Le carême de Noël versus "Getmas"
Le carême de Noël versus "Getmas" (1)

Le 15/28 novembre nous entamons la quarantaine du carême de Noël ou de l'Avent qui nous prépare liturgiquement et personnellement pour la fête de la Nativité de notre Seigneur dans la chair le 25 décembre/7 janvier. C'est une période sacrée qui nous conduit à l'événement extraordinaire de l'Incarnation exprimé avec tant de force dans l'Evangile selon saint Jean: «Et le Verbe s'est fait chair et a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité [Jean 1:14].

Mais c'est aussi la période de l'année qui reflète plus qu'aucune autre ce que j'appelle la «bataille des calendriers" (2) - notre calendrier religieux, avec son cycle liturgique continu rythmé de jeûnes et de fêtes, et le calendrier laïque qui, par essence, ne connait pas la Révélation chrétienne (même si "Noël" y est reconnu.

Car même si Noël apparaît dans les deux calendriers, le chemin vers cet événement diffère totalement...


Le carême de Noël versus "Getmas"
- Tous les jours du calendrier laïque appellent à "faire la fête" tout le temps, à travers la longue attente des cadeaux de Noël qu'on ouvre ou échange avant le grand dîner qui suit. Manger, boire, être joyeux, c'est les vacances!

- Le calendrier religieux, en revanche, nous demande de jeûner jusqu'à plus longue période sans jeune de l'année qui va du 25 décembre au Janvier 4.

L'histoire est du côté de l'Eglise car ce sont les "douze jours de Noël" qui suivent le 25 Décembre lui-même que la société chrétienne allait passait dans une ambiance de fête durant les siècles passés. Ce contraste est assez frappant et l'alternative qui nous est proposée reflète deux approches très différentes de la façon dont nous allons célébrer Noël. Quand le Seigneur viendra, nous allons lui faire fête; mais le temps de l'attente - le Carême de Noël, nous, Chrétiens, le passerons dans la prière vigilante, le jeûne et l'aumône.

Le carême implique des limitations, et la retenue ne concerne pas uniquement les aliments et les boissons que nous consommons. L'année dernière, je me rappelle un de mes amis prêtres me racontant la façon intelligente mais critiquable de décrire le détournement consumériste que nous infligeons maintenant au carême de Noël. Pour l'ensemble de notre société, Noël est devenu "Getmas." Getmas c'est comment "recevoir" le plus possible, sans s'appliquer aucune véritable contrainte pour cela. Combien d'enfants vont juger la qualité d'un "bon Noël" à partir de ce qu'ils ont "reçus?" (Et je pense que bien des adultes font aussi une évaluation de ce type). Ne pas recevoir tout ce qui est sur la liste pourrait gâcher l'événement. Réchauffons tout cela avec un petit Jésus dans la crèche et voilà la réponse à la mascarade "Getmas".

Bien sûr, il y a là autant donner que recevoir, mais même cela devient l'une des facette du détournement consumériste de Noël par le calendrier laïque. Dans notre tradition orthodoxe, jeûner fait partie d'une discipline complète qui vise à nous libérer des pressions et exigences du monde et de ses passions. Mais que se passe-t-il si nous réussissons à ne pas manger de viande pendant quarante jours mais continuons à courir les magasins à en tomber? Que se passe-t-il si nous nous abstenons de nourriture mais faisons du centre commercial une "maison hors de la maison" qui passe avant l'église? Que se passe-t-il si nous pratiquons un peu de charité pour Noël, mais dépassons largement notre budget et nous enfonçons dans les dettes pour Getmas? Cela démontre que nous plaçons la forme au dessus du fond de la vraie piété religieuse.

Le carême de Noël versus "Getmas"
Les années passant, je reconnais que je deviens quelque chose comme un Picsou ecclésiastique; mais l'hypocrisie qui consiste à abandonner le Christ en gardant l'esprit des dépenses et de la consommation maximales marque très fortement mon évaluation d'ensemble de l'empreinte du monde sur Noël une empreinte qui a conduit à "Getmas" inexorablement et sans rémission.

D'après Fr. Steven Kostoff
(3) OCA
Traduit et adapté par V. Golovanow.

Notes du traducteur

(1) "The Story of Getmas" (non traduit à ma connaissance) est un livre pour la jeunesse écrit par Samuel Hutchins, un pasteur protestant, publié le 30 septembre 2015 et qui semble avoir beaucoup de succès. L'histoire se passe dans le future: une jeune fille de 12 ans nommée Jazah recherche la vérité et la trouve dans le passé…

(2) Cf. OCA où le père Steven pose la question "Grandes Vêpres ou Halloween le samedi 31 octobre?"

(3) Le père Steven Kostoff est recteur de l'église du Christ Sauveur et du Saint-Esprit à Cincinnati, Ohio (USA). Il est également enseignant au département de théologie de l'Université Xavier à Cincinnati, où il a donné des cours de théologie orthodoxe.


Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 24 Novembre 2015 à 17:12 | 2 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Vladimir.G: la «bataille des calendriers" le 26/11/2015 18:24
Cette «bataille des calendriers" nous concerne évidement tous, et ce aussi bien dans les pays de tradition orthodoxe qu'en Occident. Et c'est encore exacerbé par le Nouvel an pour ceux qui suivent le calendrier julien: en Russie, par exemple, c'est l'une des principales fêtes de l'année, héritée de l'époque soviétique mais toujours très suivie, et c'est le début de 8 jours de vacances qui se terminent à Noël! Suivre le carême devient très compliqué…

2.Posté par Vladimir G: : Carême de St Philippe le 18/11/2016 11:21
Le carême de Noël commence aujourd’hui pour les Orthodoxes qui suivent le "nouveau style" et dans 13 jours pour ceux qui suivent le calendrier julien ("ancien style").

L'érudit "Albocicade" en propose une mise en perspective historique que je reproduis ici. Remarquons la variété des traditions de jeûne au début de la Tradition et le fait caractéristique que "c'est l'usage monastique qui a prévalu pour tout le monde..."

CITATION:
Carême de St Philippe

Publié le 18 novembre 2016 par Albocicade

C'est reparti pour un tour. Après trois mois de repas aussi plantureux qu'abondants, faisant la part belle aux viandes, rôtis, pâtés, poulardes et autres venaisons[1], nous voici de nouveau en carême.
A vrai dire, c'était aussi un usage de l'église catholique, ce carême d'avant Noël. Il commençait même le 12 novembre, d'où son nom – à l'époque – de "carême de St Martin"[2]. Puis, il s'est peu à peu orienté sur les quatre dimanches précédent la Nativité du Sauveur, pour devenir l'Avent que nous connaissons.[3]
Dans l'église orthodoxe, il commence le 15 novembre et on l'appelle par conséquent "carême de St Philippe"[4]. Un carême de quarante jours, comme celui de Pâques, mais moins rigoureux : si viande, œufs, beurre et laitages sont exclus, ce n'est pas systématiquement le cas pour poisson, huile et vin.[5].
A vrai dire, ce carême s'est imposé peu à peu, vers le douzième siècle, et les usages ont longtemps variés. Rien qu'à Constantinople il y a eu jusqu'à trois usages différents : les uns – suivant l'usage des monastères – le faisaient de quarante jours ; d'autres le faisaient de trois semaines commençant avec le mois de décembre, et d'autres encore seulement pour la semaine précédent Noël[6], ces trois usages étant admis.
Cependant, c'est l'usage monastique qui a prévalu pour tout le monde.
Et pourquoi un tel carême ?
De même que celui de Pâque est en l'honneur du jeûne de Jésus-Christ , et celui d'après la Pentecôte pour honorer celui d'Elie – qui fut aussi de quarante jours ; celui de Noël a été institué en mémoire du jeûne de Moïse. En effet, comme Moïse s'est préparé à recevoir la Loi de Dieu sur la montagne du Sinaï par un jeûne de quarante jours, il était convenable à plus forte raison que les Chrétiens se préparent aussi par le jeûne[7] à recevoir le Verbe éternel venant s'incarner parmi eux pour leur salut.
Bon chemin de carême !

Notes :
[1] Bon, en fait, là j'exagère copieusement.
[2] Puisqu'il commençait le lendemain de cette fête.
[3] Enfin, avant que le commerce ne s'en empare pour en faire l'autre période où les gamins se goinfrent de chocolats qu'ils trouvent dans des "calendriers" qui n'ont plus e moindre lien – si ténu soit-il – avec la fête de Noël.
[4] Dont la fête est le 14 novembre.
[5] Le lundi, le mercredi et le vendredi on s’abstient de vin et d’huile. Mardi et jeudi on prend du vin et de l’huile ; le samedi et le dimanche on prend du poisson, de l’huile et du vin. Le poisson est consommé seulement jusqu’à la fête de saint Nicolas (6 décembre) inclus. Le 21 novembre, mémoire de la Présentation de la Mère de Dieu au Temple, on mange du poisson. Il en est de même les lundis, mercredis et vendredis, s’il y a une fête.
[6] C'était le "minimum" auquel le "peuple" était tenu au XVIIIe siècle.
[7] Ou du moins, par la modération.

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