Higoumène Georges Leroy: comment concilier Orthodoxie et francophonie
V.GOLOVANOW
Chroniques d'Abitibi 5

Dans Chroniques d'Abitibi 2 le père Georges racontait son cheminement vers l'Orthodoxie puis il a raconté son passage à Saint Serge et la découverte de l'Eglise de l'émigration des années 1980 dans les Chroniques d'Abitibi 4. Dans le passage suivant il montre particulièrement les difficultés d'adaptation dans l'Orthodoxie en Occident à la fin du siècle dernier pour qui "n'était pas d'origine orthodoxe" (sic), témoignage particulièrement intéressant puisqu'il confirme et explique les positions de nombre de nos intervenants…

Comme précédemment, je laisse la plume au père Georges en ajoutant titres et sous-titres.

Hièromoine cycliste

Il faut dire que je n'étais pas précisément le «hiéromoine parfait», tel qu’on peut se l'imaginer. Car j’avais un vélo, rangé dans un recoin de l'Institut. L'institut Saint-Serge était un endroit relativement abrité de la rumeur de la très grande ville : le quadrilatère, plantée d'arbres et assez verdoyant, donne sur les arrières de grands immeubles haussmanniens. Une fois franchie la grille donnant sur l'extérieur, il suffit de remonter la rue de Crimée, pour arriver dans le magnifique parc des Buttes-Chaumont, qui est véritablement un lieu théologique : les grands noms de la pensée russe en ont foulé les allées sablées, et le petit temple pseudo-antique qui couronne l'escarpement rocheux qui se dresse au milieu du parc, abrita les réflexions métaphysiques de nombre de théologiens. Malgré ces indiscutables qualités, l'environnement reste celui d'une mégalopole.

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. Et cela finit par être usant. Paris est une ville magnifique lorsqu'on la visite, mais pour y habiter, c'est une autre question. Le métro est comme le téléphone : c'est une invention pratique et désagréable. La millième fois que vous prenez le métro parisien, on finit par en avoir vraiment assez de son air mille fois respiré, des gens hagards qui y titubent, du danger latent de ses couloirs déserts, du désespoir et de la détresse que vous sentez, parmi tout le troupeau des gens qui s'y précipitent.

Lorsque le temps le permettait, le vélo était ma planche de salut : je pouvais respirer à l'air libre, en dehors de ces souterrains ! C'est ainsi que l'on me voyait circuler dans les rues de Paris, avec mon « orthodoxie pliable » ficelée sur le porte-bagages. Pour aller jusqu'à Asnières, je passais devant le Moulin-Rouge, Pigalle, et autres endroits pittoresques. Cela m'a permis de bien connaître la Ville de Paris, passant par les petites rues pour éviter les grands boulevards, dangereux pour les deux-roues. Et lorsque je revenais à l'Institut à des heures indues, après les Vigiles, je crois que ce moyen de transport m'a permis d'échapper à un certain nombre d'agressions : le passage furtif et silencieux d'un vélo n’est guère remarqué par un groupe de loubards à la recherche d'une victime. Je suis même allé depuis Paris jusqu’à Bussy-en-Othe (au Nord de la Bourgogne) en vélo, en passant une nuit à la belle étoile. Une fois arrivé au Monastère, je me suis fait «accueillir comme un chien au milieu d'un jeu de quilles» par Mère Théodosie, à l'époque Supérieure de la communauté, qui estimait que cela était tout-à-fait incompatible avec la respectabilité souhaitée de la part d'un auguste membre du clergé orthodoxe… Sans doute avait-elle raison.

Pendant l'été, je mettais mon vélo sur le train, et j’allais visiter, par monts et par vaux, une région de France, afin d'en voir les églises romanes. Je garde d'excellents souvenirs de ces randonnées : j'ai contemplé des paysages beaux comme des tableaux, j'ai respiré le grand air, décrassant mes poumons de toute la pollution parisienne ; cela me faisait faire un bon exercice physique, indispensable après cette existence trop sédentaire et studieuse pendant l'année, et - pourquoi ne pas le dire - je replongeais avec délices dans ma culture latine et occidentale.

Douce France

Les églises romanes témoignent de la chrétienté indivise, en cette terre de France. Par ailleurs, en dehors des considérations purement théologiques, lorsqu’on touche de ses doigts un mur du XIIe siècle, on y reconnaît la main du tailleur de pierre, et celle du maçon qui y a travaillé. Ce n'est pas encore la production plus standardisée de l'époque gothique. À l'époque romane, c'est le symbole qui dirige la forme. Au XIIIe siècle, à l'époque gothique, se produit la recherche de l'exploit technologique, en cherchant à couvrir le maximum de surface à la plus grande hauteur, avec le moins de matériaux possibles. C'est très moderne, mais cela s'éloigne totalement de la vision du cosmos ainsi que des relations entre Dieu et l'être humain, qui forment le tissu de la chrétienté du premier millénaire.


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J'ai découvert de très belles régions : en la montagneuse Auvergne, tout était à 45° : cela demandait pas mal d'efforts pour le cycliste. Mais ces efforts étaient largement récompensés par d'admirables paysages. Au début, je n'avais même pas de tente, jusqu'au moment où je me suis fait copieusement tremper par un orage nocturne… Les années suivantes, le soir je dépliais une tente microscopique, ce qui m'évitait d'être couvert de rosée le lendemain matin. J'étais devenu un expert pour remplacer les rayons des roues de vélo, dont l'un ou l'autre finissait par se briser. À un moment donné, ma vieille bécane devenait vraiment chancelante. Je l'avais fixée à une grille, à Paris, avec une grosse chaîne. Quelqu'un m'a rendu le grand service de sectionner la chaîne et de me le voler. C'est ainsi que j'ai pu ultérieurement franchir les méandres du Lot et découvrir encore d'autres régions, à bord d'un bon vélo nettement plus performant. J'étais cuit par le soleil, et personne ne pouvait savoir où j’étais. C'était la seule façon de ne pas être constamment poursuivi pour des remplacements dans des paroisses agonisantes.

«Bouche-trou »

Finalement, après cinq ans, j'ai obtenu mon diplôme de maîtrise en théologie, après avoir soutenu un mémoire sur « la question du péché originel dans la théologie de la rédemption ». Ce qui était difficile dans ces études à l'Institut Saint-Serge, c'est qu'il n'y avait pas de perspectives : Mgr Georges Wagner m'a dit, de vive voix : «vous n'êtes pas russe ; je ne sais pas ce que je vais pouvoir faire de vous». Il n'était évidemment absolument pas question de me charger d'une paroisse, car je n'avais pas les bons gènes… En fait, il désirait continuer de m'avoir sous la main pour exercer le rôle éternel de « bouche-trou » dans les diverses paroisses en difficulté. Lors de ma cinquième année d'études, j'ai réellement ressenti les effets que pouvait donner dans l'organisme à la fois la pollution, le stress et un mauvais équilibre de vie, au sein d’une l'énorme ville comme Paris.

Je comprends vraiment pourquoi le Patriarcat de Moscou a désiré installer son Séminaire à l'extérieur de l'agglomération parisienne. L'influence d'une mégapole est foncièrement négative et inhumaine. L'être humain n'est pas fait pour vivre au milieu de ces gigantesques accumulations de béton et de maçonnerie, et surtout parmi les tensions et les énergies négatives générées par l'ensemble de ces esprits humains, constamment brutalisés par leur environnement. À un moment donné, j’ai eu un accroc de santé, et je me suis retrouvé dans un hôpital. J'ai été soigné « à charge de la Ville de Paris », car je n'avais aucune ressource. Après une intervention chirurgicale, je me suis retrouvé sur le trottoir, en assez mauvais état, me tenant péniblement debout, alors que j'avais mission de célébrer dans une église russe, le dimanche suivant. Tout cela m'a fait réfléchir : certainement, j'allais laisser ma santé, à ce rythme.



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Comment devenir Orthodoxe quand on est Québécois

Catholique ou Protestant? Dans l'Institut, je conversais de temps en temps avec Mario Rousseau, qui était un Canadien venant passer une année d'études théologiques. Nous ne participions pas aux mêmes cours, à quelques exceptions près. Le parcours de cet étudiant canadien était « hors normes » : il était né dans un petit village au Nord du Québec, où la probabilité d'avoir un contact avec l'Église orthodoxe était pratiquement nulle. Son grand-père était bedeau dans l'église paroissiale (ensuite sa tante, puis sa cousine…), et lui-même y travaillait régulièrement. À un moment donné, le curé de cette église eut l'imprudence de dire, dans son sermon, que « les protestants avaient enlevé de la Bible tout ce qui concerne le Pape et la Sainte Vierge ». Mario eut des doutes, et demanda à des Évangélistes protestants de lui fournir une Bible « Louis Segond ». Par ailleurs, il acquit une Bible de « Jérusalem », acceptée par les Catholiques romains. Pendant tout un hiver, il éplucha les vingt-sept livres du Nouveau Testament, mot par mot. À l’issue de cette minutieuse analyse, il en vint à cette conclusion : «nulle part, on ne parle du Pape dans le Nouveau Testament, et très peu de la Mère de Dieu». Le curé avait donc menti ou, plus probablement, il n’avait jamais lu ces textes… Le doute s’instilla dans son esprit. Il se mit à s’intéresser aux autres Confessions chrétiennes. Rapidement, il constata le fait que, dans les diverses dénominations protestantes, des éléments fondamentaux du christianisme originel avaient été abandonnés : dans l'Église des premiers temps, existaient des presbytres et des épiscopes, alors que l'idée même du sacerdoce avait été évacuée du protestantisme calviniste. Les chrétiens des premiers temps se réunissaient le dimanche matin pour l'Eucharistie, dans la conviction de communier au Corps et au Sang du Christ ressuscité, alors que la Cène est réduite à un rite de fraternité, dans les communautés protestantes.

Anglican? À part le protestantisme, il était possible d'envisager l'anglicanisme. L'Église anglicane reconnaît à la fois l'épiscopat et le sacerdoce, et célèbre l'Eucharistie. Mais c'est « l'Église des Anglais ! » Au Québec, le contentieux historique existant entre les Québécois francophones et les Anglais - ressentis comme des occupants - ce contentieux pèse lourd… Dans la ville de Québec, qui est entièrement francophone, on ne parle qu'Anglais dans la cathédrale anglicane. Partout au Québec, de nombreuse églises anglicanes sont fermées, car les fidèles préfèrent désaffecter leur église, plutôt que d'y laisser dire un seul mot de français. C'est un comportement qui est presque orthodoxe… Ainsi donc, le poids de l'Histoire ne permettait pas d'envisager l'adhésion à l'anglicanisme.

Reste l'Église orthodoxe. Rappelons-nous qu'à cette époque, l'Internet n'existait pas encore ; se procurer un livre sur l'Orthodoxie était relativement difficile. Mario rassembla de la documentation. Lorsqu'il était à Montréal, il tenta de s'informer sur l'heure des Offices, à l'église orthodoxe russe Sts-Pierre-et-Paul. L’horaire était affiché uniquement en Russe. Après avoir sonné à la porte du presbytère, il se trouva face au prêtre qui le considéra avec suspicion ; il ne parlait que Russe et Anglais. Ce dernier lui dit que l'église catholique était un peu plus loin… Avec persévérance, Mario franchit le seuil de cette église, où chacun le considérait comme un meuble transparent, et où, pendant un an, nul ne lui dit jamais bonjour. Le premier voyage que Mario fit en-dehors du Québec, le fut à destination du Mont-Athos.

À cette époque, il n'était pas encore devenu orthodoxe. Il parvint à son but, malgré une grève de la compagnie d'aviation française - grève qui, comme chacun le sait, est en France un sport national. Une fois revenu au Québec, Mario continua ses recherches sur la Foi orthodoxe. Mario écrivit à Mgr Sylvestre, qui résidait en l'église Sts Pierre-et-Paul, à Montréal. Dans sa lettre, Mario demandait s'il existait des églises ou un monastère orthodoxe au Québec ? Mgr Sylvestre transmit la lettre de Mario à un prêtre orthodoxe d'origine arménienne, le Père Grégoire Papazian. Celui-ci lui répondit par ces mots : « Cela fait déjà deux fois que vous importunez Mgr Sylvestre. Avec le nom que vous avez, je doute fort que vous soyez d'origine orthodoxe». Mario répondit derechef : «Avec le nom que vous avez, vous n'êtes sûrement pas, vous non plus, de naissance orthodoxe. Mais avec une telle attitude, il ne faut pas s'étonner qu'il n'existe pas de convertis ». Après ce premier contact, Mario rendit visite au Père Grégoire Papazian, en son ermitage. Là, il rencontra le Père Stéphane Bigham, un prêtre américain qui venait au Québec pour fonder une paroisse francophone. Quelques années plus tard, le Père Stéphane reçut Mario dans l’Orthodoxie.

Mario collabora ensuite à la fondation de la paroisse orthodoxe francophone Saint-Benoît, à Montréal. À un moment donné, il désira approfondir ses connaissances théologiques, et voulut faire un an d'études à l'Institut Saint-Serge, à Paris, ce qui explique le fait que j’ai pu l’y rencontrer. Mario résista vaillamment à toute tentative de russification, et fut le cauchemar de la professeure de Russe… Québécois, il entra à l'Institut Saint-Serge ; québécois, il en ressortit. La professeure de Russe lui disait : «dans une perspective missionnaire, M. Rousseau, veuillez bien prononcer le Slavon !» Au chœur, Mario chantait : « bogorochtchouiou mouchchouia tzarstvouchouïou… » et cela passait très bien.

L'appel de la Providence: Un jour, Mario me donna une information qui n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd : le Père Grégoire Papazian avait construit un ermitage juste à côté du cimetière orthodoxe russe de Rawdon, à une soixantaine de kilomètres au nord de Montréal. Le Père Grégoire avait par la suite quitté son ermitage pour s'établir en un autre lieu, laissant inoccupées l'église, ainsi que la petite maison attenante. Je vis en cette annonce une œuvre de la Providence : Mgr Georges Wagner m’opposait une fin de non-recevoir, et me laissait clairement savoir qu'il n'y avait aucune place pour moi dans l'archevêché de la « Rue Daru ». L'existence de cet ermitage désaffecté, de l'autre côté de l'Atlantique, était certainement un signe du Seigneur à mon égard. De son côté, le Père Stéphane Bigham s'activait, pour obtenir les autorisations nécessaires. C'est ainsi qu'un jour, avec armes et bagages, je partis pour commencer une nouvelle vie, en terre canadienne. Dans ma poche, était glissée la lettre dimissoriale qui me permettait de passer sous l'égide de l'Église orthodoxe en Amérique (O.C.A.). Cette lettre avait été signée avec enthousiasme par Mgr Georges Wagner, très heureux de se débarrasser d'un francophone.

Le surgissement de l'Orthodoxie dans l'existence de Mario Rousseau est un fait beaucoup plus remarquable que ma propre découverte de la Foi orthodoxe. Il a vécu son enfance dans un milieu où rien ne permettait de découvrir l'existence de l'Église orthodoxe. Certes, il voyait parfois passer, en la ville de Val-d'Or, la silhouette furtive, en soutane noire, du père David Shevchenko,. Celui-ci prenait l'autobus pour se rendre en l'une des églises russes qu'il desservait dans la région, ou en Ontario. Mais ce prêtre ne parlait à personne, tout simplement parce qu'il ne s'exprimait qu’en Russe. De toute manière, son action pastorale était absolument limitée à la petite colonie de l'émigration russe. - De toute évidence, la venue de Mario Rousseau dans l'Église orthodoxe est une œuvre directe de l'Esprit-Saint. Aucune raison culturelle ni sociologique n’a pu motiver, ni ne peut expliquer cette démarche. - En ce qui me concerne, je découvrirai plus tard qu'il faut être prudent, lorsqu'on affirme que tel événement de la vie est un signe de la Providence…





Higoumène Georges Leroy: comment concilier Orthodoxie et francophonie

Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 23 Mai 2013 à 12:05 | 3 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Tchetnik le 07/05/2013 17:09
Excellent article, excellent résumé, si en adéquation avec la réalité, vécue par tant de Chrétiens qui ont la malédiction de ne pas être nés du bon côté des frontières...

Cela fait plaisir de constater que l'Église Orthodoxe sait convertir pour le Christ et non pour le folklore.

""je me suis fait «accueillir comme un chien au milieu d'un jeu de quilles» par Mère Théodosie, à l'époque Supérieure de la communauté, qui estimait que cela était tout-à-fait incompatible avec la respectabilité souhaitée de la part d'un auguste membre du clergé orthodoxe…""

-En effet, elle avait raison:)

Le vélo, quelle vulgarité...Une Maybach-Zeppelin aurait mieux convenu. Une Lincoln Continental, à la rigueur...
On pourrait confirmer son récit par l'attitude très particulière de la paroisse Grecque de Québec (Annonciation) paroisse hautement ethniciste, très antifrançaise....et qui se désertifie à vitesse grand V.

Un cas d'école.

Christ est Ressuscité!

2.Posté par Vladimir le 07/05/2013 18:21
LE CHRIST EST RESSUSCITE !
Je remercie les modérateurs PO qui non seulement postent les textes que je propose mais s'ingénient aussi à les illustrer brillamment. Les lecteurs ont bien évidement constaté qu'il s'agit uniquement d'images illustrant le propos du père Georges et non de photos de lui dans les années 1980...

Je dois dire que j'ai trouvé ce témoignage très intéressant mais aussi curieux car le père Georges ne fait aucune mention des initiatives de francophonie qui ont justement commencé à prendre de l'extension dans les années 1980. Il y avait d'abord la paroisse Notre-Dame-Joie-des-Affligés et Sainte-Geneviève, qui avait repris dès sa création (1936) les recherches de francisation entamées par la Confrérie de Saint Photius dès la fin des années 1920; son chef, Vladimir Lossky, fut l'un des fondateurs de la paroisse avec un autre francophone bien connu, le père Lev Gillet, et quelques autres. Cette paroisse devint entièrement francophone à la fin des années 1950 (1). Il est vrai que, étant restée fidèle au Patriarcat de Moscou en 1931, elle "n'était pas fréquentable" pour les membres de l'Archevêché...

Mais il y avait aussi la Crypte: on date de 1964 le début de cette communauté française, lorsque l’archevêque, Mgr Georges (Tarassov) ordonna le Père Pierre Struve pour en être le premier recteur et la célébration des offices devint alors régulière. Mais c'est dès le milieu des années cinquante qu'il y avait eu de temps en temps des offices en français à la Crypte (2) et dans les années 1980 elle était devenue une référence.

Enfin, à partir de 1971, il y avait les congrès triennaux de "la Fraternité orthodoxe" (3), qui cherchait à promouvoir l'Orthodoxie essentiellement francophone au niveau européen.

Toutes ces initiatives étaient déjà en plein développement dans ces années 1980 dont parle le père Georges et je suis étonné que lui et Mario Rousseau semblent les avoir négligées malgré leur recherche dans cette direction.

Je serai aussi très intéressé à savoir ce qu'est devenu Mario Rousseau...

(1) Cf. http://ndjasg.perso.neuf.fr/textes/historique2006.html
(2) Cf. http://www.crypte.fr/histoire.html
(3) Cf. http://fraternite-orthodoxe.eu/Frat.html

3.Posté par Vladimir: commentaire du père Georges Leroy le 14/05/2013 23:09
Commentaire du père Georges Leroy:

J'ai lu avec beaucoup d'intérêt les deux commentaires. Celui de « Tchetnik » traduit le caractère très intense de son auteur, et donne l'exemple de la paroisse grecque de Québec, description qui correspond (malheureusement) tout-à-fait à la réalité.

En fait, les tentatives de l'époque pour faire surgir une Orthodoxie francophone en France m’étaient bien connues. Seulement, j’étais "monopolisé" tous les dimanches dans l’une ou l’autre paroisse de la « Rue Daru », ce qui faisait que j’étais dans l'impossibilité pratique de rendre visite, lors de la Liturgie dominicale, à ces intéressantes communautés francophones naissantes ou existantes déjà depuis longtemps. Effectivement, à l'époque, vu les antagonismes qui déchiraient le monde de l'émigration russe, il était un peu « délicat » d'apparaître dans la paroisse aimablement surnommée «Notre-Dame des Agrégés» - vu le caractère intellectuel et universitaire d'un bon nombre de ses paroissiens - dans le Quartier latin, laquelle appartenait, et appartient toujours, au Patriarcat de Moscou. Ces antagonismes étaient éminemment regrettables, mais faisaient partie du paysage ecclésiastique de l'époque.

Je vais me permettre de raconter une anecdote, qui montre bien les difficultés où je me trouvais. Lors de ma cinquième année d'études, je voulais absolument assister, "pour une fois", à une célébration pascale en langue française, «célébrée comme il faut». Car, lors des quatre années précédentes, j'avais «transpiré» lors de célébrations pascales laborieusement célébrées dans des paroisses où l'on m’avait envoyé, et où l'on ne connaissait rien, liturgiquement parlant… Je voulais, de façon décidée, assister à Pâques dans ma langue - en dehors de tout désordre, de toute confusion et de toute cacophonie : je désirais tout simplement pouvoir me réjouir de la Résurrection, et prier, pour une fois… C'était un vœu minimal, me semblait-il. Pour cela, il fallait tout d'abord que l'Archevêque Georges Wagner ne m'envoie pas dans quelque paroisse délabrée, dans un coin de province française. - Miracle ! Mgr Georges Wagner semblait m'avoir oublié… Je me fis discret. Je courbai le dos, et revêtis un manteau couleur de muraille… Ce n'était pas de la désobéissance au sens propre du terme, mais c'était assurément un péché d’omission ! C'était, à tout le moins, une ruse… C'est ainsi que je pus assister exceptionnellement à l'ensemble des célébrations pascales, à la crypte de la Cathédrale de la Rue Daru. Tout se passa magnifiquement, et ce fut une grande joie. Mais il y avait un point que je n'avais pas prévu : la «paroisse d'en bas», de langue française, et la «paroisse d'en haut», en Slavon, se réunissaient pour la procession commune, déroulée autour de la Cathédrale. Et là, bien sûr, Mgr Georges Wagner ne put manquer de m'apercevoir, d’un coup d’œil aigu… et n'en fut pas content! Tout cela montre que pour moi, il n'était pas si facile que cela de me rendre dans une paroisse "autre" que celles qui m'étaient désignées, et qui étaient inévitablement des communautés de la première émigration russe finissante.

Quant à savoir ce qu'est devenu Mario, laissons-le citer un mot de saint Séraphin de Sarov : «saint Séraphin de Sarov disait qu'aucun coup de torchon fait pour l'amour de Dieu, dans une église, ne sera oublié !» Gageons que Mario montera d'un seul trait au Paradis, grâce aux dizaines de milliers de coups de torchon et époussetages qu'il aura accomplis dans le saint Temple de Dieu. Mario est bien conscient du fait qu’il n'est pas question de comptabiliser ses œuvres devant le Créateur. La question n'est pas là. Mais il faut une « main » pour faire tenir debout la Maison de Dieu. Il est indispensable qu'il y ait de la théologie et des théologiens, mais on ne peut se satisfaire de siroter une tasse de café, en refaisant le monde. Et c'est à ce labeur pratique que Mario s'emploie aujourd'hui: il fait fonction de Chantre dans la Chapelle Sainte Marie-Madeleine, en Abitibi. Et il faut dire que, s'il est possible de trouver un prêtre ou un diacre, trouver un chantre qui connaisse à fond l'Office divin - jusque dans ses détails, qui connaisse l’Oustav et ses nuances, qui connaisse les Tons, cela, c'est une perle rare. Et c'est la présence de Mario qui rend le chant quotidien de l'Office divin possible. Il est un « pilier » de la Chapelle Sainte Marie-Madeleine ; il est présent tous les jours, avec une constance et une fidélité sans faille.

Cette année-ci, on aurait tendance à dire que « Dieu est orthodoxe ! » En effet, nous avons célébré Pâques, en un temps vraiment radieux. Par contre, lors des Pâques occidentales, il faisait très froid, et le paysage était entièrement couvert de neige, ne montrant absolument aucun signe printanier. Bien sûr, il faut se garder d'être trop triomphaliste, car d'autres années, le temps n'a pas été particulièrement beau pour Pâques - mais il faut reconnaître que lorsque le temps est exécrable lors de la fête de Pâques orthodoxes, elle coïncide ou elle se trouve tout près de la date de Pâques occidentales… - Pendant la Semaine Radieuse, nous avons un temps extraordinaire, une très belle lumière, et c'est toute la joie de célébrer ces magnifiques Offices illuminés par la Résurrection.

En Abitibi, l'été a succédé sans transition à l'hiver. Je me rappelle que nous nous promenions penchés en avant, pour lutter contre le vent glacial, les yeux piquetés par des flocons de neige. Et le surlendemain, il faisait 20° au-dessus de zéro ! La neige a fondu en un coup, ce qui est tout à fait extraordinaire, et qui a posé quelques problèmes d'inondations. Comme chaque année, le lac sur les rives duquel est construit la Chapelle, a débordé. Cette fois-ci, l’eau était plus haute que les autres années : les canards ainsi que le rat musqué nageaient allègrement sur le gazon ! - Ce mardi, nous sommes allés de cimetière en cimetière, pour proclamer la Résurrection, sur les tombes de « nos défunts ». Pour cela, nous sommes allés en la ville de Val-d'Or, et, à un moment donné, la route qui y mène était immergée. La circulation se faisait en alternance ; une fois que l'on s’était engagé dans l'eau, celle-ci a monté pratiquement jusqu'à hauteur du plancher de la voiture, et cette dernière faisait des vagues. Regardant à droite et à gauche du véhicule, on ne voyait que de l'eau… On ne voyait pas très bien où se trouvait la route. C'était une impression curieuse ! - Aujourd'hui, la température est montée jusqu'à 30°, ce qui est extravagant à cette date. Il y a vraiment quelque chose qui change, dans le climat.

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