Professeur Alexis Osipov: "De ceux qui vivent une autre vie"
Traduction Elena Tastevin

La suite de la 1ère partie

L’appréhension de la mort dans les peuples anciens

Qu’est-ce que c’est, donc, la mort ? Tous les peuples y méditent Toutes les religions en parlent, chacune à sa façon.

L’histoire de la conscience religieuse avant Jésus nous verrons abonde en approches diverses de la description de la mort. Il est important de noter que l’enseignement proposé par le christianisme à ce sujet n’a jamais existé auparavant dans les conceptions philosophiques et religieuses.

Que pensaient, donc, nos lointains ancêtres de la mort ?

Les conceptions issues conceptions de la religion égyptienne sont d’un intérêt particulier. Le manuscrit égyptien « Le livre des morts » (son nom littéral est « sortir au jour ») écrit 2000 ans av. J.-C., contient de nombreuses méditations et prières aux dieux sur l’âme dans l’au-delà et sur ce qu’elle deviendra.

L’âme implore les dieux, implore les esprits pour ne pas se retrouver dans un état où elle sera soumise à recevoir des coups, aux souffrances, aux flagellations, c’est-à-dire à exister dans un état pire que la mort elle-même. En témoigne le jugement sévère annoncé par le dieu de la montagne aux damnés : « Des glaives redoutables châtieront vos corps et vos âmes seront exterminées, vos ombres seront foulées aux pieds et vos têtes seront abattues. Vous ne vous relèverez pas ! Vous marcherez sur vos têtes ! Piégés dans les fossés vous ne vous redresserez pas! Vous ne vous enfuirez nulle part ! Le feu du dragon est contre vous. Le feu de Celui qui brûle des millions... Elles (les déesses avec des couteaux) vous abattront et vous achèveront. Ceux qui vivent sur la terre ne vous verront jamais ! ». Selon ce livre), l’âme peut être aussi sauvée et devenir une sorte de divinité (1)

Nous pouvons remarquer des similitudes dans le livre des morts tibétain. Ce dernier, ayant été rédigé vers le VIII siècle (ap. J.-C.) a des origines plus tardives. Nous y décernons d’autres motifs inspirés par l’enseignement bouddhiste, et plus précisément brahmane et hindouiste. La mort est ici considérée comme une marche vers l’évolution ou, au contraire, vers la dégradation de l’âme qui se manifestera au travers d’une incarnation appropriée. Selon une légende, avant de devenir éclairé, Bouddha se réincarna 215 fois. Il subit toutes sortes de réincarnations sauf celle d’une femme. C’est une idée originale du salut après la mort.. Elle n’est pas simplement mythologique comme dans le « Livre des morts » égyptien mais elle est profondément trompeuse pour la psychologie humaine car elle reporte en général pour le lendemain tout ce qui est difficile et ce que l’on ne veut pas faire le jour même. Le perfectionnement moral et spirituel est un exploit du combat avec soi-même. Et il est connu que « Le combat avec soi-même est le combat le plus difficile. La victoire des victoires est une victoire sur soi-même » (F. Logau)

L’idée de la réincarnation dirige la subconscience de l’homme au combat avec soi-même dans un futur indéfini surtout dans le cas où il ne vit pas trop mal ici. De plus, la chaîne de réincarnations n’a pas de fin, en fait. C’est un nombre infini de morts et de naissances. Selon les idées tibétaines certains peuvent arriver à l’état de soi disant « moccha » (délivrance) quand le processus de réincarnations s’arrête. Or, selon le livre des morts tibétain peu de gens atteignent le but final. Du moins, les heureux comme Bouddha qui s’incarnèrent « seulement » 215 fois sont une poignée. Le destin de la majorité des personnes, je répète, sont des réincarnations interminables.
Professeur Alexis Osipov: "De ceux qui vivent une autre vie"

L’idée des réincarnations a été appropriée pratiquement sans changement par la théosophie. Cette pensée, cependant, n’a pas de fondement sérieux.

Premièrement, si l’incarnation se produit chacun aurait gardé un souvenir de ses états précédents. Dans le cas contraire l’argument essentiel de la théorie sur la nécessité de réincarnations multiples de la personnalité pour sa purification totale des péchés perd son sens. Locke, philosophe anglais du XVIII siècle, remarqua justement que s’il n’y a pas de souvenir de l’état précédent, il n’y a pas d’identité de la personnalité, et par conséquent, pas de réincarnation. Il y a la naissance d’un nouveau moi .

Deuxièmement, il n’y a pas de faits corroborant cette idée. Les cas uniques de soi disant « souvenirs » de réincarnations précédentes ont une autre nature. : (Ce sont)

- Soit une hypnose à la quelle se soumettent facilement les gens du soi disant type médium (avant tous les enfants et les femmes)
- Soit une auto hypnose inconsciente ;
- Soit une influence télépathique (voir, par exemple, archevêque Luc (à préciser : Vojno-Yassenetzky ?) « L’esprit, l’âme et le corps) ;
- Soit une maladie psychique ;
- Soit une influence diabolique des possédés
- Soit une manifestation de la mémoire génétique qui dans certaines conditions peut reproduire dans la conscience de l’homme les impressions et les états de ses ancêtres qu’il perçoit comme les siens.

Nous rencontrons également des faits intéressants dans la mythologie et la religion grecques. Les grecs antiques comprenaient l’état posthume de l’homme comme une illusion, une irréalité ou comme un état incommensurablement pire que n’importe quelle vie terrestre. Ainsi, Homère dans son Odyssée, par exemple, décrit avec éloquence ce qui caractérise l’état de l’homme dans le royaume d’Hadès. Voici comment Achille « égal à dieu » se plaint à Ulysse :

« Ne cherche pas à m'adoucir la mort, ô noble Ulysse !
J'aimerais mieux être sur terre domestique d'un paysan,
Fût-il sans patrimoine et presque sans ressources,
Que de régner ici parmi ces ombres consumées ».
(2)

L’état posthume d’Héraclès, ce grand héros de la mythologie grecque antique est encore plus intéressant. Il se trouve lui-même à Olympe au festin des dieux et en même temps son ombre tremblante avec un arc tendu dans les mains est en Hadès. Il est situé simultanément aux deux pôles ! Pour le père Paul Florenskiy cette idée complètement originale d’Homère devint un des éléments de sa conception eschatologique.

D’une part, les grecs antiques sentaient profondément la réalité de l’autre monde et l’indestructibilité de l’âme humaine. Ils croyaient que l’état posthume existe. D’autre part, sans savoir comment est cet état ils supputaient, ils (élaboraient) des mythes imagés pour essayer de trouver des réponses. Il faut leur rendre hommage car certaines de ces idées sont non seulement très intéressantes mais elles purent exprimer profondément la justice posthume. Il suffit de se rappeler le supplice de Tantale, la pierre de Sisyphe, le tonneau des Danaïdes, etc.

On peut voir la même représentation dans toutes les autres religions apparues avant J.-C. D’une part on y voit un sentiment intuitif de l’absence de la mort et certains faits le confirmant (l’apparition des défunts), leurs prédictions et leurs avertissements, etc.) D’autre part, nous constatons une totale confusion quant aux idées sur l’au-delà. Même dans l’Ancien Testament nous trouverons des idées semblables (relevant de cet ordre). Dans les livres avant les prophètes (quels prophètes ?) il y a des affirmations selon lesquelles l’homme et, plus précisément, son âme s’endort voire meurt après la mort. C’est-à-dire que l’homme entier et non seulement le corps deviennent de la poussière après la mort. Et c’est seulement les prophètes, particulièrement les grands prophètes, commencent à dire qu’après la mort l’âme ne disparaît pas, elle ne meurt pas et ne s’endort pas mais elle souffre ou se réjouit en fonction de la vie terrestre de l’homme ; les prophètes parlent même de la résurrection générale . C’est une idée suprême révélée à l’humanité avant Jésus Christ.

Cependant, tous les peuples et toutes les religions parlent d’un état posthume de l’homme bien que chacune à sa façon. La pensée de la disparition totale de la personnalité avec la mort du corps apparaît très rarement.
SUITE

Notes du Traducteur:


(1) Le livre des morts égyptien. (Il s’agit du livre de l’Amdouat qui contient un texte religieux funéraire égyptien. Heure 11. (Commentaire du traducteur)
(2) Homère, L’Odyssée, tr. V. Joukovski, Ed. « Prosvechenije » p. 325, XI, 487 - 491
Ici tr. Philippe Jacottet Nouv.éd. Paris, La Découverte, 2000, XI, 488-491
Professeur Alexis Osipov: "De ceux qui vivent une autre vie"

Rédigé par Parlons D'orthodoxie le 23 Juin 2015 à 10:35 | 0 commentaire | Permalien



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