Vladimir GOLOVANOW

Un "te deum punk": le 21 février dernier, cagoules colorées aux visages, quatre "punkers" du collectif féministe Pussy Riot ont chanté, sans autorisation, un "te deum punk" (панк-молебен) politique en forme de «prière d’intercession», «Vierge Enfantrice de Dieu chasse Poutine» (1), dans la cathédrale du Christ Sauveur, église qui symbolise le renouveau orthodoxe en Russie. Interrompues par les gardiens du temple, deux d'entre eux ont été interpelées et emprisonnés pour "trouble à l'ordre public". Sur le blog de Pussy Riot tous les détails de l’arrestation ont été publiés et les activistes proclament qu’ « ils n’ont ni voulu souiller l’Eglise, ni commis aucun blasphème ».

Il s'est avéré qu'il s'agissait de deux jeunes mères de familles et leur emprisonnement sans jugement divise l'opinion, y compris au sein de l'Eglise: le diacre Andreï Kuraev, missionnaire, écrivain, blogueur connu et enseignant à l'Académie religieuse de Moscou, a proposé sur son blog d'offrir « des blinis et de l'hydromel (medovoukha)» aux chanteuses et à les inviter à revenir pour l'office du pardon, car on était en période de carnaval (Maslenitsa) où de « pareilles bouffonneries (скоморошества) » sont traditionnelles.

Il a aussi souligné que tout ce qui s’était passé dans la cathédrale avait respecté la loi. Cette position a été majoritairement reprise dans la blogosphère laïque, par contre Vladimir Légoïda, président du département de l’information de l’Eglise russe, a qualifié cette action de «vile» et dit qu’il avait pitié de ces «pauvres filles parce qu’elles ne savent pas ce qu’elles font ». En parlant des «commanditaires de cette action », Vladimir Légoïda a jugé qu’il était nécessaire qu’ils répondent de « ce sacrilège » devant la loi. D'autres, plus violents, titrent carrément sur "la guerre des P***" («Война бл***й») et parle de "l'invasion des commandos d'avant-garde de la civilisation occidentale libérale dans l'espace intime de millions de croyants…"

Les débats ont continué à se développer lorsque le juge a décidé de maintenir les jeunes femmes sous les verrous jusqu'au jugement, fixé au 24 avril, ce qui fera donc deux mois d'emprisonnement sans jugement. Dimanche 18 mars une pétition qualifiant de blasphématoires les actions de Pussy Riot a été lue en chaire dans de nombreuses églises de Moscou: « Nous demandons l’arrestation de ceux qui ont, d’une manière ou d’une autre, organisé cette action, y ont participé ou encore ont relayé des informations aux médias la concernant, incitant à la haine religieuse et bafouant la dignité humaine garantie par la loi 282 du code pénal russe » énonce la pétition. La source de la pétition est inconnue et Vladimir Legoïda a déclaré au portail d’informations « Monde orthodoxe » qu’il n’en avait jamais entendu parler: « Je n’ai connaissance d’aucune circulaire officielle ayant été distribuée dans toutes les églises de Moscou à l’encontre des membres du groupe féministe. Je suis certain qu’il n’existe aucune pétition de la sorte, la position de l’Eglise à ce sujet a déjà été répétée maintes fois depuis le début de cette affaire ».

« Notre archiprêtre nous a lu cette pétition qu’il a soit disant trouvée sur le site du Patriarche. Il a tout fait pour nous montrer qu’il n’avait aucune opinion sur cette affaire. D’après ce que j’ai pu entendre, 9 personnes sur 900 l’ont signée. J’ai moi-même vu de mes propres yeux trois vieilles dames la signer », a déclaré un fidèle à Igor Gulin, journaliste cité par le magazine Russkiï Reporter. Un autre témoin, Rais Khanoukaev raconte comment les paroissiens ont accueilli la pétition dans une autre église de Moscou : « Les réactions ont été différentes selon les paroissiens : certains sont allés directement signer, d’autres ont préféré lire plus en profondeur la pétition avant d’imposer leur signature sur quelque document que ce soit. Au bout du compte, ils n’ont été que très peu à la signer. Selon le prêtre, l’action des membres de Pussy Riot a été commanditée par une tierce personne qui doit être arrêtée et jugée », a-t-il déclaré (ibid.)

Maître Nicholaï Polozov, représentant les droits de Nadejda Toloko, l’une des membres de Pussy Riot, a émis son opinion au sujet de la pétition. « Les pouvoirs qui appellent à la persécution des journalistes ayant apporté un soutien à l’action de Pussy Riot avivent les tensions sociales et religieuses. Cette pétition a pour but de diviser la société, de la faire sombrer dans une guerre civile », a remarqué l’avocat (ibid). La position de l'Eglise, énoncée par plusieurs responsables, dont le père Vsevolod Chaplin, responsable du "département des relation avec la société" du patriarcat, juge sévèrement l'action en elle même, qualifiée de scandaleuse et offensente, mais s’opposent à toute peine d’emprisonnement et appellent au pardon de cette offense... Le père diacre André Kuraev s'en est fait le porte parole et souligne la division que cette affaire met en évidence à l'intérieur de l'Eglise et entre l'Eglise et la société; il cite à ce propos l'anecdote à propos d'une bagarre de gamins: "tout à commencé quand je lui ai rendu la monnaie de sa pièce"…

Mardi 20 mars, Amnesty international s’est dite prête à accorder aux jeunes prisonnières le statut de « prisonnier politique » dont ont bénéficié Mikhaïl Khodorkovskiï, Andreï Sakharov ou encore Alexandre Soljenitsyn (Interfax)

Source: différents blogs et forums
(1) Ce chant parle de "soutane noire à épaulettes", "gay-pride envoyée en Sibérie enchainée", "le chef du KGB, saint principal, envoie les protestataires en prison, Pour plaire à Sa Sainteté les femmes doivent enfanter et aimer", etc suivent des grossièretés et insultes au Ptriarche, "Vierge Enfantrice de Dieu devient féministe" etc

Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 25 Mars 2012 à 21:58 | Permalien



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