Existe-t-il une collusion entre l’Etat et l’Eglise russe ?
Père Hyacinthe Destivelle, curé de la paroisse Sainte-Catherine à Saint-Pétersbourg

« Il faut d’abord tenir compte du fait que l’orthodoxie, historiquement, en Orient, s’est toujours développée dans le cadre d’un Etat chrétien. De ce fait, dans les pays orthodoxes, l’Etat a souvent prétendu assumer des fonctions aussi ecclésiales. Cela était d’autant plus réalisable que les institutions ecclésiales sont peu centralisées, avec un fonctionnement collégial et donc un pouvoir patriarcal bien moins puissant, par exemple, que celui du pape en Occident. De ce fait, la tradition des relations Eglise-Etat dans l’orthodoxie s’est souvent appuyée sur la théorie de la « symphonie des pouvoirs » formulée par Justinien. Cela dit, la position officielle de l’Eglise russe sur son rapport avec l’Etat est extrêmement claire. Elle a été exprimée dans un document sur la Doctrine sociale de l’Eglise, qui a été publié en 2.000. C’est notamment la première fois, avec ce texte, qu’une Eglise orthodoxe affirmait, de manière officielle, le droit à la désobéissance civile des chrétiens en cas de désaccord avec l’Etat.

Dans l’histoire, aucune communauté chrétienne n’a souffert vde l’Etat plus que l’Eglise orthodoxe en Russie. Ses soucis ont commencé avec Pierre le Grand, qui avait supprimé le Patriarcat, au début du XVIII siècle, et ce n’est qu’en 1917 que ce dernier a été rétabli. L’Eglise orthodoxe a eu juste le temps de tenir son Concile, avant de se voir férocement persécuter par le régime soviétique.

En 1927, le métropolite Serge, tenant lieu de primat, dut faire une Déclaration de loyalisme au régime communiste, alors que la plupart des évêques étaient en prison, Déclaration extrêmement critiquée par les Russes de l’émigration, à l’époque.

Aujourd’hui la Constitution affirme la séparation de l’Eglise et de l’Etat, même si la loi sur la liberté religieuse de 1997 reconnaît l’orthodoxie comme une religion traditionnelle, en même temps que l’islam, le judaïsme et le bouddhisme. En pratique, l’Eglise russe est beaucoup moins aidée par l’Etat que ne le sont, par exemple, les Églises catholique et protestante en Allemagne : les prêtres ne sont pas payés par l’Etat, il n’existe pas d’aumôniers dans les armées, et les hôpitaux, les moyens des paroisses restent modeste, surtout en province. Récemment, l’Etat a souhaité introduire des cours de morale et de religion à l’école mais leur mise en œuvre est laissée à la libre décision des régions.

Mais il est vrai que l’Eglise orthodoxe, qui compte plus de 80 millions de fidèles, représente une force dans le pays et que le gouvernement peut chercher à s’appuyer dessus, voire à l’instrumentaliser. La parole de l’Eglise, ses institutions, inspirent encore confiance. Au début de l’affaire des "Pussy Riot", le Patriarcat a donné l’impression d’une grande sévérité et cette attitude a été critiquée par un certain nombre de prêtres de la base, qui ne partageaient pas son avis. Depuis, le Patriarcat a adopté un profil plus bas. Mais le patriarche Cyrille reste très attentif au rôle que peut jouer l’Eglise orthodoxe en Russie. Il considère qu’il ne faut pas confondre séparation entre l’Eglise et l’Etat, nécessaire, et séparation entre l’Eglise et la société. »

Recueilli par Isabelle de Gaulmyn

La Croix, samedi 15-16 septembre 2012-09-16

"P.O." a repris cette très intéressante analyse du père Hyacinthe

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 20 Septembre 2012 à 16:00 | 10 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par BRETON FX le 19/09/2012 11:47
La dernière phrase semble induire que l'église orthodoxe russe ne fait pas sienne la "théorie des 2 glaives" mais il y a quand même un parallèle qui peut être fait avec les positions de l'Eglise catholique depuis la fin du XIXème siècle.

2.Posté par Gueorguy le 19/09/2012 13:07
Tout une partie de l'interview du Patriarche Cyrille accordé à des médias japonais traite de la relation entre l'Eglise et l'Etat. Michel, dans son commentaire n°1, sur cet autre lien, propose le dialogue sur ce sujet. Et il est dommage que le sujet ne soit pas plus évoqué.

A de nombreuses occasions, les "pourfendeurs" de l'église russe (plus exactement de sa hiérarchie) n'ont eu de cesse de lui imputer des collusions et des compromissions d'avec l'Etat. On a observé ces récriminations, encore récemment, dans l’affaire des PR.

Le père Hyacinthe Destivelle expose très bien, dans son ouvrage consacré au Concile de Moscou, la nature des relations entre l'Eglise et l'Etat avant la période de ce concile. (plus exactement la soumission de la première au second). Quoiqu'en dise les esprits chagrins, aujourd'hui, les choses sont tout autre et ce n'est pas l'Etat russe qui assure la gouvernance de l'Eglise.

Une autre crainte formulée sincèrement ou subtilement est que l'Eglise serait "en devoir" ("à la botte" selon les esprits les plus acerbes) vis à vis de l'Etat russe (par exemple, parce que ce dernier lui rendrait des édifices ; pour éviter toute polémique, je veux préciser que je fais allusion à des restitutions à l’intérieur même des frontières de la Fédération de Russie, en Ukraine ou en Biélorussie). Ici, on ne peut être plus clair et plus ferme. La dette de l'Etat - dans ses différentes formes au cours du 20ème siècle - envers l'Eglise est si incommensurable que les craintes évoquées n'ont aucun fondement.

Enfin, il convient de relativiser les collusions supposées entre l'Etat et l'Eglise. Lors de la dernière table ronde de l'OLTR, le père Vladimir Vorobiev a dressé (par exemple, pour ce qui concerne l'enseignement religieux) un état des lieux de la nature des relations entre l'Etat et l'Eglise qui donne un éclairage autrement plus concret et plus vécu que des allégations formulées sans preuve.

3.Posté par Vladimir: Les relations entre l'Eglise et l'état en Russie font l'objet de nombreux débats et commentaires le 19/10/2012 17:39
Les relations entre l'Eglise et l'état en Russie font l'objet de nombreux débats et commentaires. Mais qu'en est-il pour les autres Eglises orthodoxes? Voici une information concernant la 2ème plus grande Eglise locale (après l'Eglise russe), l'Eglise de Roumanie:

Le 16 octobre, a été conclu au palais patriarcal de Bucarest le protocole de collaboration entre le Patriarcat de Roumanie et le Département chargé des Roumains de l’étranger. Le document a été signé par Mgr Cyprien de Câmpina, évêque vicaire patriarcal et Mme Natalia Intontero, secrétaire d’État au Département des Roumains de l’Étranger.

Le protocole vise d’une part les compétences du Département des Roumains de l’étranger concernant l’élaboration et l’application de la politique de l’État roumain dans le domaine des relations avec les communautés roumaines hors des frontières en vue de la préservation, le développement et l’expression de l’identité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse des Roumains de la diaspora et, d’autre part, la mission du Patriarcat de Roumanie concernant les paroisses orthodoxes roumaines hors des frontières de la Roumanie organisées en diocèses, en vue du renforcement de l’identité spirituelle et culturelle des Roumains de la diaspora.

Dans le programme, le projet et les actions menées en commun par le Patriarcat de Roumanie et le Département des Roumains de l’étranger, sont mentionnés :

- La construction, la réparation, la conservation et la dotation des églises et des bibliothèques roumaines de l’étranger
- La rénovation et l’entretien des musées, des monuments historiques et artistiques des Roumains de l’étranger, comme également la protection et la revitalisation des traditions et usages roumains dans les communautés de la diaspora.
- Les projets éducatifs et les manifestations culturelles dans le pays et à l’étranger destinés aux Roumains de la diaspora, etc.

Le protocole de collaboration a pour but la consolidation du rôle éducatif des paroisses orthodoxes roumaines hors des frontières du pays et le soutien aux projets promus par le Département des Roumains de l’étranger, y compris la mise à disposition, dans la mesure du possible, des espaces utilisés par les paroisses orthodoxes roumaines, particulièrement dans les endroits où il n’existe pas de missions spéciales de Roumanie
Le protocole de collaboration entre le Patriarcat de Roumanie et le Département des Roumains de l’étranger a été conclu pour une période d’une année depuis la date de la signature avec possibilité de prolongation par un addendum.

Source (dont photographie): Basilica, traduit du roumain pour Orthodoxie.com

4.Posté par Fabre Daniel le 20/10/2012 06:24
"....la mission du Patriarcat de Roumanie concernant les paroisses orthodoxes roumaines hors des frontières de la Roumanie organisées en diocèses, en vue du renforcement de l’identité spirituelle et culturelle des Roumains de la diaspora......" comme également la protection et la revitalisation des traditions et usages roumains dans les communautés de la diaspora....."
il est évident que sur le forum l'on nous dira que non comme d'habitude, mais fréquentant une paroisse Roumaine je persiste à parler d'ethnophylétisme ! même déguisé, dites-moi en dehors des Assoc Culturelles elles, et folkloriques en quoi faut'il garder une " culture " étrangère pour célébrer un Seul Christ, une Seule foi etc.....

5.Posté par Vladimir: le mot "ethnophylétisme" le 20/10/2012 16:41
Bien cher Daniel Fabre,
Je suis surpris que vous employiez encore le mot "ethnophylétisme" à mauvais escient après l'excellente définition qu'en a donné Séraphin Rehbinder: "il est employé pour désigner une organisation de l'Eglise qui serait fondée sur l'appartenance à une tribu ou une ethnie et qui supposerait une Eglise réservée exclusivement aux membres de cette ethnie ou ce peuple."(1) Il est clair qu'aucune paroisse des Eglises russe, grecque, roumaine … n'est "réservée exclusivement aux membres de cette ethnie ou ce peuple" et si vous en fréquentez une vous en êtes la meilleure preuve!
Vous faites partie de ces Orthodoxes, qu'on ne rencontre qu'en Occident, qui pensent qu'on peut être Orthodoxe sans appartenir à une Eglise locale, position qui me parait erronée: "l'Église orthodoxe est une icône de la Trinité, (...) reproduisant sur terre le mystère de l'unité dans la diversité (...) De même que chaque personne de la Trinité est autonome, de même l'Église est faite de beaucoup d'Églises autocéphales indépendantes;… "(2) En niant l'importance et le charisme des Eglises locales dans leur diversité vous arrivez à la conception romaine de l'uniformité ecclésiale, où les Eglises locales sont réduites à de simples subdivisions administratives (mais même là il faudrait voir de plus prés le rôle des différentes Eglises orientales à l'intérieur du catholicisme).

Et, confirmant ces aspects théologiques, l'immense majorité des Orthodoxes se reconnaissent avant tout dans leur Eglise locale; vous le voyez aussi bien dans les territoires orthodoxes traditionnels qu'ici, dans la diaspora, avec le foisonnement actuel des nouvelles paroisses orthodoxes des différentes Eglise. Il est donc normal que les autorités ecclésiales aillent à la rencontre des souhaits de leurs fidèles, et ce n'est pas du tout par "phylétisme", pour s'enfermer entre soi; au contraire, toutes nos paroisses sont toujours ouvertes aux autres Orthodoxes, voire à tous ceux qui s'intéressent à l'Orthodoxie d'où qu'ils viennent, mais nous restons fidèle au charisme et à la culture spécifique de notre Eglise locale et c'est bien cette richesse là que nous voulons conserver et faire partager.

(1) http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/search/phyletisme/
(2) In Mgr Kallistos Ware, "L'orthodoxie. L'Eglise des sept Conciles", Cerf Paris 2002, p.311





6.Posté par Daniel le 20/10/2012 19:06
@ Vladimir

Et quid des églises roumaines que le Patriarcat de Roumanie a ouvert en Serbie selon un critère ethnique, être d'ethnie roumaine alors même que ce territoire n'est pas de son ressort et sans accord des évêques du lieu? S'y ajoute son comportement douteux en Israël à nouveau hors de son territoire qui a occasionné la rupture de communion avec le Patriarche de Jérusalem...

7.Posté par Fabre Daniel le 21/10/2012 00:38
Vladimir :
" n'est "réservée exclusivement aux membres de cette ethnie ou ce peuple" et si vous en fréquentez une vous en êtes la meilleure preuve! " JUSTEMENT en je TEMOIGNE je cite responsable de ma paroisse : " vous comme tous français êtes spirituellement moins hauts que nous en Roumanie ! " sans compter la mise à l'écart des discussions quand la majorité ne communique entre elle que dans sa langue sans tenir compte de la présence de français etc....mille exemples de cela et c'est un voeux pieux que de dire : " tout par "phylétisme", pour s'enfermer entre soi; au contraire, toutes nos paroisses sont toujours ouvertes aux autres Orthodoxes, voire à tous ceux qui s'intéressent à l'Orthodoxie d'où qu'ils viennent, là Vladimir vous rêvez ! et c'est une contre vérité de faits !
et oui vous avez raison ce n'est pas l'Eglise de Paul ou de...ni de Daniel,Bartholomé,
ou autre ! mais c'est vous qui l'oubliez !
et me prêter l'idée d'adhérer à : " vous arrivez à la conception romaine de l'uniformité ecclésiale " est une insulte à ma foi et mon témoignage ! et à ma vie en orthodoxie !
d'autre part déjà paru sur ce forum, l'histoire d'un prêtre expérimenté en Belgique, un prêtre orthodoxe Belge qui vit, sait et témoigne combien sa paroisse russe ne l'a toujours pas accepté après plusieurs dizaines d'années ! paru sur blog de Claude Lopez sur orthodoxologie.
pour nous et d'ailleurs quelques amis roumains nous sommes écoeurés de ces attitudes envers les indigènes que sont les français.

* * *
Aussi Vladimir vous dites : " "l'Église orthodoxe est une icône de la Trinité, (...) reproduisant sur terre le mystère de l'unité dans la diversité (...) "
tout à fait d'accord et merci pour la " leçon " mais il s'agit plus de diversité de charismes de personnes en le sens personnalité unique et différente que de la couleur de la peau, de la langue et des us et coutumes; quand même et c'est mon constat fait en Roumanie et chez les proches de mon épouse ces coutumes sont largement empreintes de superstitions et ont des relents d'animisme parfois....au détriment parfois de la vérité, la justesse théologique complètement inconnue pour eux.
d'autre part pour des leçons de catholicité romaine, ce que je sais un peu c'est que là où est l'Evêque est l'Eglise, toute l'Eglise ( bien sûr en communion avec les autres), j'ai remarqué des parfums de papisme à tous les niveaux hiérarchiques du Métropolite au Patriarche jusqu'au Patriarche oeucuménique de Constantinople....bien sur vous vous voilerez la face comme pour l'ethnophylétisme, en disant meuh non pas de papisme...! et ainsi l'orthodoxie continuera dans son erreur quelque peu pharisienne et c'est dommage !
chez nous, l'orthodoxie, pour vous , tous le monde il est beau, tout le monde il est gentil et vous en appeler à Sartre : " l'enfer c'est les autres " ! alors bonne chance ! surtout ne changez rien !

* * *
Et pour finir Vladimir, au cas ou vous m'opposeriez le droit canon, vous savez sans doute qu'en orthodoxie l'Evêque n'est pas Evêque des personnes fussent-elle russes, roumaines, serbes ou françaises, mais d'un lieu c'est pourquoi l'organisation de la diaspora n'est pas conforme à la TTTTTradition canonique orthodoxe, il n'ait qu'à demander aux prétentions de Constantinople sur les territoires " barbares "; et qu'il ne peut être plusieurs Evêque sur un même territoire.

8.Posté par Fabre Daniel le 22/10/2012 07:26
Aussi entre l'uniformisation de tous les orthodoxes et le respect des différences, il est particulièrement aberrant de constater ce qui suit dans un même diocèse orthodoxe, en l’occurrence en Eglises Orthodoxes Russes en Europe occidentales : Monseigneur Gabriel de Comane quand en la paroisse de Tours, saint Martin le Miséricordieux, on fête Noël le 25 décembre et les liturgie sont en Français et Slavon (égalité) et la paroisse du même diocèse à Grenoble en l'église de la Résurrection du Christ à Grenoble où Noël est le 07 janvier et la liturgie uniquement en slavon d'après l'appel téléphonique à la présbytéra madame Drobot....
aussi, j'ai des amis en recherche qui des catholiques qui d'anciens évangélistes à Grenoble, intéressés par l'orthodoxie...et je me garderai bien de les diriger en cette " accueillante pour étrangers français " paroisse de Grenoble et nous -même devant emménager de Bourges à Grenoble, nous n'irons pas en cette paroisse !

9.Posté par Vladimir le 22/10/2012 14:13
Bien cher Daniel Fabre,

Je vous prie d'abord de m'excuser si je vous ai blessé; je n'en avais aucunement l'intention et je ne mets pas en doute votre foi et votre fidélité à l'Orthodoxie que vous démontrez amplement dans tous vos commentaires. Je veux seulement dire, et cela n'est pas une offense, que cette approche qui réduit le rôle des Eglises autocéphales et patriarcats à celui de simples subdivisions administratives, sans charisme ni apport ecclésiologique propre, néglige complètement l'une des différences fondamentales entre les Orthodoxes et les Latins sur le plan ecclésiologique. Ce n'est pas moi qui fait la leçon sur "l'Eglise – icône de la Trinité", c'est Mgr Kalistos (Ware), évêque de Diokleia, dont la compétence théologique est reconnue et qui est bien dans son rôle d'évêque en proclamant la doctrine orthodoxe. Si vous vous reportez à la page 311 de son ouvrage, que je cite textuellement, vous verrez qu'il y développe longuement ce concept: "De même que chaque Personne de la Trinité est autonome, de même l'Église est faite de beaucoup d'Églises autocéphales indépendantes…" Il n'y est pas question de personnalités différentes, mais bien d'Eglises…

Merci de citer "là où est l'Evêque est l'Eglise" de st Ignace d'Antioche. Cette ancienne doctrine est évidement commune aux Orthodoxes et Catholiques mais c'est ensuite que cela diverge: chez nous tous les évêques répondent à un primat et un synode local, et c'est la communion de ces Eglises locales qui fait l'unité, alors que pour les catholiques chaque évêque répond directement au Pape qui fait l'unité de l'Eglise…

Pour ce qui concerne votre expérience, il ne me semble pas juste de confondre l'attitude de quelques personnes particulières, fussent-elles recteurs de paroisse, avec l'attitude d'une Eglise locale. Les paroles que vous rapportez sont épouvantables, les attitudes désastreuses et je sais très bien qu'elles se rencontrent dans certaines de nos paroisses de toutes juridictions (*), mais il ne s'agit aucunement d'une attitude ecclésiale engageant une Eglise: jamais je n'ai entendu aucun de nos évêques tenir ce langage! Et, témoignage contre témoignage, je peux vous assurer qu'il n'y a rien de tel dans la plupart des paroisses, dont par exemple la nôtre et les trois autres que je connais à Lyon, celle de Biarritz, Daru en haut et à la crypte, Pétel, St Victor… pour ne citer que celles que je connais. Oui, nous rencontrons souvent un problème de langue car il y plus de paroissiens qui ne comprennent pas le français (il s'agit de Russes, Ukrainiens, Moldaves, Géorgiens… pour qui le russe est une langue commune) que de paroissiens ne comprenant pas le russe. Nous essayons donc d'adapter la langue aux circonstances et faisons de la traduction simultanée lors des échanges (cela devient ma spécialité…).

Toutefois, l'Eglise russe, comme l'Eglise de Roumanie (et toutes les autre Eglises orthodoxes probablement), affirme clairement que sa mission en dehors de ses frontières traditionnelles est principalement d'assurer la pastorale de ses ouailles dispersées et non de faire du prosélytisme. Nous accueillons donc tous ceux qui viennent à nous, mais en gardant nos traditions et notre culture comme l'exige la majorité de nos fidèles qui sot la raison d'être principale de nos paroisses…

Et pour finir je ne peux qu'être d'accord avec vous sur "la honte pour toute l'Orthodoxie" (in lettre du Patriarche Alexis II au Patriarche Bartholomée du 18 mars 2003) que constitue les superpositions des diocèses. J'en parle d'ailleurs dans un post dédié (http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/L-Eglise-russe-et-la-diaspora_a2712.html)

Une réponse à Daniel 6 suivra...

(*)La paroisse de Grenoble que vous citez pose en effet des problèmes d'accueil même pour les nouveaux arrivants de l'Est (l'un d'eux m'a rapporté y avoir "gentiment" été qualifié de "sov"). Une autre communauté semble en cours de constitution, desservie par des prêtres du diocèse de Chersonèse (PM). Je vais me renseigner… Si non venez donc nous voir à Lyon: http://www.egliserussealyon.fr/

PS: pour Daniel Fabre. Les aberrations du calendrier sont en effet surprenantes puisqu'elles apparaissent jusque dans le même édifice: à Daru, la paroisse du haut suit le calendrier julien, avec offices en slavon et celle de la crypte le julien réformé avec offices en français. De même dans le diocèse de Chersonèse, Petel est calendrier julien /slavon et St Victor julien réformé / français... Mais, comme vous savez, le changement forcé de calendrier mène aux schismes vétérocalendaristes... Alors autant l'éviter!

10.Posté par Vladimir le 22/10/2012 16:34
Bien cher Daniel,

Vous soulevez un autre problème ecclésiologique tout aussi préoccupant: celui des "frontières canoniques" et de leurs fluctuations suivant les vicissitudes de l'histoire. Le cas que vous citez est exemplaire et, pour bien comprendre, il faut reprendre l'histoire des Balkans carte en main.

Les problèmes que vous mentionnez se situent en Voïvodine, et plus exactement dans le Banat Serbe. Pour ne pas remonter à l'antiquité, notons qu'au Moyen-âge ce territoire était majoritairement peuplé de Valaques (l'une des principales composantes du peuple roumain), Orthodoxes appartenant à la métropole de Valachie sous obédience du patriarche de Constantinople. Au XIV-XVe siècle arrive un grand nombre de Serbes (plus de 50 000?) fuyant la conquête ottomane. Le Banat est lui-même conquis par les turcs au XVIe siècle puis annexé par l'Autriche en 1718. C'est à partir de là que l'Eglise serbe s'y implante, car c'est la seule Eglise orthodoxe autorisée dans l'Empire austro-hongrois, et c'est à partir de là aussi qu'arrivent des colons catholiques et que se développent des communautés uniates… Au traité de Trianon (1920) le Banat est partagé en trois: 2/3 orientaux sont rattachés à la Roumanie, 1/3 occidental à la Serbie et la ville de Szeged au nord à la Hongrie. Ce partage correspond à la composition majoritaire des populations mais il reste évidement des minorités importantes, essentiellement roumaines dans le banat serbe et serbes dans le Banat roumain: il y a actuellement environ 64 000 roumains en Serbie(1) et leur langue est appelée « d’usage officiel » dans les localités de Voïvodine où la population roumanophone atteint 15 % de la population totale.(2).

Le statut de cette minorité a été la cause du véto opposé par la Roumanie à la candidature de la Serbie à l'UE jusqu'en mars 2012 et, en levant le veto, le président de Roumanie a mentionné le droit de la minorité roumaine de Serbie à avoir des offices en roumain, comme dans le patriarcat de Bucarest (passé du slavon au roumain au XVIIIe siècle). C'est en effet une revendication des fidèles qui, se heurtant au refus de la hiérarchie de l'Eglise de Serbie, font régulièrement appel à des prêtres roumains qui officient sans autorisation de l'évêque serbe du lieu… C'est contraire aux canons et cela provoque les protestations de l'Eglise serbe auxquelles vous faites référence. J'imagine qu'un accord entre les deux patriarcats qui prenne en compte la demande des croyants concernés ne devraient pas être trop difficile à trouver avec un peu de bonne volonté e part et d'autre….

Nettement plus inquiétante est la situation en Moldavie: Bucarest y a fondé en décembre 1992 une éparchie, la "métropole de Bessarabie" (3), parallèle à "l'Eglise orthodoxe de Moldavie"(EOM) (4), métropole préexistante du patriarcat de Moscou devenue autonome en octobre 1992. La question de langue ne peut être invoquée ici, puisque l'EOM utilise le roumain et le slavon, mais c'est là aussi la rançon de l'histoire: la « Métropolie de Suceava et de toute la Moldavie » relevait du Patriarcat œcuménique de Constantinople jusqu'en 1812, quand la Russie enleva la "Bessarabie" à l'empire ottoman. « L'Archevêché de Bessarabie » fut rattaché à l'Eglise russe jusqu'en 1922-23 quand la Bessarabie fut absorbée par la Roumanie et l'archevêché érigé en Métropole orthodoxe de Bessarabie du Patriarcat de Bucarest.. Cette métropole revint dans l'obédience du Patriarcat de Moscou lors du rattachement de la Bessarabie à la Moldavie soviétique en 1940 (mentionnons le retour au patriarcat de Bucarest en 1941-45, généralement passé sous silence, quand les troupes roumaines alliées de l'Axe réoccupent le territoire; le métropolite roumain, Mgr Visarion Puciu, avait suivi la retraite roumaine en 1944 et fut condamné à mort pour collaboration avec l'occupant. Il est décédé à Paris en 1964.)

L'Église roumaine a officiellement proclamé la réunion des circonscriptions ecclésiastiques de Moldavie avec le patriarcat de Bucarest en décembre 1992 provoquant une crise avec Moscou qui n'est pas réglée à ce jour. Cette éparchie compterait environ 200 communautés contre 5 diocèses et plus de 1300 communautés pour l'EOM.

(1) http://www.sedmitza.ru/news/2835364.html
(2) http://fr.wikipedia.org/wiki/Distribution_g%C3%A9ographique_et_statut_du_roumain#cite_ref-Serbie_5-0
(3) http://www.mitropoliabasarabiei.ro/
(4) http://mitropolia.md/en/

11.Posté par Fabre Daniel le 22/10/2012 18:54
merci Vladimir, ca m'est très profitable de discuter avec vous ici et ailleurs sur ce forum, cela me permet de couper quelques épines qui persistent à pousser et à accrocher de temps à autre sur sur la tige assez " tordue " et encore croissante de la plante de ma foi, mon sénevé ...qui sait ; donc merci ! amicalement en Christ : Daniel Fabre

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