Après des semaines de tensions dans l’Est de l’Ukraine, le Patriarcat de Moscou fait mine de prendre ses distances avec les séparatistes pro russes.

Après des semaines de tensions dans l’Est de l’Ukraine, le Patriarcat de Moscou fait mine de prendre ses distances avec les séparatistes pro russes.

Le rêve d’une Eglise orthodoxe russe au-delà de la Russie

« Seule une minorité des habitants soutiennent les séparatistes de Donetsk et de Lougansk, écrit le jeune archevêque auxiliaire de Kiev. Les milices orthodoxes du Donbass n’ont rien de commun avec l’Orthodoxie. » Rapportés par l’agence russe Interfax, proche du Patriarcat de Moscou, ces propos ont de quoi surprendre. Ils contreviennent, en effet, au rêve moscovite d’une continuité de l’Église orthodoxe russe sur le territoire de l’ex-Union soviétique (Russie, Biélorussie, Ukraine, Pays baltes, républiques d’Asie Centrale), dont l’Ukraine est une composante majeure.

Pour le Patriarcat de Moscou (150 millions de fidèles, soit la moitié de l’orthodoxie mondiale), la perte du berceau historique de Kiev serait vécue comme une catastrophe. Juste après l’effondrement du bloc soviétique, en 1991, une Église ukrainienne dissidente avait été créée contre l’avis de Moscou, l’Église ukrainienne-"Patriarcat de Kiev" (EOU-PK). (non canonique "PO")

Quant à l’Église d’Ukraine restée dans le giron moscovite, à laquelle appartient le métropolite Oleksandr, elle bénéficie d’un statut d’autonomie lui permettant d’élire ses propres évêques. Après soixante-dix ans de terreur et de persécution, il s’agissait alors pour l’Église russe d’éviter que la séparation politique n’entraîne dans son sillage une séparation religieuse.

Une volonté d’apaisement

Les événements récents ne font que relancer cette perspective. D’où, ces derniers temps, un changement d’attitude de Moscou à l’égard de Kiev. Silencieux depuis les débuts de la crise, en particulier lors de l’annexion de la Crimée, le patriarche Kirill de Moscou a ainsi félicité fin mai 2014 le nouveau président Petro Porochenko en des termes choisis : « J’espère que les pouvoirs et l’autorité qui vont sont aujourd’hui conférés le seront au bénéfice de l’est, de l’ouest, du nord et du sud de l’Ukraine. »

Dans ce contexte, l’initiative du métropolite Oleksandr peut être lue comme une volonté d’apaiser la situation. « Pour sauver l’unité religieuse et préserver le lien entre les Églises de Kiev et de Moscou, la hiérarchie de l’Église orthodoxe d’Ukraine (EOU-PM) condamne le séparatisme politique », analyse l’historien et théologien orthodoxe Jean-François Colosimo.

Une condamnation qui intervient alors que le Kremlin n’a lui-même pas reconnu explicitement la validité des référendums d’autodétermination organisés le 11 mai dans l’est ukrainien. « Avec le rattachement de la Crimée, la Russie dispose de son accès aux mers chaudes et semble vouloir jouer maintenant la carte de l’apaisement » , poursuit Jean-François Colosimo.

L’influence menacée du Patriarchat de Moscou

Pour l’historien Yves Hamant, l’hypothèse que le métropolite Oleksandr, issu d’une nouvelle génération de jeunes évêques ukrainiens, agisse avec l’aval de Moscou est toutefois à écarter. « Le courant autocéphale a beaucoup progressé ces derniers mois en Ukraine. Une grande partie des fidèles de l’Église orthodoxe rattachée à Moscou est choquée par la timidité des réactions du patriarche Kirill devant la politique des autorités russes en Ukraine et l’annexion de la Crimée. Ils se sentent abandonnés par le premier de leurs pasteurs. Certains prêtres ont même cessé de le mentionner dans la liturgie. »

Surtout, en cristallisant le sentiment national, l’Église du Patriarcat de Kiev (EOU-PK) est apparue comme l’Église orthodoxe représentative de la nation ukrainienne. Longtemps considérée comme une chimère, la réunion de tous les orthodoxes d’Ukraine au sein d’une unique Église autocéphale fait son chemin dans les esprits. Le poids et l’influence du Patriarcat de Moscou s’en trouveraient alors considérablement diminués..... Suite La Croix

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 4 Juin 2014 à 17:24 | Permalien



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