Un visiteur à la cathédrale de la Sainte-Trinité, quai Branly  à Paris
Les lecteurs de PO connaissent l' Higoumène Georges Leroy par les "Chroniques d'Abitibi": publiée il y a quelques années . De passage à Paris, il m'a fait part de ses impressions et m'a autorisé à les publier / VG /

Cher Vladimir,

voici mes impressions, après avoir concélébré en la Cathédrale de la Ste. Trinité, Quai Branly, à Paris :

À Paris, le pont Alexandre III franchit d'un bond élégant les eaux grises de la Seine. En aval, la tour Eiffel s'élance hardiment vers le ciel. Et juste au pied de celle-ci, à l'aplomb du fleuve, nous apercevons les silhouettes imprévues des bulbes dorés de la cathédrale de la Sainte Trinité. Il est impossible de ne pas la voir : elle se dresse juste en face de l'arrêt des bateaux-mouche, en l’un des endroits les plus touristiques de Paris.

J'ai eu l'honneur de concélébrer en la cathédrale de la Sainte-Trinité. À vrai dire, en franchissant le seuil des bâtiments jouxtant la cathédrale, je ne savais pas trop à quoi m'attendre. Assurément, c'est un endroit très officiel. Il bénéficie d'une surveillance rapprochée, chose indispensable par les temps qui courent. Je m'étais mentalement préparé un accueil poli mais froid… eh bien, ce fut tout le contraire qui m'arriva : un jeune homme souriant me conduisit jusqu'au sanctuaire, et le Recteur me reçut avec le sourire, et une très grande cordialité.

Tous les samedis la communauté du Séminaire célèbre la liturgie en français à l'église Sainte-Trinité à Paris

Initialement, j'étais au courant du fait que la Divine Liturgie est célébrée en langue française le samedi, le chœur étant pris en charge par les séminaristes d'Épinay-sous-Sénart. Mais on me dit qu'à la date envisagée, la Liturgie serait célébrée en Slavon, car c'était la fête de l'icône de Notre-Dame de Kazan. Qu'à cela ne tienne : je fus heureux de célébrer la Mère de Dieu, en cet endroit.

La Divine Liturgie se déroula très harmonieusement, avec l'appui d'un chœur de qualité professionnelle. À un moment donné, le Recteur me demanda de dire une ecténie en français - et le chœur répondit immédiatement en chantant « Kyrie eleison » puis « Accorde, Seigneur », sans l'ombre d'une hésitation ! - Je connais bien d'autres églises orthodoxes russes où, lorsqu'on articule un mot en français, le chœur continue impavidement à chanter en Slavon, à moins qu'il ne s'embrouille complètement… Ici, pas de problème.

Au cours de la Liturgie, le chœur chanta le « Notre Père » en Slavon, puis ensuite en français, toujours avec la même perfection musicale. Lors de la lecture de l'Évangile, le Recteur me convia à lire celui-ci, après sa proclamation en Slavon. À l'issue de la Divine Liturgie - concélébrée avec le Recteur et un Hiéromoine, membre du clergé de la cathédrale - le Recteur lui-même me présenta à l'assemblée, s'exprimant en Russe puis en langue française, disant toute l'importance qu'ils accordent au fait de recevoir à la cathédrale des personnes venant de tout horizon, de toute langue de toute culture. Après la célébration, je pus converser avec diverses personnes, et m'attarder en la cathédrale.

Le Hiéromoine qui avait participé à la célébration, nous fit visiter les lieux. Nous avons ainsi parcouru les bâtiments, découvrant notamment l'auditorium qui est à la pointe de la modernité. L'ensemble bourdonne d'activités et les expositions se succèdent, visant à faire connaître au public français et international, les diverses facettes du patrimoine religieux et culturel de la Russie.

Notre aimable guide nous permit de jeter un coup d'œil sur le projet de fresques qui orneront les murs de la cathédrale. Cela promet d'être splendide : avec une telle réalisation, la cathédrale deviendra l'un des monuments majeurs de l'agglomération parisienne.

Certains critiquent l'aspect extérieur de l'édifice. Mais il faut savoir que la forme extérieure de la cathédrale est le fruit d'un compromis, suite aux « bâtons dans les roues » que la Ville de Paris opposa à ce projet - faisant preuve, à l'époque, d'une « russophobie » évidente. D'une part, on peut regretter qu'il n'ait pas été possible de construire un édifice de forme classiquement russe - bien que cela eût été plutôt difficile à avaler pour les Parisiens, vu que c'est à deux pas de la tour Eiffel - mais d'autre part, on peut se féliciter que des projets d'une esthétique particulièrement malencontreuse, ne furent pas réalisés. Visiblement, certains bureaux d'architectes qui avaient proposé leurs dessins, n'avaient pas la moindre idée de ce qu'est une église orthodoxe, ni des fonctions liturgiques qui s'y déroulent. Quoiqu'il en soit, lorsqu'on s'approche des murs de la cathédrale et des autres bâtiments, on s'aperçoit qu'il s'agit d'une très belle pierre calcaire de couleur rosée, venant de Bourgogne. Il a fallu quatre mille tonnes de pierre pour réaliser le projet !

L'intérieur de la cathédrale est pour le moment d’une blancheur immaculée, et la disposition des lieux est celle que l'on trouve classiquement dans tout « Sobor » de l'Église russe. C'est donc parfaitement adapté aux diverses fonctions exigées par la célébration de l'Office divin.

Avant ma découverte de la cathédrale Sainte Trinité, j'avais entendu dire que l'iconostase était « provisoire », en attendant la réalisation d'une structure définitive. Cependant, les photos me montraient quelque chose de tellement majestueux, qu'il était difficile d'imaginer que ce soit provisoire ! - En fait, lorsqu'on s'approche de près, l’on s'aperçoit qu'il s'agit d'une sorte de photo géante de ce qui va être réalisé ultérieurement. C'est à s'y méprendre… Il faudra revenir pour admirer l'iconostase définitive, dont la structure sera en marbre sculpté.

Un visiteur à la cathédrale de la Sainte-Trinité, quai Branly  à Paris

On peut noter que les chapiteaux des colonnes de l'iconostase présenteront des sculptures d'inspiration romane. Le souci d'intégration dans le patrimoine spirituel de la France du premier millénaire, se marquera aussi dans la présence sur l'iconostase d'icônes des Saints qui ont illuminé la Gaule - et notamment de Saint Denis de Paris et de Sainte Geneviève. Les mosaïques qui seront présentes sur l'iconostase s'inspireront des couleurs qui furent utilisées par la peinture religieuse française de l’époque médiévale. Tout cela manifeste un souci constant de s'harmoniser avec l'Occident chrétien de l'Église indivise - préoccupation que l'on remarque également dans la spiritualité qui anime le séminaire d'Épinay-sous-Sénart.

Même si le bâtiment est flambant neuf, chacun peut vénérer plusieurs icônes anciennes qui sont présentes sur les murs de l'édifice. Nous avons notamment remarqué une splendide icône de Notre-Dame de Tikhvine, ainsi qu'une précieuse icône de Notre-Dame de Kazan, revêtue de sa riza d'argent. Enfin, une belle icône de la Mère de Dieu fut offerte par le patriarche Cyrille, lors de la consécration de la cathédrale. On peut noter qu'il existe un carillon - nous l'avons entendu - mais les cloches ne sont pas visibles de l'extérieur.

Je ne suis pas venu en cette cathédrale par curiosité, mais pour prier en ce lieu. J'avoue que mon premier contact avec la cathédrale fut intégralement positif ; j'ai été très agréablement surpris par la qualité de l'accueil qui m'a été réservé. J'y vois une facette de l'Église russe, qui désire s'ouvrir vers l'Occident – et qui désire sans doute faire ressurgir une certaine forme d'« alliance franco-russe », qui existait au XIXe siècle. Ce désir d'ouverture de cette partie de l'Église russe est trop souvent contrecarré par les préjugés qui subsistent en Occident, fruit de la guerre froide. On aimerait que la France sorte de son attitude de fidèle domestique des États-Unis, pour s'apercevoir qu'elle aurait tout avantage à nouer des relations positives avec la Russie, qui est, quoi que l'on puisse en penser, un grand voisin incontournable.

Au point de vue religieux, je ne puis que constater que les efforts d'ouverture envers la langue française, accomplis à la fois par le séminaire d'Épinay-sous-Sénart et par la cathédrale de la Sainte Trinité, surpassent de très loin le peu qui a été accompli en ce sens, par l'ancienne émigration russe, au cours de ses quatre-vingt ans d'existence.

Assurément, l'Église russe, dans son état actuel, n'est pas monolithique. D'une part, elle doit de toute évidence tenir compte de son immense troupeau de la « Russie profonde », qui est viscéralement opposé à tout changement, quel qu'il soit, et qui est instinctivement hostile à l'Occident. - Mais d'autre part, il existe dans l'Église russe un milieu intellectuel qui est conscient des enjeux théologiques suscités par notre époque.

L'Église orthodoxe ne peut se prétendre être véritablement l'Église du Christ, si elle n'est pas universelle. L'Église du Christ ne peut pas se limiter à n’être qu’un ghetto ethnique, et ne peut être « universelle par procuration », laissant « aux autres » le soin de témoigner de l'Évangile auprès de ceux qui n'appartiennent pas à son groupe ethnique. La catholicité de l'Église n'est pas une option facultative. Elle est une condition indispensable de sa sainteté. Et c'est cet effort vers l'universalité « catholique » de l'Église, que nous voyons concrétisé en la cathédrale de la Sainte Trinité, sur les rives de la Seine.

Archimandrite Georges Leroy.

Archidiocèse du Canada - Église orthodoxe d'Amérique

Cette fois-ci, le texte peut être communiqué à qui vous voulez ! Ordinateur

Bien amicalement : P. Georges.
Un visiteur à la cathédrale de la Sainte-Trinité, quai Branly  à Paris

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 21 Décembre 2017 à 05:20 | -2 commentaire | Permalien



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