Professeur Alexis Osipov: la Rédemption dans l'Orthodoxie
V. Golovanow

"Le Christianisme occidental a continué le nihilisme, le matérialisme, le déisme, l'athéisme. Cela vient de leur théologie même et de plus, toute la civilisation occidentale est fondée sur cette théologie occidentale avec tous les résultats que nous constatons." Professeur Alexis Osipov, conférence en 1999.

"Ce qui distingue l'Orthodoxie du Christianisme occidental"


Le professeur Alexis Osipov (né en 1938), célèbre théologien orthodoxe russe, professeur à l'Académie théologique de Moscou, est connu pour ses positions traditionnelles et slavophiles Apologiste de l'Orthodoxie basée sur l'enseignement des Pères et pourfendeur des doctrines catholique romaine et protestante, le professeur Osipov a fait en 1999 conférence à Dmitrov (Russie) intitulée "Ce qui distingue l'Orthodoxie du Christianisme occidental".

Il n'y aborde pas les thèmes connus de la primauté, du "filioque" ou de l'Immaculée Conception mais développe la différence d'approche du thème central de la Rédemption.

Professeur Alexis Osipov: la Rédemption dans l'Orthodoxie
Comme trop souvent dans ce type d'articles, plus polémique que scientifique, il force le trait en prenant pour base d'attaque non la doctrine centrale des confessions occidentales mais des cas extrêmes spécifiquement sélectionnés (il reconnait d'ailleurs qu'il ne s'agit là que d'un "résumé" des doctrines occidentales); il ne donne pas non plus les références de ses citations pour permettre de les replacer dans leur contexte.

Ainsi pour le Catholicisme il insiste sur le fait que "Rédemption" provient étymologiquement du latin "redimere", qui signifie "racheter", "comme on rachète un esclave" écrit le professeur et il joue du fait que le verbe russe "оправдать" signifie aussi bien "justifier" que "relaxer" pour ne voir qu'un sens juridique dans la "justification" et le "rachat" des pêchés devant Dieu par le Christ. il fait un grand exposé sur une doctrine des "mérites superfétatoires", dont je n'ai jamais entendu parler et que je n'ai pas trouvé dans la lexicologie catholique (peut-être ai-je mal interprété "сверхдолжные заслуги"? Je suis preneur de toute contribution sur ce sujet!)

Cette doctrine justifierait orgueil et autosatisfaction des mystiques catholiques comme saint François d'Assise et les saintes Thérèse de l’Enfant Jésus et Catherine de Sienne … qu'il qualifie de "déments" à la suite de saint Ignace Briantchaninov (1807-1867). La doctrine protestante est pour sa part caricaturée en un court paragraphe: "pour eux la solution du problème est encore plus simple.

En fait le Christ a racheté tous les péchés passés et à venir et nous sommes tous saints de Sa Sainteté. Les croyants ne sont pas incriminés pour leurs fautes. C'est comme cela qu'ils interprètent la glorieuse parole de l'apôtre Paul "Il n'y a que la foi qui sauve"," dit le professeur.

Par contre sa présentation de la doctrine orthodoxe de la Rédemption reste intéressante et je vous en propose ci-dessous de larges extraits.

Professeur Alexis Osipov: la Rédemption dans l'Orthodoxie
1. Le cadre général

Toutes les confessions chrétiennes proclament que l'objet, le sens et le but final du Christianisme est le Christ. Il est notre sauveur, notre idéal, Celui par Qui, selon 'apôtre Paul, nous nous unissons à Dieu. Les représentants de toutes les confessions chrétiennes reconnaissent que là nous sommes effectivement unis.

Mais dès que nous entrons dans le vif du sujet: qu'est-ce que cela veut dire croire en Christ comme Sauveur? Comment comprenez-vous ce qu'Il a fait pour nous? Aussitôt apparaissent les différences qui ont conduit jusqu'aux guerres…

Et de fait, les trois principales confessions répondent différemment à l'interrogation comment comprendre ce que le Christ a fait pour nous.

Pour les Catholiques et les Protestants: le cœur de la doctrine c'est que les premiers humains ont infiniment offensé Dieu par leur crime, leur désobéissance, et nous continuons après eux. Cela signifie ou sous-entend donc que Dieu, être immuable et impassible, se trouve dans la situation de celui qui souffre des péchés ou crimes de sa créature. L'Immuable devient changeant, l'Impassible – profondément passionné. Dans les textes symboliques les plus importants des Protestants il est dit que Dieu a changé: avant le Christ il était en colère contre les humains, maintenant il ne l'est plus… Dieu a changé et non les humains! Et le dogme catholique central sur la "Salvation" ("spacénié") du genre humain s'appelle le dogme de la Rédemption – ce qui signifie "le rachat", le rachat d'un esclave. Les Protestants parlent du dogme de la Justification/acquittement; comme lors d'un procès, on a accusé et maintenant on est acquitté (justifié) pour tel et tel motif.

Mais les Orthodoxes le récusent: pour nous c'est nous même que nous blessons par nos péchés. Chaque péché est une blessure sur le corps de notre âme car nous transgressons les lois de notre existence que Dieu a établies. Nous ne sommes pas des amibes, mais des êtres crées à l'image de Dieu et ce n'est pas à Dieu que nous faisons tort mais à nous-mêmes. Je ne ferai rien à la loi de la gravité si je me jette du 11e étage, mais moi je vais en subir les conséquences. Celui qui pèche devient l'esclave du péché En pêchant nous n'insultons pas Dieu - nous nous tuons nous-mêmes. Alors ce qu'a fait le Christ pour l'humanité prend un tout autre sens: pour les Occidentaux, il nous a rachetés de la juste colère de Dieu. C'est pour nous, nos péchés, qu'il a supporté toutes les souffrances pour clamer la juste colère de Dieu. Voilà l'idée.

Ainsi l'Orthodoxie parle du Christ – Sauveur. Nous ne récusons pas les qualifications de justification, rédemption – il y a beaucoup de termes dans les écritures, mais là ces mots expriment COMMENT nous comprenons l'œuvre du Christ et, si les Occidentaux considèrent la rédemption/acquittement (de l'humanité) comme une action de type juridique, pour nous c'est un acte d'amour.

2. La doctrine Orthodoxe

Que signifie "Il n'y a que la foi qui sauve" pour l'Orthodoxie? Comment comprenons-nous le Sacrifice du Christ? Ce qu'Il a fait pour nous? La théologie patristique nous apprend qu'il n'est pas question de "rachat". Grégoire le Théologien écrit: à qui est apporté le sacrifice du Christ? Je suis très préoccupé de cette question: à qui? Au Diable? – Demande Grégoire le Théologien. Ce serait insensé que Dieu apporte un sacrifice à Sa créature. Et quelle créature – une créature déchue! Et il continue: l'apporte-t-il au père? Et de répondre immédiatement: mais est-ce que le Père aime moins que le Fils? Même Abraham n'a pas pu apporter son fils en sacrifice: Dieu l'a remplacé par un bélier, une brebis et Il refuse donc cela; Grégoire le Théologien termine en déclarant qu'il fallait en fait que l'humanité soit sanctifiée par Dieu.

Il est donc clair qu'il n'est pas question de rachat. Aucune relation de type juridique ou légal n'est applicable entre l'homme et Dieu tout comme elles ne sont pas applicables entre un enfant et ses parents car ce sont des principes totalement différents qui fonctionnent. L'Orthodoxie porte toute son attention à ce qui est oublié, pratiquement rejeté, en Occident et qui est le cœur même du Christianisme: Dieu est Amour. L'Amour est Dieu.

C'est par amour que Dieu s'abaisse jusqu'à la nature humaine, s'unit à l'humanité, prend sur Lui sa nature, s'unit à la nature humaine déchue et la guérit par les souffrances, l'abaissement, la Croix, la mort et Il la ressuscite. Regardez comme le Christ change dans ses apparitions aux apôtres: avant la Résurrection Il est tout le temps avec eux, Il a faim et soif, sur la croix Il dit même "mon Dieu, mon Dieu pourquoi m'as-Tu abandonné?" Après la Résurrection: Il marche avec les pèlerins, commence à rompre le pain et disparait, rejoint les apôtres "toutes portes closes." D'un côté Il semble boire et manger avec eux, mais d'un autre côté Il montre des facultés qu'on ne Lui connaissait pas auparavant. Voilà cette nature transfigurée, originelle, glorifiée, indépendante des éléments de ce monde, dans laquelle l'homme a été créé et à laquelle il est destiné dans la vie éternelle.

Que disent les Pères sur ce sujet?

Ils expliquent clairement que l'être humain a été divisé en trois éléments: l'intelligence, le cœur et le corps qui se sont en quelque sorte individualisés; chacun a acquis sa propre volonté et ils ont commencé à s'opposer. "Hélas, deux âmes habitent dans ma poitrine, et elles s'opposent et cherchent à se séparer". Et chacun s'en rend compte – il n'y a aucune unité en nous. L'intelligence nous dit où est la vérité, comment il faut agir, et la conscience nous parle, mais le cœur, mais le corps nous tirent à l'opposé.

Et bien le Christ à reconstitué, il a guéri cette nature humaine et il l'a fait par l'amour de toute la Sainte Trinité. Il n'est pas question d'un quelconque rachat. C'est grâce à cette nature restituée que nous pouvons maintenant naitre de Lui en esprit; oui, en esprit nous pouvons naitre de Lui, recevoir cette nature renouvelé dans le sacrement du Baptême.

Dans le baptême nous recevons le germe de cet homme nouveau; comme l'écrit Siméon le Nouveau Théologien (949-1022) de façon extraordinaire: "alors Dieu le Verbe pénètre dans le baptisé comme dans le sein de la Très Sainte Vierge et y demeure comme un germe". Donc voilà comment nous recevons en nous-même les fruits du sacrifice christique! Il semble que rien ne soit modifié extérieurement. Quand le Christ a ressuscité, les gens sont restés tels qu'ils étaient, les guerres continuent, les maladies, les péchés, les crimes continuent… Pourtant il s'est produit quelque chose de grandiose: chaque personne qui a vu que le Christ est en réalité la Vérité, qu'Il est ce sacré dont mon âme est assoiffée perçoit que c'est en Lui que je vois le sens et la justification de la vision du monde qui me conduit au bien dans mon existence. Quand je me persuade de cela - je peux m'unir à Lui!

Dans ce sacrement de naissance dans l'Église, ce mystère du Baptême, je peux recevoir ce germe de grâce et ce germe pourra grandir en moi si je mène une véritable vie chrétienne. Que signifie grandir en moi? Je peux recevoir le baptême et rester celui que j'étais avant – un païen. Je peux vivre en païen mais je peux aussi vivre d'une façon totalement différente.

Et l'Église nous donne une liste infinie de ces personnes qui ont montré l'action que produit sur l'homme ce germe d'une vie nouvelle, que nous recevons au baptême. Ce n'est pas un hasard si saint Séraphin de Sarov disait «Recherche l'esprit de paix et des milliers seront sauvés autour de toi!» C'est exact! Celui qui fait croitre en lui ce germe de la juste vie chrétienne, qui se repend de ses péchés, qui comprend parfaitement non seulement qu'il n'a aucun mérite, mais qu'il NE PEUT en avoir aucun. Qui se repend même de ses bonnes actions, en comprenant que même cette bonne action je ne l'ai pas accomplie comme il faut, de la bonne façon… Cet homme se sanctifie petit à petit, son germe se transforme en un arbre qui apporte de grands fruits sanctifiant le monde autour de lui. Pas question de rachat, pas de justifications, une toute autre approche de la vie chrétienne, une autre vision du Christ et de la vie spirituelle que dans la conception occidentale du Christianisme.

Fin de citation. Traduction, sous-titres et liens de VG.

Professeur Alexis Osipov: la Rédemption dans l'Orthodoxie

Rédigé par V.G. le 18 Juin 2015 à 14:40 | 11 commentaires | Permalien



Recherche



Derniers commentaires


RSS ATOM RSS comment PODCAST Mobile