Une "Litié"  pour Lénine....peut-on prier pour le repos de l'âme d'un ennemi de Dieu?
Vladimir GOLOVANOW

Une "Litié" (1) pour Lénine

Depuis de nombreuses années, les orthodoxes russes demandent en vain d'enterrer le corps de Lénine et de supprimer le cimetière aux pieds du Kremlin, sur la Place Rouge, où sont enterrés plus de 150 personnalités du régime soviétique dont Staline, Dzerjinski, Sverdlov … Cette nécropole est ainsi le principal symbole du monstrueux régime soviétique mais, à l'exception des Orthodoxes et de nomlbreuses organisations de défense des droits de l’hommes (cf. le site « Vozvraschenie.ru ») bien peu s'en soucient et feignent de ne pas remarquer cette ignominie en préférant "oublier" les crimes commis alors. La seule réponse des autorités consiste à dire « qu »il faut laisser du temps au temps ».

Récemment, un nouveau groupe de militants orthodoxes, organisé par le journaliste Aleksey Reutskiy, l’un des rédacteurs du "Journal du Patriarcat de Moscou", a voulu une fois de plus tenter d'attirer l'attention du public sur ce problème, et en même temps essayer de le repenser spirituellement: ils ont décidé d'agir par la prière pendant le Carême ils ont pris la de faire chaque dimanches une procession autour du Kremlin en priant pour le bien-être de la Russie et de ses habitants.

Toutefois en arrivant devant le Mausolée, le véritable obstacle à cette prospérité crevait les yeux: "Comment peut-on parler du bien-être à venir si la confusion règne dans les esprits et les cœurs des gens? La guerre civile n'est pas terminée, la réconciliation avec le passé n'a pas eu lieu. L'Eglise a glorifié l'empereur martyr, les deux branches de l'Eglise orthodoxe russe se sont réunies, il reste une chose à faire - enterrer le corps du chef, de l'instigateur de la guerre civile. Sinon la discorde va persister dans les esprits et les âmes" écrit Alexey dans la revue Neskuchniy Sad.

Comprenant qu'ils se trouvaient dans le seul cimetière de Russie où n'avait jamais résonné la prière, Alexey et un ami ont décidé d'y remédier en célébrant une "Litié" sans prêtre devant le Mausolée. Peut-on chanter "Avec les saints donne le repos" (2) sur les tombes de Lénine, Staline et consorts? Peut-on prier en Eglise pour ceux qui non seulement niaient Dieu, mais furent aussi responsables de la persécution de masse des croyants de toutes confessions? Faut-il demander aux descendants des inhumés s'ils ne sont pas contre notre prière sur les tombes de leurs ancêtres?

"PRAVMIR" a posé la question à deux prêtres orthodoxes :Pourquoi faire un requiem pour les athées?

Archiprêtre Alexandre Ilyashenko, responsable du secteur des relations avec le Ministère de l'intérieur au département des relations avec l'armée et les forces de sécurité du patriarcat de Moscou :
"Lorsque Lénine est mort, en Janvier, on a creusé une fosse dans le sol gelé et il fut enterré. Au printemps, quand la glace a fondu, on a constaté que l'emplacement était mal choisi: il y avait à côté le marché et, je m'excuse, des toilettes. Tout cela s'est mis à couler, à puer et Sa Sainteté le patriarche Tikhon passant par là a dit: «Telles reliques, tel parfum".

Cette attitude est très signifiante venant du grand et saint martyr, qui a été terriblement humilié justement par Lénine.

De plus, ce personnage s'était fixé comme but de combattre et de détruire l'Eglise, c'était un athée militant, et donc célébrer toute espèce de service funèbre sur sa tombe – c'est simplement aller contre sa volonté. C'était sa position. Pourquoi commémorer un homme qui se considérait comme un athée? Pourquoi célébrer un service funèbre si durant sa vie il n'en avait catégoriquement pas besoin?

Je pense que c'est de la bêtise. Et bien plus, lorsque des croyants entreprennent ce type d'actions spirituelles, ils devraient demander la bénédiction de l'Eglise. Ils pourraient s'adresser au Patriarcat, écrire à l'attention de Sa Sainteté une demande de célébrer un tel office. Je pense qu'il leur aurait été refusé.

Ceux qui appartiennent réellement à l'Eglise auraient certainement demandé une bénédiction cet acte religieux. Et s'ils ne la demandent pas, c'est qu'il s'git de gens dont l'appartenance à l'Eglise est superficielle. Je ne peux que leur souhaiter d'approfondir leur foi et d'écclesialiser leur vie."

Un regrettable blasphème

Archiprêtre Dimitry Smirnov, président du département des relations avec l'armée et les forces de sécurité du patriarcat de Moscou :
"C'est de la folie pure, et pour finir les gens vont commencent à plaindre Satan (3), avec toutes les conséquences qui en découlent, hopitaux psychiatriques : Gannouchkine, l'hôpital Alekseev (4), etc
Mais pour le moment cela ressemble à une espèce de blasphème et cela ne peut que faire pitié. Quand j'étais à la maternelle, les enfants aimaient répéter «on ne se fâche pas contre les malades." Je prends cela exactement comme ça: un syndrome malsain témoignant de la dilution de toute conscience religieuse.

Source: "Pravmir"

Notes du rédacteur
(1) Dans la tradition orthodoxe russe on appelle « Litie » la fin de la "Pannychide" (requiem) généralement récitée lors des funérailles et des commémorations abrégées des défunts.

(2) " Avec les saints donne le repos ô Christ, à l'âme de Ton serviteur…" hymne de l'office de requiem.

(3) Prier pour les bêtes et les démons

"N'essaie pas de distinguer celui qui est digne de celui qui ne l'est pas. Que tous les hommes soient égaux à tes yeux pour les aimer et les servir. Ainsi tu pourras les amener tous au bien. Le Seigneur n'a-t-il pas partagé la table des publicains et des femmes de mauvaise vie, sans éloigner de lui les indignes ? Ainsi tu accorderas les mêmes bienfaits, les mêmes honneurs à l'infidèle, à l'assassin, d'autant plus que lui aussi est un frère pour toi, puisqu'il participe à l'unique nature humaine. Voici, mon fils, un commandement que je te donne : que la miséricorde l'emporte toujours dans ta balance, jusqu'au moment où tu sentiras en toi la miséricorde que Dieu éprouve envers le monde.

Quand l'homme reconnaît-il que son cœur a atteint la pureté ? Lorsqu'il considère tous les hommes comme bons sans qu'aucun ne lui apparaisse impur et souillé. Alors en vérité il est pur de cœur (Mt 5,8)...

Qu'est-ce que cette pureté ? En peu de mots, c'est la miséricorde du cœur à l'égard de l'univers entier. Et qu'est-ce que la miséricorde du cœur ? C'est la flamme qui l'embrase pour toute la création, pour les hommes, pour les oiseaux, pour les bêtes, pour les démons, pour tout être créé. Quand il songe à eux ou quand il les regarde, l'homme sent ses yeux s'emplir des larmes d'une profonde, d'une intense pitié qui lui étreint le cœur et le rend incapable de tolérer, d'entendre, de voir le moindre tort ou la moindre affliction endurée par une créature. C'est pourquoi la prière accompagnée de larmes s'étend à toute heure aussi bien sur les êtres dépourvus de parole que sur les ennemis de la vérité, ou sur ceux qui lui nuisent, pour qu'ils soient gardés et purifiés. Une compassion immense et sans mesure naît dans le cœur de l'homme, à l'image de Dieu."

Saint Isaac le Syrien (VIIe siècle), "Discours ascétiques, 1ère série, n° 81", trad. AELF ; cf trad. Touraille, DDB 1981, p. 395. (http://www.spiritualite-chretienne.com/misericorde/pardon-02.html )

(4) Célèbres hôpitaux psychiatriques.






Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 20 Mars 2012 à 11:33 | 3 commentaires | Permalien



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