VLADIMIR.G

Un débat sur les langues liturgiques a mis en évidence trois approches différentes de l'Orthodoxie défendues par trois Français: une approche rationaliste (Daniel), une approche spiritualise (Clovis) et une approche culturelle et familiale (Vladimir, le signataire de ce post). Je trouve intéressent de confronter ces points de vues et de voir comment nous pouvons relever le défi de leur cohabitation dans la même foi et la communion au même calice de l'Orthodoxie.

La sensibilité orientale
"On observe entre I'Orient, et I'Occident des différences de mentalité."Père Michel EVDOKIMOV (1)

Quoi qu'en pense Daniel, l'Orthodoxie participe spécifiquement à la différenciation culturelle entre l'Orient et l'Occident européens crée par un millénaire de séparation politique depuis l'empire d'Orient: " Reconnaissons que des siècles d'occupation ont figé l'Église orthodoxe dans un certain immobilisme: il s'agit des invasions mongoles dans la Russie kiévienne, de la chute de Constantinople en 1453, de la révolution bolchevique et de l'occupation du Moyen-Orient par les Arabes. L'évolution du monde oriental ne s'est pas réalisée par étapes comme en Occident avec le Moyen Age, la Renaissance humaniste, les mouvements de la Réforme, le siècle des Lumières.

Les pays d'Orient, où les Églises chrétiennes étaient majoritaires, ont dû affronter brusquement le monde moderne sans préparation. Je ne cherche pas à excuser un certain immobilisme orthodoxe mais tente seulement de l'expliquer" (Père Michel EVDOKIMOV, ibid. 1.) D'accord que cette séparation a eu un impact déterminant, je ne parlerais toutefois pas uniquement d'immobilisme mais j'insisterais, avec Olivier Clément, sur «L’essor du christianisme oriental», essentiellement axé sur la contemplation, le mysticisme et la spiritualité. "La tradition orthodoxe n'a jamais voulu établir une distinction nette entre la mystique et la théologie, entre l'expérience personnelle des mystères divins et le dogme de l'Église. La théologie n'a pas pour objet une connaissance abstraite sur Dieu, mais la préparation de l'homme à l'union avec Lui. Ainsi, plutôt que de tenter de percer le mystère au moyen de l'entendement, elle doit tout au contraire provoquer une transformation intérieure de notre esprit, afin de nous ouvrir à l'expérience mystique. Toute théologie tend alors à la vie mystique, celle-ci n'étant rien d'autre que la vie spirituelle chrétienne." (Résumé de "l'Essai sur la théologie mystique de l'Église d'Orient" de Vladimir Lossky) "Il a été dévolu à I'Eglise orthodoxe le don de la contemplation de la beauté du monde spirituel" disait le père Serge Boulgakov (cité par le père Père Michel EVDOKIMOV, ibid. 1).

C'est donc un véritable fossé qui s'est progressivement creusé entre le monde occidental et le monde oriental à partir de l’époque médiévale car "la voie occidentale" (ibidem) s'oriente tout à fait différemment: son côté rationaliste part de très loin (Saint Augustin cherche déjà à prouver l'existence de Dieu) et après par la scolastique la renaissance et les Lumières dont parle le père Michel, passe par Hegel et ses preuves de l'existence de Dieu et Vatican II pour atteindre un paroxysme. Chacun doit maintenant tout comprendre, participer à tout et l'Eglise occidentale doit s'adapter à cette exigence du savoir de l'homme contemporain alors que l'Orthodoxie s'en méfie. Cette différenciation a fait l'objet de nombreuses analyses, par exemple par le père Alexandre Schmemann dans son Journal, dans son livre sur l'Eucharistie, etc., et mon objectif dans ce poste sera de voir s'il est possible de réconcilier les deux approches pour qu'elles puissent coexister et s'enrichir mutuellement dans l'Orthodoxie. Je n'ai pas la prétention de lancer un débat théologique et je reste très pratique et concret en me limitant à l'exemple de la traduction des textes liturgiques.

Orthodoxie raisonnée:

L'Orthodoxie demande communion et adhésion et si les fidèles ont besoin de tout comprendre pour adhérer et prier, comme l'affirme la majorité des Occidentaux, "encore faut-il comprendre ce que le texte nous dit au moment précis où on le lit. Sinon, le cœur a aussi des problèmes à suivre, un peu comme si vous adressiez une déclaration d'amour à l'élu(e) de votre cœur... dans une langue qu'il ne connait pas..." écrit très justement Daniel (ibidem No 16) et il est donc indispensable de leur en donner la possibilité. Mais que veut dire "comprendre" quand on prie? La Liturgie n'est-elle pas avant tout une tentative de contact avec Dieu, de participations à son Règne, par nature ineffable et incompréhensible?

La traduction est à l'évidence un moyen, mais il reste limité: "nos offices, tels qu'ils se sont formés, représentent une grande richesse spirituelle et une grande école spirituelle. Mais c'est une école qu'on ne peut suivre sans préparation, sans efforts intérieurs" avait affirmé Mgr Hilarion de Volokolamsk dans une interview en 2009 en soulignant que "personne ne pourra comprendre comme il faut les célébrations, quelle que soit la langue, s'il ne lit pas les saintes écritures et s'il n'étudie pas les textes liturgiques, s'il ne se pénètre pas de l'esprit et de la forme de pensée qui ont donné naissance à ces textes." Et il continue en prenant l'exemple du Grand Canon d'André de Crète: "Si on le lit en russe /pour nous ce serait en français/, il deviendra un tout petit peu plus compréhensible qu'en slavon, mais c'est le style même de ce canon, ce commentaire allégorique des Saintes Ecritures, qui est complètement étranger à l'homme contemporain." Ce n'est donc pas la simple traduction qui peut se lire à l'office, mais une traduction raisonnée et commentée qui devient indispensable et je prends alors l'exemple de Clovis (ibidem No 18) : "je dispose de livres et de (presque) tout ce qu'il faut pour suivre la liturgie et approfondir mon petit bonhomme de chemin, mais je fais ce travail à la maison, personnellement; durant la liturgie je préfère ne pas m'encombrer de trop de livres d'autant plus que je sers à l'autel."

La primauté du cœur et la Tradition

Pour les Orthodoxes, c'est par les sentiments et le cœur qu'on adhère en premier. Cette approche est particulièrement bien décrite dans "Les récits d'un pèlerin russe"(1): comme les petits enfants et les humbles, les "Simples d'esprit" adhérent sans comprendre puis, petit à petit, comprennent de plus en plus. Et je citerai encore Clovis: "J'ai eu une approche de la liturgie par le cœur comme en parle Vladimir, cet amour m'a donné envie de comprendre et non pas que simplement saisir son contenu. Cela dit, même au commencement, je n'ai jamais été perdu dans la liturgie en slavon j'ai tout de suite identifié le credo, le Notre Père etc." (je rappelle que Clovis est Français!) Mais la majorité des adultes, en Russie comme en Grèce, ne comprennent pas la totalité des textes (le russe s'est éloigné du slavon comme le grec moderne du grec liturgique): ils adhérent néanmoins et communient avec l'Église visible et invisible par l'ensemble des rites, les icônes, la musique, les signes de croix, les métanies… Pour eux, évidemment, les "Nouki", "cyclamens" (2) et autres innovations sont totalement inacceptables… Mais je ne crois pas que les "intellectuels occidentaux" doivent ignorer, mépriser ou rejeter cette sensibilité-là: peut-être minoritaire en Occident, elle me semble majoritaire dans l'ensemble de l'Orthodoxie, et elle en constitue certainement une composante essentielle. Et c'est à cette vérité gardée par le Peuple de Dieu que fait référence Mgr Hilarion dans sa récente interview quand il dit "Il ne saurait être question d’une russification /francisation pour nous/ intégrale des offices, cela conduirait à la déperdition de la poésie ecclésiale et de la tradition multiséculaire qui constituent notre patrimoine inaliénable."

"Une fonction essentielle de la tradition liturgique est de garder en plénitude la vision et la doctrine chrétiennes du monde, de l'Eglise, de l'homme, une plénitude qu'aucun individu ni aucune époque ni aucune génération ne sont capables à eux seuls de comprendre et de conserver écrit le père Alexandre Schmemann. Tout de même que le fait chacun de nous, chaque culture ou société choisi, inévitablement dans le christianisme ce qui correspond à ses "besoins", ou à ses problèmes. Aussi est-il d'une importance majeure que la Tradition, I 'organisation, les définitions dogmatiques et la rège de prière de l'Église ne permettent d'identifier avec le plérome de la révélation chrétienne aucun de ces choix ni les jugements et adaptations qui les accompagnent immanquablement.

Or il se produit sous nos yeux, dans le christianisme occidental, un processus de réévaluation de la tradition en fonction de sa correspondance avec les "besoins du temps" et les "problèmes de l'homme d'aujourd'hui". Et ce sont justement cet "homme" et la culture "moderne" qui représentent les critères d'appréciation de ce qui serait permanent et de ce qui serait caduc dans le christianisme, à peu près sans discussion. Pour mieux servir cette ' modernité ', certains sont disposés à évacuer de l'Église tout ce qui leur paraît "non pertinent", "inactuel", (irrelevant). C'est la sempiternelle tentation du modernisme qui secoue périodiquement l'organisme ecclésial. Aussi, quand il est question de telle ou telle coutume ou tradition "désuètes'' est-il indispensable de faire preuve de la plus grande prudence et de se demandent non pas si elles correspondent à la " modernité", mais si elles expriment quelque chose de constant et de substantiel dans le christianisme, quand même elles sembleraient "dépassées"." (4)

Construire des ponts

Je pense que l'Orthodoxie constitue aussi un pont entre les sensibilités, les mentalités et les valeurs de l'est et de l'ouest de l'Europe. En effet, si nombre d'Occidentaux s'intéressent à l'Orthodoxie pour son côté oriental, mystique et spirituel, ils gardent néanmoins leur approche analytique et rationnelle, ils veulent comprendre, sans pour autant perdre les valeurs qui les attirent dans l'Orthodoxie, et ils en ont le droit. Et donc, sans rien abandonner des valeurs et de la Tradition orthodoxe, on peut à juste titre être amenés à s'interroger sur ce qui est valeur et Tradition et ce qui n'est qu'habitude et coutume. Et c'est bien là qu'intervient l'apport de ces théologiens qui scrutent l'Orthodoxie avec des outils occidentaux tout en respectant ses valeurs orientales.

Notes:
(1) In "Une voix chez les orthodoxes". Propos recueillis par ARLETTE DE MAREDSOUS. Paroles pour vivre. Les Editions du Cerf. PARIS.1998.
(2) "Les Récits d’un pèlerin russe", auteur anonyme. un des fleurons de la littérature russe orthodoxe populaire, paraissent pour la première fois à Kazan en Russie vers 1870. Traduit en français, Traducteur : Jean LALOY, Editeur : SEUIL. Extraits audio sur "Notre Dame de l'Accueil"

(3) "Nouki": début malheureux de "l'Hymne des Chérubins", "Nous qui…" chanté à la Sainte Liturgie pendant la "Grande entrée" qui ouvre la "Liturgie des fidèles;" "cyclamens": sonorité malheureuse de la proclamation finale "…siècles. Amen" qui ponctue les offices.
(4) In "L'EUCHARISTIE Sacrement du Royaume". Traduit par Constantin Andronikov. L'Échelle de Jacob. Editions ŒIL - YMCA.PRESS. P.87







Rédigé par Vladimir G le 7 Mai 2012 à 12:04 | 23 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Daniel le 07/05/2012 13:43
Je n'ai jamais défendu une approche rationaliste car je dis bien : "Participer au mystère n'est pas seulement une question de raison car comme vous le dites très bien, les textes nous parlent de mystères incompréhensibles et disent bien eux-mêmes que le mystère est incompréhensible. Cela est typique dans les théotokion qui traitent de l'enfantement de la Déipare où, si je paraphrase on répète : "Comment une vierge a-t-elle pu enfanter et allaiter". Mais encore faut-il comprendre ce que le texte nous dit au moment précis où on le lit. "

Le rationalisme consisterait à tout vouloir expliquer par des arguments quasi scientifiques ou des syllogismes abondants... Que sais-je... Or quasiment tout est mystère... Vous confondez comprendre ce qui se dit et rationalisme. Pour prendre un autre exemple purement mondain, on savoure mieux un opéra en langue étrangère si l'on connaît l'histoire ou avec la traduction que si l'on ne comprend rien à ce que chantent les personnages...

Mais ne vous en déplaise, la traduction intégrale des offices est une pratique de l'église :

- avec la conquête arabe, le grec est devenu très minoritaire et a été remplacé par l'arabe dans le Patriarcat d'Antioche. Est-ce du rationalisme?

- l'évangélisation de la Géorgie a supposé une traduction en langue géorgienne à partir du grec (c'était la langue parlée de l'époque, aujourd'hui langue ancienne). Il y a une anecdote d'un saint géorgien qui avait beaucoup vécu à Constantinople et qui parlait grec et priait en grec jusqu'à ce que la Vierge lui dise "prie moi dans ta langue". Est-ce du rationalisme?

- la Roumanie a abandonné le slavon pour le roumain. Pour la petite histoire, l'un des promoteurs des traductions fut Saint Anthime le Géorgien, métropolite de Valachie mais géorgien ethnique et polyglotte. Encore un rationaliste?

- Saint Nicolas du Japon a appris le japonais et traduit en japonais pour les besoins de sa mission. Rationalisme?

- Saint Etienne de Perm (2) a traduit en langue zyriane "le Chasoslov [le Livre d'Heures], le Psautier, les lectures choisies de l'Evangile et les Epîtres, le Paroemnik [les lectures liturgiques de l'Ancien Testament], le Stikhirar [les stichères des Offices], Oktoikhon [le traité des Huit Tons], plusieurs offices de fêtes et la Divine Liturgie.". Rationalisme?

- Saint Justin de Celije et Saint Nicolas de Jitcha ont aussi traduit en serbe dès les années 20. Aujourd'hui l'Eglise de Serbie utilise surtout le serbe... Rationalisme occidental?


Pourquoi ne vous adressez donc vous pas aux personnes concernées en Roumanie, Syrie, Géorgie, Serbie pour leur demander un retour au slavon ou au grec afin de ne pas sombrer dans le rationalisme? Car ces églises ont bien opéré une roumanisation, une arabisation, une géorgianisation, une serbisation intégrales.

Je ne comprends pas à quoi rime cette croisade contre le français... qui n'est pas justifiée par la pratique de l'Eglise. L'Eglise n'a jamais empêché quiconque de prier dans les langues de leur choix... Au contraire, autour de son histoire, elle a toujours traduit, y compris en Russie pour les populations non slaves, sachant que le Concile de 1917 avait posé la question de la russification également... Au vu de l'histoire de l'Eglise, comment pouvez-vous affirmer que traduire et utiliser la langue locale n'est pas traditionnela alors qu'elle n'a fait que cela pendant 2000 ans?

Vous vous trompez de combat. Le défi se situe dans la qualité et l'honnêteté des traductions mise à mal par les assauts du politiquement correct et de l'oecuméniquement correct...


(1) : Vie en anglais de Saint Anthime le Géorgien : http://georgianorthodoxchurch.wordpress.com/2011/09/28/saint-anthimos-the-hieromartyr-of-romania/

(2) : Vie de Saint Etienne de Perm
http://www.histoire-russie.fr/icone/saints_fetes/textes/etienne_perm.html

2.Posté par Fabre Daniel le 07/05/2012 16:30
je suis tout à fait d'accord avec Daniel et malheureusement, cela fait beaucoup de temps que j'essaie de me souvenir de quel conciles il s'agissait............ il en est un qui disait, hormis bien sur, les dogmes, le Credo, pour la liturgie en respectant l'anamnèse, l'invocation,l'effusion du Trés Saint Esprit, la consécration des Saints Dons, chaque église du lieu (par son Évêque) fasse comme il lui semble bon, en fonction de sa propre culture !

3.Posté par Irénée le 07/05/2012 22:06
Je soutiens sans réserve la position de Daniel...et j'y ajouterais quelques exemples récents :
Plusieurs communautés se sont constituées ces dernières années en Israël, elles sont composées de personnes dont les parents ou grands parents sont venus de l'est de l'europe et de russie. Mais leur langue de communication est l'hébreux. Ils ont été autorisés à utiliser cette langue, car ils ne comprennent ni le grec, ni l'arabe, ni le slavon. Cette décision me semble pleine de bon sens et de sagesse.
On pourrait aussi dire un mot de l'usage du chinois. Bien qu'évangélisés par des russes, la plupart des paroisses utilisent le chinois comme langue liturgique.
Les orthodoxes d'Albanie, après leur histoire tragique de ces dernières décennies, célèbrent maintenant majoritairement en albanais, même si leur archevêque est d'origine grecque...
Les exemples ne manquent pas, et ils vont tous dans le même sens...

4.Posté par Irénée le 07/05/2012 22:10
Je voulais ajouter à mon message que je ne suis pas personnellement très à l'aise avec ce concept "oriental"...un roumain ou un serbe sont-ils des orientaux ? ou est la frontière ? Il s'agit là à mon avis d'une vision très catholique romaine qui a inventé le concept de chrétiens orientaux. C'est à mon avis tout à fait contraire à la vision et à l'écclésiologie orthodoxe...

5.Posté par Justine le 08/05/2012 18:26
Ajoutons a la liste les paroisses orthodoxes du Patriarcat d'Alexandrie dans les pays d'Afrique - partout on traduit les textes liturgiques dans les langues locales.

6.Posté par vladimir le 08/05/2012 19:12
Je remercie Irénée pour son dernier commentaire qui ramène le débat sur ce qui en est l'essentiel: la profonde différence des approches entre Chrétiens de l'est et de l'ouest de l'Europe. La question de la traduction me semble en effet épuisée: les mêmes arguments reviennent tout le temps et Mgr Hilarion me semble avoir conclu de façon lapidaire: "cela détruirait notre culture liturgique, il faudra inventer de nouvelles musiques (…). Il faudra complètement réformer la structure liturgique et, en résultat, on pourra arriver à rendre les célébrations plus compréhensible mais nous y perdrons quelque chose de beaucoup plus important." Et il compare avec les tentatives faites il y a cent ans de traduire le langage de l'icône en langage de la peinture ordinaire… (ibidem).

Mais surtout ce débat ne me semble être que la partie émergée de l'iceberg que constituent les différences de mentalités soulignées par le père Michel en exergue de mon post (j'avais d'ailleurs prévu comme titre "Les orientaux de l'Europe", qui illustrait bien ma pensée. La mention des langues y a été ajoutée par les modérateurs et a obscurci le message). Il me semble en effet que ne pas voir cette différence, pourtant soulignée par les textes d'auteurs peu contestables que je cite (père Michel Evdokimov à Vladimir Lossky, Olivier Clément…(1)), conduit à passer à côté de la cause même d'un certain nombre d'incompréhensions qui conduisent à des débats sans fin comme celui de la traduction. Contrairement à ce qu'écrit Daniel, la question n'est pas "COMMENT TRADUIRE?", mais bien "TRADUIRE - POURQUOI FAIRE?" et si je le classe "rationaliste", c'est que sa réponse est "POUR COMPRENDRE", typique comme je l'ai montré de cet esprit occidental, successeur de Descartes, alors que pour Clovis et moi l'essentiel n'est justement pas de comprendre mais D'ABORD D'ADHERER, et la compréhension vient ensuite, si Dieu le veut, par surcroit… Cette adhésion ne se fait pas essentiellement par la compréhension des textes, comme l'explique si bien Mgr Hialrion en parlant du Grand canon d'André de Crète, mais par le langage des signes des croix, des métanies, des chants, des icônes, de l'encens… de tout ce qui fait la beauté de nos Liturgies dont tellement de témoins disent que c'est par là qu'ils ont approché l'Orthodoxie, sans rien comprendre au départ! Et c'est ce côté "oriental", opposé au raisonnable occidental, qu'exprime le père Alexandre Schmemann en écrivant "qu'une fonction essentielle de la tradition liturgique est de garder en plénitude la vision et la doctrine chrétiennes du monde, de l'Eglise, de l'homme, une plénitude qu'aucun individu ni aucune époque ni aucune génération ne sont capables à eux seuls de comprendre et de conserver écrit". Folie pour le rationalisme occidental!

Je pense que, si nous arrivons à nous accorder sur ce constat de différence au départ, nous pourrions voir comment œuvrer à rapprocher ces deux points de vue en une seule et même vision orthodoxe et, partant de là, résoudre les petits débats concrets comme celui des langues, des images, de habits sacerdotaux… voire aborder des questions plus profondes de théologie. Il me semble d'ailleurs que c'est ce point de vue là que suivent tous ceux qui cherchent à établir des ponts entre l'Orthodoxie et le rationalisme occidental qui lui est, à priori, assez radicalement opposé.

Et pour la question géographique posée par Irénée la réponse est dans mon résumé historique: Orient de l'Europe = Byzance + Empire Turque. Oui, Serbie et Roumanie en font incontestablement partie et sont bien entendu des pays de tradition orthodoxe.

(1) et on pourrait ajouter Carol Saba, Jean-François Colosimo, père Placide Deseil.

7.Posté par vladimir le 08/05/2012 22:27
Et Justine a bien raison: on traduit partout, sauf en Grèce et en Russie... qui représentent à peine 70-80% des Orthodoxes :)

8.Posté par vladimir le 09/05/2012 10:01
J'avais oublié Bulgarie, Serbie, Chypre, Monténégro, Macédoine... pour faire bonne mesure. On doit en fait dépasser les 80% des Orthodoxes qui ne veulent pas entendre parler de traduction et gardent les langues traditionnelles: grec ancien et slavon.

9.Posté par Daniel le 09/05/2012 10:41
Êtes-vous un démocrate Vladimir pour brandir l'argument de la majorité démographique?

10.Posté par justine le 09/05/2012 10:52
A Vladimir. Il semble que vous confondez deux situations tout à fait différentes –

1. celle dans les pays orthodoxes de souche comme la Grèce et la Russie où s'est développé depuis des siècles une tradition liturgique du plus haut niveau dans la langue locale, et
2. celle des pays où l'implantation orthodoxe est récente et où par la force des choses il faut créer, sur la base des saints textes de la Tradition, des textes liturgiques dans la langue locale.

En ce qui concerne les premiers, le métropolite Hilarion a évidemment raison. Ce qui vaut pour la Russie vaut plus encore pour la Grèce, car c'est dans la langue grecque que les textes liturgiques orthodoxes ont vu le jour, et leurs auteurs sont les Saints Pères. Ce serait un véritable crime - spirituel, théologique et culturel - de traduire ces textes, créations poétiques et théologiques incomparables, dans la langue quotidienne, et comme dit le Métropolite Hilarion, il faudrait alors recréer les musiques etc.

Mais dans les seconds pays, la traduction est bien sûr inévitable. On ne peut donc discuter de ces deux situations comme s'il s'agissait de la même problématique. En ce qui concerne la difficulté des fidèles grecs et russes de comprendre leurs textes liturgiques anciens, il a été démontré à satiété - en Grèce en tout cas où cette discussion n'est pas nouvelle -, que les promoteurs de la traduction utilisent cet argument comme prétexte (car en réalité, leur objectif est de trouver l'occasion de c h a n g e r les textes liturgiques afin de les conformer à leurs théologies modernes œcuménistes et anti-patristiques!), car il n'y a pas le moindre problème de publier des éditions populaires des textes liturgiques avec une traduction que le fidele peut étudier chez lui ou emporter à l'église pour suivre les offices ou d'organiser des cours catechetiques ou ils sont inities a la langue liturgique etc. Point n'est besoin donc de changer les livres liturgiques et de célébrer en langue quotidienne. Ensuite, c'est un fait historique depuis toujours, beaucoup fideles ne comprennent pas les textes liturgiques - il y a même des personnes très cultivées qui ne les comprennent pas, manquant de maturité spirituelle - et cela ne les a pas empêchés de se sanctifier. Quand une personne est humble, même quand elle manque de connaissances linguistiques, le Saint Esprit l'illumine et elle comprend ce qui lui est nécessaire de comprendre pour son salut. Penser autrement, voila le rationalisme.

11.Posté par justine le 09/05/2012 11:54
Quant à l'article "Un débat sur..." en soi, on peut ne pas partager certaines thèses qui y sont exposées, notamment que l'Eglise orthodoxe se serait "figée dans un certain immobilisme"; ou l'optique spécifique dans laquelle on compare les "évolutions" de l'Orient et de l'Occident. Car dans le cas de l'Occident, cette "évolution" est en réalité une décadence progressive qui a produit la modernité. Il est donc tout a fait artificiel et irraisonnable de s'étonner d'un "manque de préparation" du monde orthodoxe à affronter cette modernité, ou de lui en faire reproche. Il serait plus juste de parler du refus du monde orthodoxe de se laisser infecter par les maladies occidentales. Malheureusement, ce refus, cette résistance, ces anticorps tendent aujourd'hui à s'affaiblir, raison pour laquelle le renforcement de la conscience orthodoxe est d'une urgente nécessite.
Entre Occident et Orient, il n'y a pas simplement une "différence de points de vue" ou une "différence de sensibilité" ou de "mentalité" qu'il s'agirait de réconcilier en "jetant des ponts" etc. Ce genre de langage camoufle la réalité et empêche la vraie solution. Le fait est que l'Occident est malade. Et il a besoin d'être guéri. Et son seul espoir de guérison, c'est de retourner au sein de l'Eglise Orthodoxe, le Corps du Christ, qu' il a abandonné il y a plus de mille ans, cause de sa maladie.

12.Posté par Daniel le 09/05/2012 14:49
@ Justine

Certes, mais vous noterez que même dans de vieux pays orthodoxes, monde arabe, Serbie, Roumanie, Ukraine, chez ces églises qui revendiquent l'autocéphalie, la langue commune a pris le pas sur le grec et le slavon. Ces pays sont dans une situation de type 1 (vieux pays orthodoxes) mais ont opté pour la traduction... Les choses ne sont donc pas si simples...

Il y a aussi des facteurs historiques à prendre en compte. Qu'aurait décidé l'Eglise de Russie sans la révolution? Je l'ignore mais la question a été abordée en 1917... puis gelée par la force des choses. Aujourd'hui, le dégel date de 20 ans à peine avec la nécessité de procéder par petites touches pour ne choquer personne, et ne pas créer de schisme. Qu'en sera-t-il dans 20 ans, dans 40 ans? Je l'ignore...

13.Posté par vladimir le 09/05/2012 14:53
Comme je l'avais écrit précédemment, je ne voudrais pas mal orienter cette discussion en la focalisant sur le détail de la langue au détriment de l'essentiel - la spécificité de la pensée orthodoxe orientale comparée au rationalisme occidental.

Je vais donc répondre sur les langues sur un autre fil, où le débat leur est spécifiquement dédié: http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Comprendre-reellement-les-offices-n-est-pas-une-question-de-langue_a467.html

14.Posté par Daniel le 10/05/2012 22:05
Je rebondis sur ce que Vladimir déclare : "La musique et le rythme (approche orientale: le ressenti et la prière du corps): indiscutablement seuls les originaux le permettent."

Dans ce cas-là, vous devriez chanter en grec car la musique originale est sans doute grecque et elle ne ressemblait en rien aux célèbres polyphonies russes à 4 voix importées de Pologne, d'Italie avec Pierre le Grand qui créent un ressenti absolument différent des mélodies grecs en byzantin, polyphonies qui dominent dans le monde russe. Etrange, d'ailleurs de défendre l'approche orientale alors que vous chantez sans doute dans une musique typiquement occidentale... Vous noterez au passage que la version occidentale du byzantin est le chant grégorien qui conserve le même esprit emprunt de sobriété. Prônez-vous donc le retour au znamenie comme à Valaam pour conserver le ressenti du byzantin qui est à l'opposé de l'exaltation de la polyphonie? Si oui, le rythme en slavon sera néanmoins différent du rythme grec pour une simple question de nombre de syllabes différent et d'accents toniques... Les formes de byzantins diffèrent donc selon les pays, c'est le cas des rythmes et des musiques qui sont de la même famille sans être identiques. Cela n'a pas été un frein au processus de traduction.

En terme de ressenti, un chant byzantin en français est plus proche d'un chant byzantin grec que le chant russe pétrinien à 4 voix,. En écoutant un chant byzantin ou dans des styles proches, znamenié, byzantin serbe, roumain, français, arabe, on a un ressenti infiniment plus proche de l'original grec qu'une polyphonie russe à 4 voix qui semble sortir tout droit d'un conservatoire ou d'un opéra. La question n'est donc pas la langue pas la musique utilisée.

Voici quelques exemples avec "Dieu est avec nous" chanté aux grandes complies :

Version byzantine : http://www.youtube.com/watch?v=6VfLR_Wi6i4

Version znamenié en slavon : http://www.youtube.com/watch?v=zTRe7q8108I

Version znamenié en anglais : http://www.youtube.com/watch?v=0VaHCYqgQ3E

Version en byzantin serbe : http://www.youtube.com/watch?v=kI9Y9VQ_Cwc&

Version russe façon conservatoire : http://www.youtube.com/watch?v=CrL73Gsm5HY&

Il est tout de même clair que si l'on considère le version grecque comme un original, celle qui s'en écarte le plus en terme de ressenti est la version russe en polyphonie post-pétrinienne occidentale et non la version anglaise en znamenié.

15.Posté par Marie Genko le 10/05/2012 22:55

Cher Vladimir,

Je pense qu'il sera intéressant pour vous et pour d'autres lectreurs de ce forum de prendre connaissance d'un article écrit par le Père Philippe Parfenov.

J'ai traduit cet article en décembre 2007 pour le forum "orthodoxierusseoccident" justement parce que cet article explique admirablement la différence entre l'approche traditionnelle de la spiritualité en Orient et en Occident.
J'ai demandé à nos modérateurs de le mettre en ligne et je vous en souhaite une bonne lecture.

Avec toute mon amitié Marie

16.Posté par Fabre Daniel le 11/05/2012 06:41
je suis désolé, mais étant français de France depuis au moins 15 générations, je n'adhère absolument pas au chant byzantin.........ça ne m'incite en rien à rentrer dans la prière, j'ai l'impression d'entendre un chant arabe....(sans doute c'est eux qui ont repris " le byzantin ...!) en tout cas, ayant passé du temps en un monastère en Israël à Nazareth, avant nos joyeux carillons, et nos chants liturgiques, j'entendais le muezzin....et le byzantin me fait cette impression très dérangeante !...mais bon cela n'engage que mon oreille !

17.Posté par Daniel le 11/05/2012 07:20
Veuillez m'excuser mais mon message devrait figurer sur le fil :

http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Comprendre-reellement-les-offices-n-est-pas-une-question-de-langue_a467.html

18.Posté par Marie Genko le 12/05/2012 17:31
Cher Vladimir,

Voici le texte du Père Philippe Parfeunov, qui est déjà paru sur "Parlons d'orthodoxie".

Je vous le redonne intégralement ci-dessous, car il est probable que ceux qui nous ont rejoint dernièrement sur Parlons d'Orthodoxie ne le connaissent pas!
Et ce texte illustre admirablement certaines des positions évoquées dans les messages précédents!
La démarche apophantique, chère aux orthodoxes, y est admirablement bien expliquée!

"L'hérésie est un pêché de même que le pêché est une hérésie"

Père Philippe Parfeunov, Moscou
Traduction Marie GENKO

A la question :
« Pourquoi l’accusation d’hérésie vous a-t-elle angoissé plus que tout autre accusation ? »
Le Révérend Père Agaphon avait répondu :
« Parce que l’Hérésie signifie, s’isoler loin de Dieu. L’hérétique s’excommunie du Dieu vrai et vivant et s’unit au démon et à ses anges. Celui qui s’est séparé du Christ (en confessant un enseignement erroné concernant le Christ) ne possède plus le Dieu qu’il pourrait supplier pour ses péchés et il est perdu sous tous rapports.

Pourquoi l’abbé Agaphon répondait-il de cette façon, et en était-il réellement ainsi ? Car n’importe quel péché qu’il soit de chair ou d’esprit, qu’il soit à l’encontre du Seigneur ou de son prochain, éloigne l’homme de Dieu et de Sa grâce.
Si nous nous référons aux textes du Nouveau Testament, comme source principale de notre tradition, nous pouvons y trouver des témoignages d’importance diverse concernant les hérésies et les problèmes concrets rencontrés par les premières communautés chrétiennes.

Le mot « hérésie » lui-même voulant dire « choix » se rapporte au mot grec signifiant :« Je prends, je choisis, je convaincs »

A propos des divergences d’opinions exprimées dans l’Eglise corinthienne, au sujet des repas communautaires associés au souvenir de la Cène de Notre Seigneur Jésus Christ, l’apôtre Paul écrivait : « …j’entends dire, que lorsque vous vous réunissez en assemblée, il se produit parmi vous des divisions, et je le crois en partie. Il faut en effet qu’il y ait des sectes parmi vous pour que ceux qui ont fait leurs preuves se manifestent parmi vous.» (1 Cor.11, 18-19)
Ces mots se révélèrent par la suite prophétiques : Les divisions entre les chrétiens au sujet de questions diverses importantes ou non, ont accompagné toute l’histoire de l’Eglise jusqu’aujourd’hui et nous ne les voyons absolument pas faiblir. Cela concernait souvent des questions pratiques de la vie quotidienne, et revêtait encore plus d’importance lorsqu’il s’agissait des sacrements de Dieu. En fait nous découvrons la vérité dans le Christ, elle est une, entière, éternelle et inaltérable :« Le Christ est le même hier, aujourd’hui et à tout jamais. » (Hébreux 13,8)

Mais personne ne peut exprimer entièrement cette vérité à l’aide de paroles, elle ne peut être expliquée ni comprise de façon rationnelle à cause de l’impuissance et de la limitation de l’homme. On ne peut s’unir à cette vérité que par son vécu en tant que membre du Corps du Christ, car selon les paroles de l’apôtre Paul :« Car partielle est notre science et partielle est notre prophétie » (1 Cor. 13, 9)
Et « nous voyons comme au travers d’une vitre trouble (mot à mot, comme dans un miroir terni) en devinant » (1 Cor 13,12)
Et l’Eglise d’une part, par la bouche de l’apôtre Paul admet la possibilité, et même le côté inévitable des divergences de pensées (hérésies), et d’autre part elle a lutté contre elles tout au long de son histoire, car ce même apôtre lance cet appel :« Quant à l’hérétique, après un premier et un second avertissement, rejette-le sachant qu’un tel homme est un dévoyé et un pécheur qui se condamne lui-même » (Tite 3- 10,11)

Comment concilier cela ?

Les divergences de toutes sortes ne sont pas toujours à propos et licites et tous les moyens ne sont pas bons pour les mettre à exécution. C’est une chose d’être conscient de ses propres limites et imperfections dans sa conception du monde et de la relativité de cette conception et de ne pas l’imposer aux membres de l’Eglise qui nous entourent, mais c’est une toute autre démarche d’insister sur l’absolue exactitude et l’infaillibilité de ses propres jugements, allant à l’encontre de l’Ecriture et de la Tradition, ce qui a été la caractéristique de la majorité des grandes hérésies.

Ce fut l’Orient, qui aux premiers siècles du christianisme et au début du Moyen Age, fut le grand générateur d’hérésies, d’un caractère principalement dogmatique.
A Byzance, à l’époque des conciles œcuméniques, les hérétiques ne se gênaient pas pour entretenir de nombreuses intrigues politiques dans le but d’infléchir en leur faveur les autorités impériales et obtenir ainsi gain de cause ; la délation et les accusations, qui n’avaient rien de commun avec la théologie, étaient utilisées et une justice sommaire était rendue avec un certain succès à l’encontre des personnalités indésirables du pouvoir impérial, sans exclure l’emploi de la force. Et cela allait à l’encontre des intérêts des orthodoxes lorsque des moyens similaires étaient employés contre les hérétiques. Cependant le principe de l’utilisation des dogmes et des canons, non en tant que vérité de la foi, soumise à une compréhension progressive dans la prière et à la lumière de la révélation, mais comme des instruments pour régler ses comptes avec ceux qui soutiennent des positions contraires dans les conflits politiques et courtisans de la Byzance impériale, et même dans la Russie prérévolutionnaire (dans le cas de l’écrasement des opposants de la réforme ecclésiale du patriarche Nikon, ou dans le cas du mouvement des moines opposants du mont Athos)

Ceci reste encore l’héritage accablant et non surmonté de cette époque difficile.
Les hérésies dogmatiques elles-mêmes ont apporté une contribution certaine dans le développement de la pensée théologique, étant donné qu’elles posaient un problème théologique et exigeaient sa résolution.
Nous pouvons considérer ce qui a été dit précédemment calmement, étant donné que chacun d’entre nous est potentiellement un hérétique, puisque nous ne pouvons pas contenir en nous-mêmes toute la plénitude de la sagesse des Ecritures et de la Tradition.

Ceci a tout autant trait aux théologiens fondamentalistes qu’aux théologiens libéraux.

Ajoutons à cela, qu’il y a hérésie et hérésies et qu’elles présentent aussi différents degrés de danger. L’hérésie est dangereuse lorsqu’elle s’oppose de façon organisée à l’enseignement conciliaire de l’Eglise et s’impose, soit avec l’aide de l’Etat, soit par d’autres moyens, et dans ce cas, elle suscite immanquablement des conflits. Dans une telle conjoncture, il faut se réunir et prendre les dispositions nécessaires. Lorsque l’hérésie est l’opinion d’une personne isolée, pacifique, sincère dans sa recherche de vérité, et ne s’imposant à personne, nous pouvons la comparer aux discussions théologales qui se rencontraient également chez les anciens Pères de l’Eglise et parmi les théologiens en vue du XXème siècle.
Il y a toujours eu bien d’avantage d’hérétiques à l’intérieur de l’Eglise même, qu’on ne le pense en général.
A partir de la fin du Moyen Age, c’est l’Occident qui devient le berceau principal des hérésies, hérésies d’une teinte surtout socialo politiques (Cathares, Patarins, Albigeois, Frères apostoliques, Taborites, Hussites, Anabaptistes) ils ont les mêmes motivations despotiques et la même prétention quand au caractère exceptionnel et infaillible de leurs chefs. Le meurtre de membres du clergé, le vandalisme des églises, l’incendie des croix et des icônes, le terrorisme enfin, accompagne toutes leurs actions.

Ceci est décrit en détail dans le livre de Igor Chafarevitch :« Le phénomène socialiste »
Peu à peu le nombre des hérésies dogmatiques passe à l’arrière plan, et apparaissent alors des hérésies socialo politiques, soit sous une forme de doctrines agnostiques, soit dans des doctrines franchement athées, tout en conservant leurs racines religieuses hérétiques.

* * *
Le vent d’ouest a apporté sur la terre russe les graines de ces mutants et les fruits inutiles qu’elles produisent sont empoisonnés ou peu comestibles.
Car la société est inondée de fausses conceptions du monde et nous vivons jusqu’aujourd’hui dans les divisions, les désordres, les malheurs, les désastres et même les guerres.
On peut considérer que ce qui génère plus particulièrement des conséquences fatales est l’accession des hérétiques au pouvoir et leur prise en main de la destinée de millions de personnes. Dans une société où a été perdue la possibilité d’éprouver les esprits, les hérétiques peuvent être élus au cours d’élections démocratiques par une majorité de voix, ou ils peuvent accéder au pouvoir par la force, et la structure socialo politique de l’Etat ne joue ici aucun rôle.

A son origine, l’hérésie remonte à la chute originelle de l’homme, tenté par la connaissance du Bien et du Mal, et contraint depuis lors de se contenter d’une connaissance partielle, fragmentée et sélective, donc en réalité d’une connaissance hérétique, mélange du Bien et du Mal.

Et cette conséquence du péché originel agit non seulement sur les hérétiques, mais aussi sur les chrétiens orthodoxes qui divergent entre l’enseignement de leur religion et leur comportement et qui divergent aussi dans les fruits réels de leur foi.
Mais pourquoi y avait-il parmi les croyants et même parmi les Saints Pères une telle peur de pécher par hérésie ? Il faut croire que dès le début cette peur prend racine dans le fait que n’importe quel jugement humain et n’importe quelle doctrine philosophique peuvent contenir une certaine part de vérité, mais justement une part, et non pas la vérité tout entière, qui ne se rapporte qu’à l’Eglise,
« Laquelle est Son corps, la plénitude de Celui qui remplit tout en tout. »(Eph. 1, 23)

Et beaucoup de chrétiens avaient une telle soif de cette pureté et de cette plénitude !
Mais puisque qu’en dehors de l’Eglise il n’y a pas de plénitude, il n’y a que de nombreuses parcelles différentes de vérité, et ces parcelles de vérité vont inéluctablement voisiner avec des parcelles de mensonge et elles risquent de devenir complètement inséparables et indifférenciables du mensonge.

Y a-t-il un mensonge à l’état pur dans le domaine spirituel ?
Non, tout comme il n’y a pas dans le monde de Mal absolu. Le Diable, père du mensonge, est redoutable, parce qu’étant une des premières créatures du Seigneur, il possède justement une parcelle non négligeable de « Vérité » inséparable d’un mensonge évident, qui a, par ce fait même, jadis perverti l’homme et occasionné sa chute.Etant donné « que Satan lui-même prend la forme d’un ange de lumière » (2 Cor. 14)
Voilà pourquoi le Christ dit :« Qui n’est pas avec moi, est contre moi et qui ne ramasse pas avec moi disperse »(Mat12,30 ; Luc 11,23)
Ou selon la parole de l’apôtre Jean :« Quel est-il le menteur, sinon celui qui nie que Jésus est le Christ ? Celui là est l’antéchrist, qui nie le Père et le Fils » (1 Jean 2,22)

Ceci et beaucoup d’autres affirmations des Ecritures ne permettent, sans aucun doute, aucune divergence d’opinion du genre de la libre pensée contemporaine.
Mais dans l’histoire de l’Eglise chrétienne, et plus particulièrement celle de l’Occident, la tentation la plus caractéristique consistait à permettre d’atteindre la vérité de préférence par un moyen intellectuel, et même de posséder cette vérité à titre individuel, à condition de la formuler correctement. Plus simplement, cela signifiait d’énoncer une quantité définie de postulats théoriques (dans des époques plus tardives, des déclarations et des mots d’ordre), passant pour des axiomes, d’après lesquels par la suite se formait la conception du monde et/ou la vie de groupes entiers d’individus.

Dans l’Eglise romaine, cela est devenu un état de chose définitif par la représentation du Pape en tant que « remplaçant » du Christ sur terre, et par son infaillibilité dans les questions de foi. Et cela apparut également au Moyen Age dans de grandioses traités de théologie comme la « Somme théologique » de Thomas d’Aquin.En ce qui concerne la théologie orientale tout cela lui était étranger, mais il faut tout de même ajouter qu’elle aussi a été soumise à l’influence malvenue du rationalisme au cours de ces derniers siècles.
Toutefois on percevait mieux en Orient que :« tout homme est mensonge » (Ps 115)
et que la théologie orthodoxe est, au fond d’elle-même, apophantique.Les Orthodoxes sentaient mieux que la vérité est une ; ils savaient quoi (ou plutôt Qui) elle est, mais ils insistaient surtout sur l’impossibilité définitive à l’énoncer.

Les dogmes de l’Eglise expliquent justement l’impossibilité d’atteindre la vérité par la logique formelle. Le rejet de l’apophatisme, comme le pense le théologien contemporain grec, Christos Innaras, s’est enraciné dans l’esprit juridique de la tradition romaine.
Ce théologien accuse même Saint Augustin d’avoir transposé un esprit de sévère objectivité dans le domaine de la gnoséologie.
Il écrit :
« Ainsi pour la première fois dans l’histoire, la vérité a été identifiée à sa définition et la connaissance (c'est-à-dire la possession de la vérité) a été identifiée à une assimilation personnelle de formules. La vérité s’est trouvée détachée du mouvement de la vie, elle a été réduite à une réflexion pure à une démarche de raisonnement juste…Une pensée juste se substitue à l’incertitude mouvante de la vie, la vie rentre péniblement dans le cadre de la logique (ratio), la logique est intronisée à un niveau d’autorité suprême, qu’il s’agisse de règles morales ou d’exigences d’ordre politique ou social. Le moralisme et le totalitarisme, ces deux engeances typiques de la civilisation ouest européenne commencent dans la pensée de Saint Augustin » (La Foi de l’Eglise)

Nous pouvons dire que notre théologien contemporain a un peu forcé la note au sujet de Saint Augustin, bien que certaines des conceptions de ce saint, issues de son objectivisme concernant la Grâce Divine, comme par exemple, admettre les tourments éternels de l’enfer pour les nouveaux nés, non baptisés, est incontestablement peu sympathique.

Dans son principe, l’orientation de la pensée patristique exclut toute manifestation de totalitarisme, même si dans ce monde plongé dans le mal, où règne la confusion du Bien et du Mal, tout peut dans la réalité tourner différemment.

http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/L-heresie-est-un-peche-de-meme-que-le-peche-est-une-heresie-partie-I_a1469.html

19.Posté par Marie Genko le 12/05/2012 22:43
Cher Vladimir,

les modérateurs ont eu la bonne idée de mettre le lien qui se réfère à cet article, n'hésitez pas à l'ouvrir, je pense que le texte sera plus lisible.

Amitiés Marie

20.Posté par Fabre Daniel le 13/05/2012 08:30
juste un détail, je trouve juste que l'auteur de cette lettre oppose non pas vraiment les catholiques aux orthodoxes...mais les théologiens catholiques aux orthodoxes bien que même pour ces derniers, ayant vécu au milieu de familles roumaines, je doute très fortement de leurs connaissances théologiques réelles comme on ne peut évidement pas douter de l'ignorance du peuple, je répète : du peuple, catholique romain, peuple largement aidé par, paradoxalement, l'obéissance que ce peuple d'occident eut envers ce pape qui déclara l'interdiction au peuple donc de lire la Bible et à fortiori de la commenter !....ben oui je répète peuple car les vrais responsables des hérésies ont les " connaisssants " et non le peuple ignoré !

21.Posté par Marie Genko le 13/05/2012 14:17
Cher Daniel Fabre,

Et quid des Protestants?
Et aussi des autres religions?
Un chrétien catholique, ou protestant, ordinaire n'est évidamment pas un théologien, en cela vous avez raison.
Mais il est l'héritier de générations et de générations d'un enseignement hérétique!
Tout son être est formaté par le comportement et les croyances de ses ancêtres, par la culture du monde, qui l'entoure et, il me semble, qu'il en aura d'autant plus de peine à se débarasser de son "vieil homme" pour adhérer pleinement à l'orthodoxie...!

Pour ma part, j'aime l'affirmation que le péché est une hérésie!
Parce que nous sommes tous pécheurs, nous devons avoir conscience de nous conduire avec la plus grande humilité!
Parce que nous sommes tous pécheurs nous devons apprendre à aimer et respecter nos frères hétérodoxes, dont certains sont de véritables exemples de sainteté!

Avec toute mon amitié Marie

22.Posté par Fabre Daniel le 13/05/2012 16:07
et bien justement les protestants ont, autre autre protestés, contre l'interdiction de s'instruire de la Bible....
mais se débarrasser de son "vieil homme est une démarche spirituelle" et non à priori un acte,une ascèse à dénomination orthodoxe, l'Eglise Orthodoxe est son lieu le plus, non le "mieux," le seul lieu juste pour l'exercer, l'auberge unique efficiente ou le " bon Samaritain" porte, installe tout homme blessé !

23.Posté par Marie Genko le 14/05/2012 21:56
Cher Daniel Fabre,

Merci pour votre message!
C'est Luther qui a le premier traduit la Bible en Allemand, ce qui a donné l'accès à l'Ancien Testament aux prophanes...
Donc avant lui, seuls les clerc et les intellectuels avaient accès à ces textes écrits en Latin, en Occident, et en Grec en Orient.
Je comprends très bien que l'Eglise catholique ait voulu contrôler la lecture de la Bible.
La violence qui se dégage de certains textes peut induire les gens en erreur et leur faire oublier l'enseignement du Christ!
Cet enseignement de CHARITE et de PAIX qui ne transparaît pas dans l'Ancien Testament !
J'ajouterai même que cette lecture de l'Ancien Testament a donné en quelque sorte la conviction à certains Protestants que la lutte armée est justifiée pour défaire leurs ennnemis!
Peut-être est-ce pour cette raison que les anglo saxons on dominé le monde durant plus d'un siècle?

Vous avez raison, tout ceci n'a rien à voir avec la démarche spirituelle qui nous est nécessaire à tous pour nous rapprocher du Seigneur!

Avec toute mon amitié Marie


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