En trente ans, le nombre de paroisses orthodoxes a doublé en Suisse. En cause, la migration des pays de l'Est. Un premier rassemblement national a drainé trois cents fidèles à Chambésy (GE) à l'Ascension. Parmi eux, l'historien des religions Jean-François Mayer. Interview.

ProtestInfo: Jean-François Mayer, pourquoi une telle rencontre n'a-t-elle pas eu lieu plus tôt?

Jean-François Mayer: Il faut avoir à l'esprit le caractère très récent de la croissance orthodoxe en Suisse. Dans un premier temps, l'énergie s'est concentrée sur l'organisation de nouvelles paroisses. Puis tout naturellement apparaissent des initiatives en vue d'une coordination. De telles rencontres se répéteront sans doute dans différentes régions du pays.

P: Vous parlez d'une croissance orthodoxe en Suisse. Comment s'explique-t-elle?

JFM: La population orthodoxe est avant tout issue de la migration. Les orthodoxes serbes représentent probablement la moitié des quelque 150 000 fidèles du pays (lire encadré). Comme pour la population musulmane, la croissance orthodoxe a été forte et rapide depuis les années 1980: il n'y avait alors que 37 000 orthodoxes, avec moins de 20 paroisses. Aujourd'hui, le nombre de paroisses orthodoxes de tradition byzantine avoisine la cinquantaine.

: Faut-il comprendre que les fidèles célèbrent majoritairement dans leur langue?


JFM: L'organisation autour d'Eglises nationales, qui fait coexister des paroisses s'intitulant "russes", "grecques", "serbes", "roumaines" favorise le phénomène. Même si, en Suisse romande, il existe plusieurs paroisses orthodoxes célébrant principalement ou en partie en français; la situation est différente en Suisse alémanique, où une seule paroisse zurichoise célèbre une fois par mois une liturgie en allemand. Par ailleurs, de nouveaux migrants arrivent: on commence par exemple à voir apparaître ici et là des Grecs poussés par la crise économique tenter leur chance ailleurs. Le facteur migratoire continuera donc pour assez longtemps encore à marquer la réalité orthodoxe en Suisse.

P: Combien y a-t-il de Suisses convertis à l'orthodoxie?

JFM: Quelques centaines de convertis – personne ne connaît le chiffre exact – ont embrassé la foi orthodoxe en Suisse au cours des dernières décennies. Quelques-uns sont prêtres ou diacres. Ces adhésions ne sont pas le résultat d'activités missionnaires, mais de démarches individuelles, qui commencent souvent par la découverte de la liturgie orthodoxe. Notamment pour ces convertis, la référence à la tradition chrétienne de la Suisse du Ier millénaire, avant les ruptures entre l'Orient et l'Occident, est importante: ils considèrent les saints de cette période comme des saints orthodoxes. Dans la paroisse orthodoxe de Vevey (VD), un dimanche est ainsi consacré chaque année à la fête de Tous les Saints d'Helvétie.

P: Comment voyez l'avenir proche de cette confession en Suisse?

JFM: Sur le plan numérique, tout dépendra des fluctuations migratoires. Nous le voyons dans le cas des Eglises préchalcédoniennes (coptes, arméniens, éthiopiens, érythréens...): l'immigration érythréenne augmente rapidement depuis quelque temps, et entraîne aussi des efforts d'organisation, mais souvent avec une grande précarité matérielle....SUITE Protest Info

Rédigé par Parlons d'orthodoxie le 24 Mai 2012 à 13:00 | 3 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Daniel le 25/05/2012 12:22
Merci pour cet article. Je retiens la fin : "Non, comme toutes les autres communautés chrétiennes, les paroisses orthodoxes sont confrontées à des défis tels que ceux de la transmission de la foi aux jeunes générations."

Grand défi, il est vrai! Malheureusement, il a été partiellement raté en France où à la fin des années 20, avec les immigrations russes et turques, la population orthodoxe devait être au moins aussi élevé que de nos jours voire plus. Les effectifs orthodoxes n'ont pas augmenté, voire ils ont diminué. Il y a des enseignements à tirer afin de ne pas reproduire les erreurs du passé.

2.Posté par Tchetnik le 25/05/2012 16:14
L'immigration fut plus Grecque que "turque".

En CH comme ailleurs, il faut dire que les nouveaux arrivants constituent parfois plus de 70 pour cent d'une paroisse. Ce qui signifie que lesdites ne seraient plus viables sans eux.
Ce qui peut aussi signifier l'échec d'une certaine conception purement ethnique de l'Eglise, avec des enfants d'immigrés qui n'y viennent plus alors qu'ils y furent éduqués. Quand on met sur un pied d'égalité l'Evangile avec le patrimoine national (qu'il est légitime d'aimer comme on aime son pere et sa mere et qui est, de par sa beauté et sa richesse une illustration et un vecteur de l'Evangile, mais qui ne saurait être compris sans lui), on finit par perdre les deux.


3.Posté par vladimir le 18/06/2012 16:50
LES ÉGLISES ORTHODOXES EN SUISSE : REGARD HISTORIQUE
Résumé de la présentation d’information de Jean F. Mayer
à l’occasion de la rencontre du 17 mai 2012 à Chambésy

Article publié par http://orthodoxie.ch/, site d'information sur l'Eglise orthodoxe en Suisse.

HISTOIRE
Première communauté orthodoxe russe à Berne, 1816-1817 : une chapelle à Hofwil (Münchenbuchsee, BE) de 1817 à 1827, ensuite à Berne. Après interruption de la vie liturgique de 1848 à 1854, transfert de la paroisse russe à Genève.

Construction de premières églises destinées au culte orthodoxe en Suisse : deux églises russes, à Genève en 1866 et à Vevey en 1878.

Consécration de l’église grecque de Lausanne en 1925.

Après 2e guerre mondiale, arrivée d’émigrés politiques en provenance de pays passés sous domination communiste.

Années 1950 et 1960: arrivée d’immigrants venant répondre à un besoin de main d'œuvre dans notre pays, surtout vers la Suisse alémanique. Il s’agissait surtout de Grecs et de Serbes.

Années 1960 : début de l’activité pastorale grecque à Saint-Gall, à Zurich et à Bâle.

1969 : fondation de la paroisse orthodoxe serbe de Berne.

Premiers évêques orthodoxes exerçant un ministère pastoral avec siège en Suisse (à côté d’évêques venus à Genève dans le cadre d’une représentation auprès du Conseil oecuménique des Églises), dans l’ordre chronologique d’accession à l’épiscopat :
• Mgr Leonty (Bartochevitch) (1914-1956), évêque vicaire de Genève et évêque vicaire pour le Diocèse d’Europe occidentale de l’Église orthodoxe russe hors frontières dès 1950.
• Mgr Antony (Bartochevitch) (1911-1993), évêque de Bruxelles en 1957, déménage la même année à Genève, archevêque de Genève et de l’Europe occidentale dès 1963.
• Mgr Damaskinos (Papandreou) (1936-2011), directeur du Centre orthodoxe du Patriarcat oecuménique à Chambésy depuis 1969, consécration épiscopale en 1970, premier évêque de la Métropole de Suisse lors de sa fondation en 1982.
• Mgr Seraphim (Rodionov) (1905-1997), fonde la paroisse genevoise du Patriarcat de Moscou en 1946, établi par la suite à Zurich, nommé évêque de Zurich en 1971 (archevêque en 1989).

ÉVOLUTION DEMOGRAPHIQUE DE LA POPULATION ORTHODOXE EN SUISSE

Importance du facteur migratoire pour expliquer l’augmentation de la population orthodoxe en Suisse : en l’an 2000, 78% des orthodoxes résidant en Suisse étaient de nationalité étrangère. Les orthodoxe d’origine serbe constituent près de la moitié de la population orthodoxe du pays.

Remarque : les résultats du recensement structurel de 2010 ne sont malheureusement pas encore disponibles. Il ne faut cependant pas en attendre des résultats précis dans un premier temps, en raison de la nouvelle méthode de recensement, par sondage annuel sur 3% de la population, outre l’exploitation du registre des habitants (qui n’enregistre pas partout le détail des appartenances religieuses pour les communautés religieuses de droit privé) : pour des communautés minoritaires telles que les Églises orthodoxes, probablement seuls les résultats cumulés des sondages sur plusieurs années permettront-ils de faire apparaître des données assez précises et des évolutions.

ÉVOLUTION DE LA POPULATION PAR CONFESSION DE 1970 A 2000
(voir lien pour les tableaux détaillés)

La population orthodoxe en Suisse dépasse aujourd’hui les 150.000, sans que l’on puisse être plus précis. Ce total inclut les membres des Églises
préchalcédoniennes (qui augmente vraisemblablement dans de plus fortes proportions ces dernières années, notamment en raison de l’immigration érythréenne).

Il y avait moins de 20 paroisses orthodoxes en 1985, il en existe une petite cinquantaine en Suisse (42 selon l’enquête de Maria Hämmerli en 2010, mais le paysage évolue). Leur répartition sur le territoire suisse est cependant inégale. L’augmentation est particulièrement due aux récents efforts des patriarcats serbe et roumain pour organiser la vie liturgique de leurs fidèles.

Depuis les années 1970, de nouvelles églises construites spécifiquement à l’usage
du culte orthodoxe ont été ouvertes au culte :
• Église Saint-Paul à Chambésy – 1975
• Église Saint-Dimitrios à Zurich – 1985
• Église Saint-Jean-Baptiste à Chêne-Bourg (Genève) – 1995
• Église de la Sagesse Divine à Münchenstein (Bâle) – 2003
• Église Saints-Cyrille-et-Méthode à Belp (Berne) – 2009

Il faut ajouter des bâtiments religieux précédemment utilisés pour d’autres cultes, mais aujourd’hui affectés à l’usage exclusif d’une communauté orthodoxe, comme l’église grecque de Saint-Gall ou l’église serbe de Bâle, installée dans l’historique église Saint-Alban (propriété de l’Église réformée), qui sera prochainement entièrement rénovée.

Le Diocèse orthodoxe de Suisse du patriarcat œcuménique, la représentation de l’Église orthodoxe serbe en Suisse et l’Église orthodoxe roumaine en Suisse appartiennent à la Communauté de travail des Églises chrétiennes en Suisse.

Usage principal ou régulier de la langue française dans sept paroisses orthodoxes sur dix-sept en Suisse romande. En Suisse alémanique, une seule paroisse offre des célébrations régulières en allemand, mais pas chaque semaine.

Sources
• Les Église orthodoxes en Suisse: un aperçu, Berne, Office Protestant pour l'Œcuménisme en Suisse, 1985.
• Présence orthodoxe en Suisse : guide pastoral (Texte de la Commission de dialogue entre catholiques romains et orthodoxes en Suisse), Fribourg, Ed. St-Canisius, 1991.
• Iso Baumer, «Unité et diversité des Églises chrétiennes d’Orient en Suisse », in Martin Baumann et Jörg Stolz, La Nouvelle Suisse religieuse : risques et chances de sa diversité, Genève, Labor et Fides, 2009, pp. 168-180.
• Maria Brun, Damaskinos Papandreou, Erster Metropolit der Schweiz, 1969-2003, Athènes, 2011.
• Ivan Grézine, Les Orthodoxes russes en Suisse romande. Essai d'histoire, Genève, Ed. Nemo, 1999.
• Maria Hämmerli, Multiple Dimensions of the Integration Process of Eastern Orthodox
• Communities in Switzerland (National Research Programme 58 – Religion, the State and Society, mars 2011) : PDF, 28 pages, http://www.nfp58.ch/files/downloads/
• NFP58_Schlussbericht_Hainard.pdf.
• Noël Ruffieux, « L'Église orthodoxe en Suisse », in Christine Chaillot, Histoire de l'Église orthodoxe en Europe occidentale au 20e siècle, Paris, Dialogue entre Orthodoxes, 2005, pp. 75-85.
• Stanislav Tcherniavski, Histoire de l'Église orthodoxe russe en Suisse (1817-1917) / Istorija russkogo pravoslavija v Švejcarii (1817-1917), Moscou, ArbatInform, 2000.

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