Le Concile – quelle importance pour ma mère?
Traduction V. Golovanow d'après Carrie Frederick Frost

Les espoirs et les craintes au sujet du Concile de 2016

"Le Concile – quelle importance pour ma mère?" "Cette question a été posée à la conférence de la Société de théologie orthodoxe d'Amérique OTSA, organisée les 26-27 juin 2015 et consacrée au Saint et Grand Concile de l'Eglise orthodoxe prévu pour la Pentecôte 2016. Elle demandait ironiquement si quoi que ce soit de concret sortira de ce Concile, et exprimait en creux les espoirs et les préoccupations des théologiens orthodoxes.

Cette conférence rassemblait en effet plus de 90 universitaires venant de nombreuses juridictions orthodoxes d'Amérique et de l'étranger, principalement des laïcs, mais aussi plusieurs prêtres et deux hiérarques, aussi bien Orthodoxes de tradition que convertis, et des représentants d'autres confessions chrétiennes; elle comprenait en particulier beaucoup d'universitaires – femmes, dont l'auteur.

Le thème de cette conférence se distinguait des conférences académiques habituelles car le Concile de 2016 pourrait prendre une place exceptionnelle dans l'histoire de l'Orthodoxie: le premier Concile de l'Eglise orthodoxe reconnu en plus de 1200 ans. Les documents, les questions posées aux contributeurs et les discussions ont été remplis des espoirs et des craintes au sujet du Concile de 2016.

Bien qu'il y eu des avis divergents et des débats animés, il me semble qu'un accord majoritaire se dégageait sur certains domaines.

Ethno-nationalisme et consensus

L'un de ces points soulève la question de l'allégeance aux États-nations et des tendances ethno-nationaliste qui pourraient dominer ou limiter le Concile. L'organisation de l'Eglise orthodoxe en Églises autocéphales (quatorze églises autocéphales aujourd'hui reconnues dans le monde), fut créée à l'origine sur les frontières administratives de l'Empire romain pour des raisons pratiques d'organisation. Mais dans l'histoire récente, les frontières politiques qui correspondent à certaines Églises autocéphales ont été étroitement identifiées avec l'ethnicité et le nationalisme, et souvent couplé avec un ethos fondamentaliste et isolationniste.

La règle du consensus qui s'appliquera au Concile a été étudiée dans la suite de cette problématique. Cela signifie que tous les évêques participants (chaque église autocéphale peut déléguer jusqu'à vingt-quatre évêques) doivent convenir à l'unanimité sur un point pour qu'il soit adopté. Les participants de la conférence ont exprimé la crainte que la conséquence de cette règle du consensus puisse être qu'un groupe, ou même un seul évêque, puisse de fait contrôler les résultats du Concile. Cette préoccupation a été soulignée par le fait qu'il s'agit là d'une exception historique – jamais aucun précédent Concile n'a décidé par consensus, et par la constatation qu'un tel Concile sera inévitablement conservateur, tant en termes de qualité que quantité des résultats. Certains chercheurs ont exprimé le souhait que la règle du consensus serait interprétée comme chez les Quaker: lorsqu'un accord se développe sur un point donné, ceux qui ne seraient pas d'accord se mettraient respectueusement en retrait pour soutenir les décisions prises par le corps du Concile.

Quelle participation?

Une autre question soulevée par la conférence est celle de l'assemblée conciliaire: Qui pourrait participer en dehors de la délégation épiscopale de chaque Église? Y aura-t-il des théologiens laïcs? Des non-orthodoxes? Des femmes? L'idée d'un Concile composé strictement d'évêques n'a pas très approuvée par les membres de la conférence, et pas uniquement des notions de représentativité du XXIe siècle, mais à cause de l'évidence que les Conciles œcuméniques passé ont toujours inclus des membres du sacerdoce royal des croyants qui dépasse les hiérarques. Tout comme saint Ignace d'Antioche a défendu le rôle de l'évêque dans l'Église, il a également insisté, Partout où paraît l’évêque, que là aussi soit la communauté, de même que partout où est le Christ-Jésus, là est l’Église catholique.» (Lettre aux Smyrniotes, 5, 8)

Il y avait trois vœux pour le Concile qui semblaient être exprimés par les membres de la conférence, et que je sens être partagés par la majorité des fidèles orthodoxes d'Amérique:

Le premier est la réorganisation du monde orthodoxe dans les pays occidentaux – ce qu'on appelle la diaspora occidentale – en conformité avec la théologie et les canons : un évêque par ville. Atteindre cet objectif sera difficile, mais c'est possible, mais on se demande quelle est la probabilité pour que cela soit approuvé par le Concile.

Les deux autres vœux largement partagés sont la restauration la communion avec les Eglises orientales et la restauration du diaconat féminin. "Restauration" est le mot essentiel dans les deux cas car ces deux questions ne mettent pas en cause des questions théologiques insurmontables mais plutôt des questions pragmatiques; ces questions peuvent être résolues, ces restaurations sont réalisables et elles seraient utiles aux fidèles orthodoxes dans le monde entier.

Bien que la plupart des discussions de la conférence ont été consacrées à sur ce qui se passera au Concile, ce qui va arriver après que le Concile a aussi été reconnu comme très important. Les Conciles de l'Église orthodoxe doivent être reçus par l'Église; ils doivent être acceptés par les fidèles baptisés. Il n'y a pas de processus formel pour la réception d'un Concile, aucun canon ou doctrine ne dicte son acclamation et rien de ce qui précède un Concile ne préjuge à l'avance de sa vérité. La réception d'un Concile se fait sur le calendrier de l'Esprit Saint et ce processus mystérieux, libre et inspiré contient pour moi tout ce qui est bon et vrai dans l'Eglise orthodoxe en tant que corps.

L'un des plus grands espoirs des participants de la conférence était tout simplement que le Concile se fasse et que toutes les Églises autocéphales y assistent. Cela peut sembler un maigre espoir mais, comme déjà souligné, l'Eglise orthodoxe ne s'est pas réunie en Concile depuis plus d'un millénaire; il n'existe pas de méthode ou de manière de pratiquer le conciliarisme universel et ce Concile de 2016 peut être le nécessaires repos de pèlerin sur le chemin vers des Églises autocéphales qui seraient aptes à fonctionner en symbiose. Si l'on parvient à une collaboration harmonieuse entre les orthodoxes, le Concile de 2016 aura renforcé et éclairé l'Eglise orthodoxe dans son troisième millénaire, et il aurait alors de l'importance pour nos mères…

* Carrie Frederick Frost se présente comme une docteur en théologie orthodoxe de l'Université de Virginie et mère de cinq enfants
Le Concile – quelle importance pour ma mère?

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 19 Juillet 2015 à 20:50 | 5 commentaires | Permalien



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