraiment conscience de divergences entre les confessions chrétiennes : ils sont conscients qu’une véritable unité de foi existe entre nous tous, que nous soyons de tradition orthodoxe ou catholique. Et ils réclament l’hospitalité eucharistique réciproque !

De fait, dans la pratique, nous acceptons les laïcs catholiques à notre table de communion. Et les prêtres maronites acceptent les orthodoxes à la leur. Sans qu’il y ait eu de décision canonique... Par contre nous ne concélébrons pas avec les prêtres maronites. Pas encore...

Il faut dire que dans mon diocèse, qui est le plus grand diocèse libanais, il y a 60 % de couples mixtes. Lors des funérailles, on voit toujours présents à la fois un prêtre orthodoxe et un prêtre maronite. Chez nous, les gens vivent ensemble et n’ont pas beaucoup de théologie dans la tête !

Aujourd’hui, il n’y a plus comme autrefois de mainmise du Vatican sur l’Église maronite. Leur dicastère (la Congrégation pour les Églises orientales) les renvoie en général à leurs responsabilités !"

Idées personnelles

Ces deux exemples montrent en premier lieu la grande indépendance de ces Eglises vis à vis du Vatican. Le métropolite Georges le souligne pour les Maronites et les "Uniates" le démontrent en s'opposant par leurs actes aux tentatives de rapprochement avec l'Eglise russe que tente de faire avancer le Vatican.

Et je soulignerais aussi les différences des relations avec les Orthodoxes: 60 % de couples mixtes, double présence aux funérailles et hospitalité eucharistique réciproque entre Maronites et Patriarcat d'Antioche. Rien de tel entre Eglise gréco-catholique et patriarcat de Moscou (reconnaissance réciproque des baptêmes avec le soi-disant patriarcat de Kiev).

Je propose ces deux exemples pour introduire un débat et je suis preneur de toute information sur ce thème pour aller plus loin.

***

(1) Cette Eglise est appelée "uniate" quand elle est crée par l'Union de Brest-Litovsk (1596), signée par le métropolite orthodoxe de Kiev, alors sous domination polonaise, et 6 évêques ukrainiens sur 8 qui reconnurent l'autorité du Pape en gardant leurs traditions rituelles. L'Ukraine occidentale échut à l'empire austro-hongrois après les trois partages de la Pologne (1773-1795) et un décret impérial de 1774 donna à cette Eglise le nom de "grecque-catholique" pour différencier ces catholiques, qui utilisent le rite grec-byzantin, avec clergé marié, Credo sans "filioque", etc., des "Latins" majoritaires dans l'empire.

(2) Il s'agit du soi-disant "patriarcat de Kiev". Cf. L'Ukraine orthodoxe: ORTHODOXIE MAJORITAIRE MAIS DIVISEE

(3) L'Eglise maronite se constitua en patriarcat au VIIe siècle dans le montagnes de Syrie et le premier patriarche aurait été Saint Jean Maron (+707) qui lui donna son nom. Les relations avec Rome furent nouées pendant les croisades et l'Eglise maronite se soumit au Pape au XIIe siècle. Elle pratique un rite particulier. Les Maronites constituent la plus importante communauté chrétienne duLiban.

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 6 Juin 2014 à 10:01 | 0 commentaire | Permalien



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