Nice:  Eglise russe  « Une nouvelle page d’Histoire »
Propos recueillis par Philippe Fiammetti
Nice Matin, le 13 janvier

Le père Nicolas Ozoline, nouveau recteur de la cathédrale, évoque le devenir de cet édifice, sa prochaine restauration, son rôle spirituel et culturel…

Après une bataille judiciaire de près de sept ans, la cathédrale russe est revenue dans le giron du patriarcat de Moscou. C’est en décembre dernier que l’ACOR, l’association cultuelle niçoise gestionnaire des lieux depuis plus de 80 ans, a remis les clés au nouveau recteur, le père Nicolas Ozoline. Dans l’interview qu’il nous a accordée, ce dernier évoque le devenir de cet édifice orthodoxe considéré comme l’un des plus exceptionnels hors de Russie.

Et maintenant ?

p. N. Ozoline: Une page est aujourd’hui tournée. Une nouvelle va s’écrire. Je veux rendre un hommage particulier au père Jean Gueit (ndlr : l’ancien recteur de la cathédrale qui, avec l’ACOR, s’était opposé à la Russie), pour avoir grandement contribué sur le plan à la fois spirituel et pastoral, pour que ce conflit, né de l’histoire tragique russe du XX siècle, s’achève dans la dignité.

Même si l’ACOR s’est pourvue en cassation contre la décision de la justice française attribuant la propriété de l’église à la Fédération de Russie.

A quels changements s’attendre dans le fonctionnement de cet édifice et la célébration des offices ?

Rien ne change dans le fait qu’il y a toujours deux églises de tradition russe à Nice, la nôtre sur le bd Tzarevitch et celle de la rue Longchamp appartenant à l’ACOR. Si les rites demeurent identiques, nous allons pour notre part renouer avec le slavon d’église (la langue créée par les saints Cyrille et Méthode, apôtres des slave) qui avait été remplacé par le russe contemporain. Mais il y aura toujours une lectures des Evangiles en français, dans le respect de la tradition instaurée dès la consécration de cette Cathédrale en 1912.

Vous évoquez la tradition orthodoxe. Père Nicolas, êtes-vous marié ?

Dans notre tradition, il y a un clergé marié et un autre non marié que sont les moines. Je suis moi-même marié à Alexandra et nous avons une fille âgée de 15 ans, Antonine, actuellement en Russie où elle achève sa scolarité.

Quels sont vos liens avec le patriarcat de Moscou ?

Nous sommes sous l’obédience de notre évêque, Mgr Nestor, qui siège à Paris. Lui-même étant le représentant de l’Eglise orthodoxe russe en France, donc du patriarcat de Moscou. Vis-à-vis de notre patriarche Cyrille, nous sommes dans la même position que le clergé catholique de France par rapport au pape.

On assiste à une présence grandissante de l’Eglise russe en Europe occidentale. Comment l’expliquez-vous ?

Il y a d’abord le formidable renouveau de la foi dans notre mère patrie, laquelle est redevenue une grande nation chrétienne. Depuis la chute du communisme, nos concitoyens ont la liberté de voyager et beaucoup s’établissent hors de Russie, notamment sur la Côte d’Azur. Il faut répondre aux attentes spirituelles de ces fidèles, c’est l’une de nos missions majeures.

Depuis quelques mois les manifestations se succèdent en Russie. Le pouvoir semble contesté. Quelle est la position de l’Eglise russe concernant ces évènements ?

Notre Eglise a très souvent été soupçonnée d’être assujettie au pouvoir temporel. Je crois qu’il s’agit d’un amalgame malheureux. Depuis maintenant 20 ans, l’Etat participe matériellement au renouveau spirituel du pays, en restituant le patrimoine religieux, en contribuant à la restauration de centaines d’églises et de monastères. Il rachète aujourd’hui les crimes commis par le communisme. Je ne souhaite à aucune population dans le monde subir une épreuve aussi terrible que celle traversée au XX siècle par les peuples de Russie.

Mais l’Eglise a-t-elle retrouvé toute sa liberté de parole ?

Je vous invite à relire la dernière intervention de Sa Sainteté le patriarche Cyrille lors du Noël russe du 7 janvier. Ses positions ont été claires. Il a pris fait et cause pour plus de transparence et d’honnêteté et a souligné qu’à travers ces manifestations de rue, le peuple russe montrait sa soif de la justice sociale. Voilà une démonstration sans ambiguïté de la liberté de parole de notre Eglise.

Quel devenir pour la cathédrale russe de Nice ?

Ce sera plus que jamais un centre religieux majeur pour le monde orthodoxe. Mais nous en ferons aussi un centre culturel russe avec des conférences, des concerts, etc. Ce lieu deviendra fédérateur pour toute la communauté russe de la Côte d’Azur. Le dialogue interreligieux y aura également sa place au travers de rencontres avec les autres confessions.

La Russie a promis d’importants travaux de restauration. Quand débuteront-ils ?

Dans le courant de cette année, pour fêter dignement le centenaire de la consécration de la cathédrale en décembre prochain. Ces dernières semaines, des équipes de spécialistes sont venues de Russie pour faire l’état des lieux et établir des devis. Le budget reste encore à définir. Le financement sera assuré par l’Etat russe et d’autres généreux donateurs.

Une date plus précise pour le démarrage ?

Sans doute au printemps. L’édifice étant classé, nous attendons le feu vert du service des Monuments Historiques et du ministère français de la Culture. Ces travaux se feront par tranches et s’étaleront sur quelques années.

L’église est fermée au public depuis le mois de septembre. Quand sera-t-elle rouverte ?

Elle demeure fermée aux visites touristiques en raison des expertises en cours et des travaux à venir. Sa réouverture aura probablement lieu pour le 17 décembre 2012, la date anniversaire de la consécration en 1912. C’est en tout cas un vœu. Tout dépendra de l’avancement des travaux.
Je demande aux Niçois de faire preuve de patience. Le but étant qu’à terme, la cathédrale resplendisse de sa gloire d’antan, qu’elle soit source de joie et de fierté pour les Niçois, auxquels je présente mes vœux.

Nice:  Eglise russe  « Une nouvelle page d’Histoire »

Rédigé par Parlons d'orthodoxie le 13 Janvier 2012 à 13:31 | 7 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Hiéromoine Nicolas le 13/01/2012 20:00
Dans l'église, il y a des pasteurs et il y a aussi des théologiens. Rares sont les prêtres qui sont les deux à la fois tout de suite. Le père Nicolas O. doit être un merveilleux pasteur car, comme théologien, il semble encore un peu approximatif. Son affirmation "Vis-à-vis de notre patriarche Cyrille, nous sommes dans la même position que le clergé catholique de France par rapport au pape " signifie en toute rigueur de terme que le patriarche Cyrille jouit (comme son homologue hétérodoxe de Rome) d'une juridiction immédiate et universelle sur tous les orthodoxes du monde, ce qui réduit à néant la juridiction des évêques russes sur leur diocèse. Cette identité de position des clergés catholiques et orthodoxes par rapport à l'autorité implique aussi que le lien entre les fidèles orthodoxes et le patriarche est celui de l'obéissance (comme dans l'église catholique), et non celui de la communion. Cela implique aussi que cette obéissance ne peut être fondée dans l'orthodoxie (comme dans le catholicisme) que sur une infaillibilité personnelle du patriarche. Pourrait ont dire, pour paraphraser un adage fameux : Kyrillo locuto, causa finita ?
Bon ! Dans tout l'interview du P. Nicolas, il n'y a que cela à reprendre et ce n'est pas suffisant pour le faire brûler. Je suppose qu'il a été surpris par la question et a répondu un peu au hasard.
Néanmoins, il me semble que, dans l'orthodoxie russe, grecque, roumaine etc... , nous aurions intérêt à mettre au clair nos ecclésiologies qui ont aujourd'hui à l'évidence des fondements différents et produisent sur le terrain des incompréhensions entre les personnes et des illogismes dans l'action pastorale et les relations œcuméniques.

2.Posté par vladimir le 15/01/2012 17:34

Bénissez-moi Père Hiéromoine Nicolas,

J'ai aussi été gêné par cette phrase du père Nicolas Ozoline. Puis j'ai pensé au média et à son lectorat: Nice matin est un média généraliste, dont des lecteurs ont essentiellement une culture catholique de base, et ce n'était pas le lieu pour faire un cours de théologie comparée…

L'approximation du p. Nicolas permet alors, me semble-t-il, de faire passer l'essentiel du message: la cathédrale de Nice n'est pas plus aux mains d'une puissance étrangère que ne le sont les églises catholiques de France; je pense que ce message là était important eu égard à la campagne de désinformation menée par l'ACOR sur ce thème et qui avait été largement relayée par le même Nice Matin…

Par contre je trouve votre remarque parfaitement bien placée sur ce forum, dont le lectorat doit être plus averti que celui de Nice matin… Merci donc pour cette précision importante pour tous ceux qui s'intéressent de près à l'Orthodoxie.

3.Posté par Marie Genko le 15/01/2012 19:36
Cher Père Nicolas, Cher Vladimir,

La phrase du Père Nicolas Ozoline:

"Nous sommes sous l’obédience de notre évêque, Mgr Nestor, qui siège à Paris. Lui-même étant le représentant de l’Eglise orthodoxe russe en France, donc du patriarcat de Moscou. Vis-à-vis de notre patriarche Cyrille, nous sommes dans la même position que le clergé catholique de France par rapport au pape. "

Cette phrase, telle que je la comprends, veut simplement dire que le patriarcat de Moscou, tout comme les autres patriarcats orthodoxes, a un devoir pastoral envers ses fidèles en dispersion et qu'il a aussi un devoir d'évangélisation hors de son territoire canonique.
C'est ce qui s'est toujours fait et continue à se faire...

Merci de relever les terme qui peuvent introduire une incompréhension

Avec tout mon respect et ma reconnaissance.

Marie

4.Posté par Daniel le 16/01/2012 00:20
On ne peut pas d'un côté prétendre à un témoignage orthodoxe et proférer de telles erreurs en induisant les lecteurs de quelque journal que ce soit... C'est contre-productif.

5.Posté par vladimir le 16/01/2012 17:49
Contrairement à Daniel, je pense qu'un discours doit toujours être adapté à son auditoire: l'essentiel n'est pas le message émis, mais celui qui est reçu, compris et retenu... Ce qui est contreproductif, c'est de dire des choses incompréhensibles ou, pire, qui peuvent être mal comprises et troubler l'auditoire. Le père Nicolas à fait passer le bon message pour les lecteurs de Nice-Matin, claire et apaisant; c'est parfait et je pense que les lecteurs ont compris et retenu l'essentiel....

PS: curieusement, je ne retrouve plus cet article et ses commentaires sur le site de Nice-Matin (nicematin.com)

6.Posté par Ольга le 18/01/2012 16:10
Il évident que p. Nicolas Ozoline avait adressé cette explication, de facto exprimée sous forme de comparaison, à un public non orthodoxe. Même si j'ai moi-même noté ce passage, il ne mérite pas une attention aussi excessive...

7.Posté par Groupe de fidèles de la cathédrale de Nice le 15/02/2012 22:31
Avec la bénédiction de Mgr Nestor, le père Nicolas a amené de Russie , il y a deux semaines , les reliques de saint Nicolas . Aujourd'hui était le dernier jour des vénérations ; beaucoup de russes se sont déplacés de tout le Sud de la France ; les fidèles affluaient de partout . L' émotion était palpable .

Il faudra attendre les fêtes de Paques pour pouvoir vénérer de nouveau ces saintes reliques .

Nouveau commentaire :



Recherche



Derniers commentaires


RSS ATOM RSS comment PODCAST Mobile