La décision du réalisateur roumain Sergiu Nicolaescu, décédé jeudi, de se faire incinérer a provoqué un tollé en Roumanie: l'Eglise orthodoxe a refusé de célébrer des obsèques religieuses tandis que des télévisions diffusent en boucle des débats à ce sujet. L’épouse du réalisateur a également été prise à partie

Mort à l'âge de 82 ans après une carrière de 50 ans, auteur de plus de 60 films, le cinéaste, scénariste et acteur a été incinéré samedi à Bucarest avec des honneurs militaires. Des dizaines d'admirateurs se sont présentés devant le crématoire bucarestois, huant et criant "Honte" après l'incinération, au moment de la sortie de la femme du réalisateur.

Il fait partie du "patrimoine national"

"Pourquoi on ne l'a pas enterré? Le Premier ministre aurait dû intervenir", a lancé une femme présente devant le crématoire, alors que d'autres, pour qui M. Nicolaescu fait partie du "patrimoine national ", critiquaient vertement la famille du cinéaste. L'Église orthodoxe roumaine a refusé pour sa part d'organiser une cérémonie religieuse, en estimant que "l'incinération est une pratique non-chrétienne".

"Afin de garder le renom de Sergiu Nicolaescu intact dans la conscience du peuple roumain, majoritairement orthodoxe, l'Archidiocèse de Bucarest a demandé à la famille du grand réalisateur de l'enterrer de manière chrétienne", a indiqué un porte-parole de l'Eglise.

Les débats ont même porté samedi sur la couleur blanche du manteau de la femme du réalisateur lors de la cérémonie de crémation. Les admirateurs se sont plaints également de n'avoir pas pu voir le corps du cinéaste, le cercueil étant fermé, contrairement à la coutume en Roumanie. Vendredi, des centaines de personnes ont déposé des fleurs et ont allumé des bougies devant le cercueil de M. Nicolaescu à Bucarest.... Suite RTBF

Rédigé par Parlons d'orthodoxie le 5 Janvier 2013 à 19:55 | 4 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Vladimir le 06/01/2013 16:03
Dans un article sur "La-position-orthodoxe-face-à-la-crémation-des-corps" publié en 2009 (1) j'expliquais qu'il n'y a pas, à ma connaissance, de véritable doctrine sur ce grave sujet, de position unanime qui aurait une force canonique au sein de l'Orthodoxie. Le débat existe depuis les débuts du christianisme (je citais "L'Octavius", Apologie chrétienne par Marcus Minucius Félix, début du IIIe siècle) et a resurgi au XIXe siècle: à partir des années 1870 des médecins positivistes avancent la proposition de la crémation des cadavres par hygiène (les cimetières pollueraient les eaux potables et produiraient des exhalations méphitiques nuisibles à la santé publique); l’incinération du cadavre à travers le four crématoire – avancent-ils – répand l’image d’une science qui fournit à la société les instruments mêmes de son progrès... Le débat prend une dimension publique en Occident: en 1869, par exemple l'ordre du jour du Congrès Médical International de Florence dit textuellement: «Le Congrès émet le vœu que par tous les moyens possibles on tâche d’obtenir légalement, dans l’intérêt de la loi d’hygiène, que l’incinération des cadavres soit substituée au système actuel de l’inhumation» (2): les premiers fours crématoires sont érigés aux USA (1876), en Angleterre et en Allemagne (1878).

L’Église catholique réagit et excommunie les crématistes en assimilant les sociétés de crémation aux loges maçonniques par décret du 19 mai 1886 du saint Office. Mais elle change de position en 1963 avec Vatican II: «L’incinération ne touche pas l’âme et ne s’oppose pas à la Toute-puissance divine de reconstituer les corps (…). La crémation est favorisée, non par haine de l’Église… mais seulement pour des raisons d’hygiène, d’économie ou autres d’ordre public ou privé. Par conséquent les sacrements et les prières publiques ne doivent pas être refusés à ceux qui ont choisi l’incinération» déclare l’instruction "Piam et constantem" dictée par Paul VI (ibid 2).

Il s'avère qu'en Russie, contrairement aux informations habituelles, le premier crématorium a été construit à Vladivostok avant la révolution pour les obsèques des japonais qui y résidaient mais, comme je l'écris dans l'article cité, la crémation s'est surtout largement répandue sous le régime bolchévique dans le cadre de la politique antireligieuse (construction du premier crématorium à Moscou, dans le monastère Donskoï, en 1927). Au départ il s'agissait surtout de militants bolcheviks: dans le columbarium installé dans l'église du monastère on peut lire "Un vrai Bolchevik", "Membre du PC", "L'un des plus anciens activistes du parti communiste"… Aujourd'hui la crémation représente plus de 60% des obsèques à Moscou mais beaucoup moins ailleurs car il n'y a de crématoriums que dans 10 grandes villes (3),

La position de l'Eglise russe n'est pas clarifiée officiellement: le Saint Synode aurait accepté la crémation en 1994 et le patriarche Alexis II aurait déclaré "que la crémation N'EST PAS en contradiction avec les canons orthodoxes" mais le métropolite Cyrille disait le contraire avant d'être élu... Le résultat c'est que tout semble dépendre de l'opinion personnelle du prêtre et ils sont nombreux à venir célébrer des obsèques dans l'enceinte même du crématorium…

Comme on le voit, la position de l'Eglise orthodoxe reste en fait très floue.

2.Posté par Nikolas le 07/01/2013 13:41
Concernant l'argument que l'on entend souvent comme quoi cela serait plus "propre" d’incinérer, il y a eu un reportage sur Arte il y a de cela quelques mois qui justement montrait que l'incinération n'était pas si écolo que ça.
Rejet de gaz, de particule, et énorme besoin énergétique pour incinérer un cadavre. Et plus on veut que l'incinération soit propre plus il y a de besoin énergique important pour bruler le cadavre rapidement.
En ces temps d'économie d'énergie, et que qualité de l'air dans les grandes villes, ce n'est pas peut être pas une solution si nécessaire ...

Je pense que le développement de l’incinération va aussi de pair avec la déchristianisation de la socièté. L'inhumation étant souvent assimiler au christianisme.

3.Posté par Vladimir le 11/01/2013 19:24
« L’Église roumaine respecte la liberté individuelle, mais reste fidèle à ses propres usages »
janvier 08, 2013

Sous le titre « L’Église roumaine respecte la liberté individuelle, mais reste fidèle à ses propres usages », le bureau de presse de l’Église orthodoxe roumaine a communiqué ce qui suit, au sujet du réalisateur roumain Serge Nicolaescu, dont elle a refusé de célébrer les funérailles, celui-ci ayant disposé dans son testament qu’il voulait être incinéré :

« Afin de garder intacte la renommée du regretté réalisateur roumain Nicolaescu dans la mémoire du peuple roumain, qui est majoritairement orthodoxe, l’Archevêché de Bucarest a lancé un appel à la famille du célèbre artiste, dans la journée du 3 janvier 2013, afin que celui-ci fût enterré chrétiennement. Pour ce faire, l’Église a offert de prendre en charge les frais d’obsèques du régisseur Serge Nicolaescu, afin que sa tombe devienne un lieu d’hommage pour ses nombreux admirateurs qui ont apprécié ses films exceptionnels, réalisés durant une carrière prodigieuse. Néanmoins, la famille de M. Nicolaescu a choisi de respecter la volonté du défunt d’être incinéré au crematorium.

L’Église orthodoxe roumaine rejette la pratique non chrétienne de l’incinération, celle-ci étant contraire à la foi orthodoxe bimillénaire, au sujet de laquelle ont été prises les décisions en 1928, 1933 et 5 juillet 2012. Étant donné que l’Église orthodoxe ne dispose d’offices religieux que pour les enterrements (c’est-à-dire l’inhumation), elle ne peut assurer des funérailles religieuses pour ceux qui se sont fait incinérer ».

Dans un autre communiqué, le bureau de presse de l’Église orthodoxe roumaine dément l’information des médias selon laquelle un prêtre orthodoxe aurait assisté à ladite crémation. Ces informations cherchent « à déformer et à manipuler l’opinion publique » est-il mentionné dans le démenti.

Sources: Basilica, 2, traduit du roumain pour Orthodoxie.com

4.Posté par Vladimir le 28/01/2013 13:29
l’Archevêché catholique de Bucarest a organisé un service religieux à la cathédrale Saint-Joseph pour la commémoration du réalisateur Serge Nicolaescu auquel l’Église orthodoxe avait refusé les funérailles en raison de son incinération. Après un premier communiqué cinglant ("Eglises différentes - pratiques différentes" cf. http://www.orthodoxie.com/actualites/glises-differentes-pratiques-differentes-au-sujet-du-service-religieux-de-leglise-catholique-romaine-pour-serge-nicolaesc/) le patriarcat calme le jeu:

«Le patriarcat roumain ne veut pas s'engager dans une polémique inutile avec l'Église catholique sur cette question", dit un communiqué du patriarcat (lien) qui rappelle que " l’incinération a été interdite et sanctionnée par l’excommunication durant des siècles dans la tradition catholique-romaine jusqu’en 1963, quand le pape Paul VI, cédant à la pression de la laïcité contemporaine, a levé l'interdiction et autorisé les obsèques religieuse pour les catholiques qui voulaient être incinéré.

«Il est donc compréhensible que certains catholiques aient demandé à l'archidiocèse catholique romain de Bucarest de faire un service commémoratif pour l'âme de Nicoalescu alors que l'Eglise orthodoxe roumaine reste fidèle à sa tradition bimillénaire de ne pas accepter la pratique non-chrétiennne de l'incinération », déclare le Patriarcat.

Toutefois le communiqué précise que «la décision du Saint-Synode sur l'incinération distingue le service des obsèques, qui ne doit pas être célébré pour ceux qui ont opté pour la crémation, et le service de commémoration qui peut l'être sous certaines conditions, en particulier si le défunt a été incinéré pour des raisons indépendantes de sa volonté, une distinction qui n'est pas faite dans l'Eglise catholique romaine."
(traduction VG)

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