Dans un commentaire récent "Irénée" a fait une très intéressante analyse que je voudrais reprendre in extenso avec mes titres et quelques commentaires in fine. (V.G)

1% de "convertis"?

…Nous avons déjà eu des échanges ici sur cette question (1) qui n'a, en fait, jamais été étudiée d'une manière sérieuse. Nous n'avons pas ici les moyens de la faire... (2)

Mais il faut cependant prendre cette question très au sérieux. Le chiffre de 1% proposé par le père Serge ne me semble correspondre à rien (3). Si ce 'n'est peut être le pourcentage de convertis par rapport au nombre total de chrétiens orthodoxes issus des émigrations. Mais comme environ 5% d'entre eux fréquente régulièrement une paroisse, cela impliquerait que 20 % des personnes actives et présentes régulièrement dans les paroisses seraient converties(4). Ce chiffre me semble plus conforme à ce l'on peut observer.

Catégories différentes:

Il y a ensuite différentes catégories, pas très facile à identifier...

Tout d'abord toutes les personnes qui sont entrées dans la communion de l'Eglise à la suite d'une démarche personnelle de recherche. Parfois ces personnes ont rencontré dans une paroisse une personne issue de l'émigration, et il y a eu mariage... Il y a aussi des personnes à l'origine catholiques romaines (ou protestantes, ou athées...) et qui ont épousé des orthodoxes. Le passage à l'Eglise a pu se faire avant ou bien des années après le mariage.

N'oublions pas aussi de très nombreux inclassables, comme des jeunes qui ont entre 15 et 30 ans et dont les parents (ou grands parents !), français d'origine, avaient rejoint l'orthodoxie il y a entre 10 et 40 ans...à quelle catégorie appartiennent-ils ?
J'avais également ici l'an dernier fait part du fait que le clergé (prêtres, diacres, ou les moines et moniales dans les monastères) doit être composé à plus de 30% de personnes converties. Cela donne à réfléchir à la fois sur le sérieux de l'engagement dans l'Eglise de ces personnes, et sur le manque d'engagement des hommes et femmes adultes issues des différentes immigrations (5).

Juridiction indifférente?

Je voudrais enfin vous faire part d'une observation. Dans les paroisses de province, les émigrants récents venant de Géorgie, d'Ukraine, de Roumanie ou d'ailleurs semblent tellement heureux de trouver une communauté paroissiale qui les reçoit, qui pourra les marier, baptiser leurs enfants etc. que la question de nationalité me semble pour eus extrêmement secondaire. Ils cherchent (et trouvent !) une paroisse orthodoxe, canoniquement sûre, dans laquelle ils rencontrent des croyants de toutes origines nationales ou culturelles et les choses se passent au mieux !

Je suis même persuadé que dans de nombreuses paroisses, beaucoup de paroissiens ne savent même pas très précisément dans quelle juridiction ils sont ! Ils ont la certitude d'être dans une église orthodoxe et cela leur suffit... (6)

Notes et commentaires du rédacteur (VG)

(1) En particulier le commentaire 1 du 17/10/2010 d'Irénée sur http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Orthodoxie-occidentale-la-lecon-belge_a1208.html

(2) En effet, tous les chiffres que nous pouvons donner ne sont que des estimations personnelles que nous devons prendre avec la plus extrême modestie. Il serait passionnant que l'AEOF lance une enquête et le fait d'avoir centralisé un annuaire est prometteur…

(3) "Même durant les vingt-cinq ans d’existence de la Mission orthodoxe belge, et à l’époque d’une crise profonde dans l’Église catholique au sortir du concile Vatican II, le nombre de «convertis» en Belgique ne s’éleva pas à plus de quelques dizaines (au mieux, centaines) de personnes ; aujourd’hui, le nombre de Belges « de souche » devenus orthodoxes avoisine peut-être le millier (toutes générations et juridictions confondues). (…) En réalité, les chiffres des pays voisins sont tout à fait comparables (France : trois mille «convertis» environ, Grande-Bretagne : deux à trois mille, soit, à chaque fois, environ 1 % des orthodoxes des pays concernés" (Père Serge Model. Ibid.) Voilà à quoi correspond ce 1%. Je pense qu'il fait référence au nombre total de baptisés.

(4) Là, pour le coup, ces chiffres de 5 et 20% ne me semblent pas vraiment justifiés: dans le commentaire cité en (1) Irénée écrivait que "moins de 10 % fréquentent régulièrement une paroisse, si ce n'est à Pâques", sans plus de justification. Mais qu'entend-on par "fréquentent régulièrement"? Tous les jours? Semaines? Mois??? Et la communion? En tout cas dans les 4-5 paroisses que je connais (Lyon, Paris, Biarritz, Genève …) les "convertis" ne représentent pas plus de 10%, et beaucoup moins dans les grandes paroisses des grandes villes… Je parle de paroisses "russes" (Moscou ou Daru), mais j'ai entendu le même type d'estimation à propos des autres juridictions, avec l'exception des paroisses "francophones" (2 sur 9 à Lyon…) où il y aurait plus de "convertis".

(5) Je suis assez d'accord sur les différentes catégories d'Orthodoxes de souches et le chiffre de 30% pour le clergé me semble assez juste (dans le commentaire cité Irénée souligne en particulier, et à juste titre, les fondations de monastères…) et ce nombre de vocations me semble clairement indiquer un prochain tournant et un probable accroissement du nombre des Orthodoxes de souche autochtone, comme le montre l'exemple du doyenné de l'Eglise Serbe dans le Sud Ouest (http://www.monasteresaintgeny.fr/).

(6) Là j'émets clairement un fort doute: ce qu'écrit Irénée est vrai quand il n'y a aucun choix à plus de 100Km à la ronde. Mais dès qu'une possibilité apparait beaucoup se précipitent vers la paroisse de leur Eglise autocéphale d'origine: des grenoblois vont chercher le patriarcat de Moscou à Lyon ou Genève, des Picards vont à Mons, à Montpellier ils créent leur paroisse… Je parle des Russes que je connais particulièrement, mais la même chose se passe pour les Roumains, Serbes, Bulgares, Grecs, Géorgiens…: les créations de nouvelles paroisses en témoignent même à Paris! Dans son "Journal" le père Alexandre Schmemann s'exclame "pourquoi faut-il des paroisses du patriarcat d'Antioche ici!"

Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 13 Janvier 2013 à 18:00 | 3 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Irénée le 11/01/2013 11:50
Merci Vladimir d'avoir repris ce commentaire.
Je me serais appliqué si vous m'aviez fait part du souhait de le reprendre !
Juste un bref commentaire suite à vos notes 4 et 6.
(4) Je crains que nous n'ayons aucun moyen de préciser ces chiffres compte tenu de notre mince connaissance des chiffres et surtout de la complexité des situations. deux exemples :
- Une jeune bretonne, Anne, après avoir vu le film "l'Ile" et lu quelques livres se rend dans une église un dimanche, elle y rencontre André Popov. Ils vont se marier, puis déménager dans une autre ville...et pendant 30 ans un croisera Anne Popov (qui sera peut-être devenue Anna) et 90% de paroissiens seront persuadés de bien connaître ses origines...
- Un diacre prénommé Daniel dessert une paroisse de l'archevêché, il célèbre en slavon, parle un excellent russe. Mais ceux qui le connaissent savent qu'il enseigne la littérature russe à l'université, et qu'il a été baptisé à Kazan pendant ses études quelques années plus tôt.
Dans quelle colonne des statistiques doivent figurer ces deux personnes ?
(6) Là encore, je suis d'accord avec vous dans les faits. Mais pas sur le fond de la question. Il serait plus constructif de travailler à la construction de paroisses multiculturelles, accueillant tous les orthodoxes d'une ville ou d'un quartier, en respectant au mieux les langues et les usages des groupes de personnes présentes. Cela constituerait un témoignage fort d'unité, et enrichirait toutes les personnes présentes. Et peu importe la juridiction d'origine du prêtre !
C'est comme ça que je comprends la phrase du père Alexandre que vous citez : il existe des paroisses orthodoxes ici, pourquoi faut-il créer des paroisses de nouvelles juridictions à côté ?
Et il me semble qu'il est de notre responsabilité de parler aux orthodoxes issus d'autres cultures, et de leur expliquer la nécessité d'un témoignage orthodoxe unique. C'est de catéchèse dont nous avons besoin, plus que de conservatoires des traditions locales !

2.Posté par Tchetnik le 11/01/2013 17:48
Traditions locales qui, d'ailleurs, du fait du contexte historique et culturel du pays d'accueil, ne sont en fait plus locales du tout.

Et plus franchement pertinentes pour transmettre l'Évangile.

3.Posté par Vladimir le 13/01/2013 20:28
(4) Je suis absolument d'accord, ce ne sont pas les patronymes qui peuvent nous guider: les familles Reidel, de Scallon, de Witte, Fortounatto... descendent des premiers émigrés russes et Mesdames Irène Subrin, ou Anne Meunier sont nées à Koursk ou Kharkov. Par contre, dans nos petites paroisses nous nous connaissons suffisamment les uns les autres pour qu'une enquête bien faite auprès des conseils puisse donner des résultats fiables. Mon expérience montre actuellement moins de 10% de convertis fréquentant régulièrement les paroisses que je connais et dont j'entends parler, à l'exception des paroisses francophones. Mais justement, la croissance des clercs "convertis", que vous soulignez à juste titre, va induire la croissance des paroisses francophones comme c'est déjà le cas dans le sud-ouest et cette fréquentation va donc s'équilibrer dans une certaine mesure …

(6) La majorité des émigrés prévoit de "rentrer au pays": c'était le cas de mes grands-parents et c'est le cas de ceux qui arrivent maintenant. La religion fait partie de leurs racines, du bagage culturel qu'ils veulent conserver et que se transmettent les générations: ma fille a voulu se marier en slavon. C'est vrai pour toutes nos Eglises (y compris Antioche, comme le souligne le père Alexandre) et c'est là le grand défi de la diaspora orthodoxe: comment concilier la demande d'une Eglise acculturée des "convertis", de plus en plus nombreux dans l'avenir, et le besoin de garder ses racines de la plupart des "émigrés" (et leurs descendants), toujours largement majoritaires.

Comme réponse il y le modèle "prophétique" de l'OCA comme dit Mgr Hilarion: c'est la seule juridiction américaine pour les Américains et qui a su aussi préserver les racines en particulier par ses éparchies transversales roumaine, bulgare et albanaise … Il y a aussi les réponses adaptées de l'Eglise russe, qui ouvre des paroisses dédiées à ses minorités: paroisse pour les Bulgares à Moscou, paroisse pour les Moldaves à Paris. Je pense que c'est sur des principes de ce type que se bâtira la futur Orthodoxie d'Europe occidentale qui, avec l'aide de Dieu et le moment venu, évoluera vers une Eglise autocéphale (ou plusieurs). Mais cela ne pourra pas se faire "par en bas", "ex-nihilo", ou à partir de l'expérience de Daru: les autres juridictions en sont sorties à l'exemple de Constantinople et je vois difficilement un mouvement inverse! Je pense en fait que l'unité ne sera possible que par accord des Eglises-mères… Ce n'est pas pour demain mais le Concile peut être un pas en avant.

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