Un Te Deum un peu particulier a retenti jeudi dernier sous les voûtes de la cathédrale russe. En présence de Youri Gribkov, consul général de la fédération russe à Marseille, et de Serguei Bolhovitine, représentant du Kremlin, on fêtait le retour de ce monument dans le giron de la sainte Russie.

Un hymne de louanges et d'action de grâces mettait ainsi un terme à six ans d'une bataille judiciaire hors du commun entre l'un des Etats les plus puissants de la planète et l'ACOR, minuscule association cultuelle niçoise.

Voilà plus de 80 ans que celle-ci gérait les lieux. Elle s'est battue avec opiniâtreté, pied à pied, pour contester les prétentions russes. Mais la justice française lui a donné tort, en reconnaissant la Russie comme «légitime propriétaire des lieux». Dès lors, le sort en était jeté. En dépit d'un combat d'arrière-garde ces derniers mois , il a bien fallu se rendre à l'évidence sous peine de fortes amendes.
« Un moment historique »

Il y a cinq jours, l'association a remis les clés, par voie d'huissier, au représentant de la Russie, lequel les a immédiatement transmises au père Nicolas Ozoline, le nouveau recteur désigné par le patriarcat orthodoxe de Moscou.
Privée de sa cathédrale, l'association cultuelle s'est repliée sur son église de la rue Longchamp, en plein cœur de la ville. Ce monument orthodoxe est certes moins grandiose mais il a le mérite de l'antériorité puisqu'il fut inauguré dès 1860. Lors de l'office célébré avant-hier matin pour fêter la Saint Nicolas, l'atmosphère était empreinte de tristesse, de gravité (1).

«C'est un moment historique. Un tournant dans la vie de l'orthodoxie à Nice mais aussi dans le monde», s'est exclamé le père Jean Gueit en s'adressant aux fidèles rassemblés devant l'iconostase. «Tout est dans les mains du Seigneur. On ne connaît jamais ses desseins. Nous sommes les héritiers, les enfants et petits-enfants de cette communauté saint Nicolas. Nul ne sait comment les choses vont se dérouler désormais mais nous resterons les témoins de la foi orthodoxe. Celle-ci n'a pas de frontière ni de nationalité. La paroisse Saint Nicolas, c'est nous, nous sommes les enfants de ceux qui l'ont fondée».

En privé, l'ancien recteur de la cathédrale ne dissimule pas son amertume face aux «vexations» du nouveau propriétaire : «Le portail de l'église est maintenant gardé par un vigile 24 heures sur 24 . L'un de nos prêtres, le père Michel, a dû parlementer avant de pouvoir entrer et prendre de l'eau bénite. J'ai moi-même patienté une heure. Il paraît qu'on aurait même téléphoné à Moscou avant de m'autoriser à franchir le seuil. C'est devenu un territoire à part, comme une sorte d'ambassade».

« Je suis triste... »

Si la passation de pouvoir s'est finalement déroulée de manière paisible avec une messe concélébrée par les deux recteurs le 11 décembre, la blessure n'est pas près de se refermer : «Au plan de l'Histoire, nous sommes victimes d'une véritable spoliation. Je suis triste de devoir assumer une décision qui trahit l'Histoire et nos ancêtres émigrés, lesquels ont porté cette cathédrale pendant plus de 80 ans».

Pour sa part, le père Nicolas Ozoline, nouveau recteur, se réjouit d'une transition «en douceur» : «J'envisage ma mission avec beaucoup de joie et de sérénité».

Philippe FIAMMETTI
pfiammetti@nicematin.fr

Rédigé par Parlons d'orthodoxie le 21 Décembre 2011 à 10:10 | 12 commentaires | Permalien



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