Père Georges Mitrofanov: inculquer une vision chrétienne de l'existence
En avril dernier, en pleine affaire Pussy Riot (1), Guénady Ziouganov, le dirigeant du PC russe (KPRF), avait volé au secours de l'Eglise russe en déclarant "Si vous mettez côte à côte le code moral du fondateur du communisme et le Sermon sur la Montagne de Jésus Christ vous serez surpris: ils correspondent pratiquement mot pour mot." Puis, citant l'apôtre Paul "Que celui qui ne travaille pas ne mange pas"(2 Th 3.1), il a déclaré que c'est là la principale devise du communisme. (2)

Interrogé sur ces déclarations, le père Georges a d'abord dit (3) que, Ziouganov faisait de l'opportunisme en imitant son idole Staline, qui avait autorisé l'Eglise de 1941 à 1945 pour l'instrumentaliser à son profit puis, dès 1949, relancé les persécutions. "C'est la manière habituelle des communistes – s'approprier ce qui ne t'appartient pas et essayer d'en tirer profit".

"Deuxièmement, continue le père Georges, il faut regarder cela d'un point de vue chrétien. Si les communistes se présentent comme les représentants politiques du monde orthodoxe russe, c'est que quelque chose ne va pas dans ce que nous faisons.

Notre Eglise a accueilli trop vite beaucoup de gens qui ont été toute leur vie des impies, des antichrétiens conscients ou non. Avec une facilité incroyable ils se sont mis à fréquenter les offices, de préférence à Pâques et à Noël, à se signer, même à jeûner, sans réfléchir sérieusement au Christ et sans chercher à changer de vie, à se repentir. Et notre vie dans l'Eglise est maintenant dominée par ces personnes qui n'ont rien à faire du Christ, qui ne voient pas la nécessité de se transformer spirituellement, de devenir d’authentiques chrétiens.

L'Eglise les attire par ce que rien n'y change et parce que, comme dans tout système totalitaire, on n'a pas besoin d'y assumer des responsabilités, mais il suffit de marcher en rangs serrés vers un but certainement juste et lointain. De plus, comme dans le communisme, pour aller vers ce but il n'est pas besoin de se remettre en cause et, si quelque chose ne va pas, on peut en accuser les autres: au lieu de l'impérialisme international ce sera l'Occident déchristianisé. Et on va aussi se chercher des ennemis comme avant; non plus des agents de l'impérialisme, mais des hérétiques, des néo-rénovateurs, des gays et toute sortes de "libérastes" (4). Ces gens parlent de l'Occident minable et de leur propre grandeur avec juste un changement d'accent: nous ne vivons plus dans un pays extraordinaire, l'URSS qui construit le socialisme, mais dans la Sainte Russie qui, évidement, est plus inspirée et plus juste que les autres pays "déspiritualisés". Comme on le voit, les idéologèmes sont identiques, inébranlables… on les a simplement habillés d'attributs orthodoxes.

Nous entendons peu les laïcs, voire même les clercs, parler du Christ, de la nécessaire transfiguration spirituelle de son âme, de sa propre imperfection. Mais nous entendons évoquer la nécessité de faire revivre la grandeur du pays, la condamnation des attaques des multiples ennemis, externes ou internes, la répétition incessante de l'idée que la Russie, provisoirement pauvre mais de ce fait pleine de spiritualité, résistera à l'Occident dénué de toute spiritualité. De la bouche des prêtres nous entendons souvent ces mêmes slogans politiques que proposent les "eurasiens" (5)- stalinistes à la mode du jour: on ne peut quasiment plus faire la différence! Et le plus terrible c'est que l'Eglise cesse d'être l'Eglise du Christ pour devenir une organisation ritualiste de propagande panrusse: elle combine en fait les éléments d'un organisme de propagande et d'une société de pompes funèbres, quelque chose de purement fonctionnel qui n'a rien à voir avec les âmes.

Nous constatons qu'il y a des gens qui se considèrent comme orthodoxes parmi les partisans du parti communiste. C'est un grand sacrilège vis à vis des saints martyrs du XXe siècle que nous venons de canoniser.

Comment leur répondre?

Etant professeur de l'Académie théologique de St Petersbourg, je me fixe comme l'un des objectifs de mon enseignement, de mes publications et de mon activité missionnaire d'éveiller chez nos contemporains un sentiment de culpabilité et de honte pour ce qu'a été notre pays durant les soixante-dix ans de communisme. Comme membre de la commission synodale de canonisation qui a préparé la canonisation de la synaxe des néomartyrs et confesseurs de Russie, la glorification des néomartyrs, j'ai toujours considéré cette canonisation comme une barrière infranchissable à toute synthèse du communisme et du christianisme.

Partout ou apparaissent les communistes commencent immédiatement des persécutions contre les Chrétiens et là où les peuples sont réellement chrétiens les communistes ne peuvent pas prendre le pouvoir. Chez nous, non seulement les communistes se sont emparés du pouvoir, mais ils ont dirigé notre pays et, il faut bien le reconnaître, chez nous personne n'a chassé le communisme. Il a pourri de lui-même quand il s'et révélé non-concurrentiel. Pourquoi cela a-t-il été possible justement dans notre pays? Comme historien et prêtre orthodoxe je dois malheureusement constater que le peuple russe, à la différence d'autres peuples, était spirituellement moins armé pour résister à la tentation de l'utopie communiste. Visiblement mes prédécesseurs, les clercs orthodoxes qui ont fait l'éducation du peuple russe pendent mille ans, n'ont pas su faire naître chez lui une vision chrétienne de l'existence qui lui aurait permis d'identifier la tromperie spirituelle du communisme.

Alors mille ans pour rien?

Non! Si la Russie n'avait pas eu mille ans d'histoire chrétienne il n'y aurait pas de Russie en tant que telle! Mais je me pose la question pourquoi certains peuples ont pu résister à la tentation du communisme et du fascisme et d'autre ont cédé à ces tentations? Pour moi comme Chrétien, prêtre, historien il n'y a qu'une seule réponse: quand les gens sont réellement ecclésialisés ils ont dans l'âme cette vision chrétienne de l'existence et ils sont capable de surmonter de très nombreuses tentations, y compris dans les sphères politique, sociale et idéologique. Et si on n'a pas cette vision de l'existence, il est facile de succomber aux tentations et ensuite de combiner dans sa vie le communisme athée et la fréquentation de l'église orthodoxe."

Traduit et adapté par VG

Notes du traducteur

(1)
(2). Notons que le 27 août Ziouganov a fait un parallèle entre la momie de Lénine et les reliques du monastère des grottes à Kiev (http://www.newsru.com/religy/27aug2012/zyuganov.html) et le 27 octobre il a cité Lénine: "nous devons attirer dans le parti social-démocrate tous les ouvriers qui ont gardé la foi en Dieu ICI
(3)
(4)Néologisme péjoratif apparu en russe dans les années 1990
(5) Néologisme péjoratif qui fait référence au mouvement "néo-eurasien" animé par Alexandre Douguine,
......................................
"PO" Archiprêtre Georges Mitrofanov





Rédigé par V.Golovanow le 1 Novembre 2012 à 11:06 | 23 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Marie Genko le 01/11/2012 14:49
Lorsque je revois en pensée ces montagnes d'ossements élevés sur le sol russe, ossements issus de milliers, ou plutôt de millions, de Russes morts de faim ou sous la torture des communistes, je m'irrite lorsque je lis une phrase comme celle qui est écrite par le Père Mitrophanov et que je recopie ci-dessous:

"Mais je me pose la question pourquoi certains peuples ont pu résister à la tentation du communisme et du fascisme et d'autre ont cédé à ces tentations?"

Visiblement le Père Georges Mitrophanov a oublié le terrible martyr du peuple russe!

Il est trop jeune pour avoir vu en réalité, comme cela nous a été montré sur nos écrans en Europe les scènes d'apocalysme vécues dans les années vingt par la Russie!

2.Posté par Volkoff le 01/11/2012 19:04
Comme souvent le prêtre Mitrophanoff est très lucide dans son questionnement. Il s’agit d’un éminent historien du XX siècle dont le métropolite Marc de Berlin et d’Allemagne apprécie hautement les ouvrages et dont l’enseignement est très suivi !

En l’occurrence, - est-ce que chaque peuple a le gouvernement qu’il mérite ?

L’électorat de la République de Weimar a librement, personne ne le conteste, choisi le parti national-socialiste, considéré comme revanche pour le Traité de Versailles et comme vaccin contre le Komintern.
Les Allemands ont-ils « mérité » onze ans (seulement !) de nazisme ?

Les peuples de l’Empire Russe ont, à l’issue d’une terrible guerre civile, donné la victoire à l’armée rouge (ne bénéficiant d’aucun soutien étranger) des ouvriers et des paysans commandée par Trotski.
Les héroïques, enthousiastes armées Blanches, lâchées par les Alliés, ont failli l’emporter. Mais ont fini par devoir abandonner le pays.

Malgré une très forte présence d’hétérodoxes (protestants, chinois et autres) dans les rangs du parti bolchevik comment parler d’une révolution allogène et « importée » ? La volonté d’une société utopique et la soif de la révolution ont mûri au sein de l’intelligentsia russe tout au long du XIX siècle.
Il n’y a eu dans le monde que trois grandes sociétés totalitaires : la Chine rouge, l’URSS et le Reich (les autres étant soit des dictatures, soit des totalitarismes secondaires, - « démocraties populaires » et Cie).

Les peuples de l’ex Empire Russe ont vécu un auto-Holocauste, similaire à celui qu’a souffert le peuple khmer.
Les Khmers, les Russes, les Chinois ont-ils mérité les bourreaux qui les ont gouvernés ?
Dès les années trente les Russes ont résisté. Chaque vague insurrectionnelle, chaque mouvement de Résistance ont été matés dans le sang et dans l’Archipel.

Pourquoi les autres nations ne se sont pas engagées dans cet itinéraire létal ?
Le Seigneur a fait que ces régimes ont pourri et ont (presque, sauf dans les esprits) disparu, « comme la cire fond au vu du visage de la flamme », dit la prière pascale.
La Rédemption-Renaissance viendra.

3.Posté par Mischa le 01/11/2012 20:27
Госпожа Генко, отец Георгий Митрофанов один самых известных и ДОБРОСОВЕСТНЫХ знатоков истории Русской Церкви XX века! Причем здесь Ваше замечание "Visiblement le Père Georges Mitrophanov a oublié le terrible martyr du peuple russe! Il est trop jeune pour avoir vu en réalité"??????

Историки и специалисты Церкви и Страны, могут быть очень молодыми. Или Вы считаете, что нужно всё пережать на собственной "жизни и судьбе", чтобы понять систему в СССР?

Кстати, я читал книги отца Георгия, его замечательные тексты о Солженицыне и о. А. Шмемане / может быть Вам будет интересно/. В них он рассказывает о полном расхождении и даже разочаровании о. А. Шмемана в Солженицыне. Он не ожидал встретить в Солженицынине человека, который прежде всего радеет о своей Родине и конечно о Церкви", но не об эмигрантской общине!!!!
И в этом было главное неприятие о,А.Шмемана. Он разочаровался в Солженицыне, который был настоящим русским писателем и вообще русским во ВСЁМ! Именно этоuj не мог принять о. А.Шмеман. Oн был человеком воспитанным на Западе, никогда не бывавшем в СССР, а потому, многое мог понять только умом, но боль и скорбь русского человека и всё то что пережила Россия в годы СССР - он прочуять не мог.

Советую прочитать "Русская церковь на историческом перепутье XX века" о. Георгий Митрофанов. Москва изд. Лепта -2011г

4.Posté par Marie Genko le 01/11/2012 22:20
Cher Misha,

J'ai lu le journal du Père Alexandre Schmemman et je peux dire que je partage entièrement votre opinion.
Le Père Alexandre Schmemman ne pouvait pas accepter l'immense personnalité de Soljénitsyne!
Ces deux personnes n'avaient absolument pas la même carure!
Soljénitsyne est un génie aussi puissant que cette Russie, qui n'a cessé de l'habiter tout au long de son existence!
Le Père Alexandre Schmemann a été une prêtre consciencieux et travailleur et nous lui devons quelques bons ouvrages accessibles à tous dans nos langues occidentales.

Je ne mets pas en doute la compétence d'historien du Père Georges Mitrophanov!
Mais je suis convaincue que c'est par la violence et le meurtre de millions de Russes que les communistes ont réussi à s'imposer et certainement pas parce que le peuple était insuffisamment ecclésialisé!

Avec toute mon amitié Marie

5.Posté par Vladimir le 04/11/2012 17:15
Il me semble évident que le père Georges connait bien mieux que nous le terrible martyr du peuple et de l'Eglise russes au XXe siècle pour au moins trois raisons objectives:

1) IL L'A PERSONNELLEMENT VÉCU: dans sa jeunesse il a connu la répression khroutchevienne, la peur, la délation, l'impossibilité de suivre sa vocation. Il a rencontré les victimes, les "réhabilités" qui revenaient des camps, les proches des victimes de la terreur. Il a ainsi vécu directement ce que nous avons connus "sur écran" et dans les publications.
2) IL L'A ÉTUDIÉ COMME HISTORIEN: il suffit de lire ses livres (1) pour voir l'étendue et la profondeur de sa connaissance de ce problème qu'aucun de nous, émigré, ne peut réellement appréhender comme le souligne Misha (qui, de son côté, ne comprend pas l'amour de la Russie du père Alexandre… mais c'est un autre sujet)
3) IL EN A PRIS LA RESPONSABILITÉ comme membre de la commission de canonisation (2): il a eu à connaitre dans le détail du destin de ces centaines de martyrs concrets, individualisés, bien au delà des statistiques et, là encore, de nos livres et écrans…

Connaissant ainsi parfaitement le résultat, il est bien fondé à poser la question "pourquoi nous". Il rejette évidement la réponse des "complots-manes", "c'est la faute aux autres", aux Juifs, maçons et autre "étrangers", qui permet aux russes de s'affranchir à bon compte de leur propre responsabilité. Il suffit en effet de lire les mémoires des acteurs de l'époque pour voir que c'est le peuple russe qui a choisi de céder à la tentation communiste (le général Denikine (3) par exemple s'interroge avec angoisse dans ses mémoires "pourquoi le peuple russe est-il contre nous?") mais la réponse du père Georges, la déséclésiation de la Russie, ne me parait pas vraiment satisfaisante: si la Russie n'était pas vraiment ecclésialisée en profondeur avant la révolution, la France l'était sans doute encore moins. Pourtant la France a résisté aussi bien à la tentation communiste que nazie alors que l'Italie ou l'Espagne, clairement plus ecclésialisées à l'époque, ont cédé en partie…

Pour le reste le père Georges pose évidement un excellent diagnostic sur la situation dans l'Eglise russe (et je salue particulièrement les modérateurs pour le choix de cette image qui illustre parfaitement son propos!). Sans doute est-il exagérément sévère et pessimiste, comme je le souligne dans mon article précédent (4), mais il va bien chercher ses propres poutres au lieu de se contenter de l'habituelle ophtalmologie des pailles des autres...

(1) Cf. http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Un-nouveau-livre-de-l-archipretre-Gueorguy-Mitrofanov-Les-choix-de-l-Eglise-orthodoxe-russe-au-XX-siecle_a1909.html et http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Andre-Zoubov-Ne-pas-oublier-notre-vecu_a262.html
(2) http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/POURQUOI-A-T-ON-CANONISE-L-EMPEREUR-NICOLAS-II_a2550.html et http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Les-martyrs-du-XXe-siecle- restent-encore-etrangers-a-beaucoup-d-orthodoxes-contemporains_a63.html
(3) http://fr.wikipedia.org/wiki/Anton_D%C3%A9nikine
(4) http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/L-orthodoxie-s-enseigne-a-l-ecole-en-Russie_a2729.html

6.Posté par Tchetnik le 05/11/2012 15:14
Étrange que les Soljenitsyne et autres Pères Dimitri Smirnov qui ont, eux aussi vécu l'époque soviétique (ô combien) en aient une vision fort différente, en mettant en valeur les financements et aides extérieures, sans pour autant remettre en cause les défauts et occasions manquées de la Russie Impériale.

Dénikine, qui avait signé la demande d,abdication de l'Empereur et était lui même FM est en effet bien placé pour savoir que le peuple Russe était opposé aux aventures de Février qu'il avait cautionnées en son temps.

P.George devrait savoir que la critique est facile, mais l'art difficile. Et qu'il n'est pas le seul à jouer un jeu que d,autres jouent aussi bien sans porter des jugements aussi peremptoires sur des Chrétiens sans doute pas super-pratiquants, mais qui font ce qu'ils peuvent et marchent à leur rythme. Les juger comme il le fait du haut de ce qui semble bien être un auto-piedestal ne contribuera pas à améloirer une situation qui n'esat pas entièrement fausse, mais considérablement exagérée et extraopolée.




7.Posté par Marie Genko le 05/11/2012 21:48
@Tchetnik

Merci pour votre contribution, je suis entièrement d'accord avec vous!

Autant chacun d'entre nous doit rester vigilent sur ses propres fautes et ses errements, autant critiquer le passé et le présent en permanence n'est pas une bonne chose, surtout lorsqu'il s'agit de ce terrible contexte!

Je pense hélas qu'il s'agit là d'une caractéristique de certaines personnalités...toujours voir le négatif!!!!

Probablement qu'une telle catégorie de personnes est nécessaire à la Société?

Mais lorsqu'il s'agit d'un prêtre érudit et respecté, je trouve cela triste.






8.Posté par Vladimir le 06/11/2012 10:42
Je remercie Tchetnik de relancer ainsi le débat:

- Qu'est ce que cela veut dire "les Soljenitsyne et autres Pères Dimitri Smirnov qui ont, eux aussi vécu l'époque soviétique (ô combien) en aient une vision fort différente": ils nient les martyrs? La responsabilité du peuple russe dans la victoire bolchévique?

- Le général Denikine est surtout le commandant en chef de l'Armée des Volontaires puis des Forces Armées du Sud de la Russie. C'est à ce titre, et dès la "Campagne de Glace" de l'hiver 1917-18, qu'il se plaint de l'animosité du peuple russe contre les Blancs. La même chose est raportés par de nombreux autres participants: Roman Goul ("J 'ai emporté la Russie "(apologie de l'émigration), en 3 tomes parus entre 1981 et 1986), Serge Mamontov, (in. "Carnets de route d’un artilleur à cheval - 1917-1920 - Mes chevaux dans la poussière et dans la boue", Éditions L'Harmattan, Clamecy, 1998.)

- L'essentiel de l'article, comme l'indique le titre, est d'insister sur la nécessaire pédagogie de "la vision chrétienne de l’existence". Comme le souligne bien judicieusement l'illustration choisie par les rédacteurs du site (1), c'est loin d'être évident en Russie et il me parait très important que des dignitaires de l'Eglise (2) se préoccupent des ces "pailles ophtalmologiques".

(1) en spécialiste de l'Eglise au XXe siècle, le père Georges doit apprécier que son article soit illustré par cette résurgence des "Centuries Noires" de sinistre mémoire (cf. lien et http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342x_1996_num_61_2_4546_t1_0448_0000_3 )

(2) L’archiprêtre Georges Mitrofanov est professeur de l‘Académie de théologie de Saint-Pétersbourg, membre de la Commission interconciliaire de l'Eglise russe et de la commission de canonisation du saint synode… J'imagine que votre "l'auto-piédestal", bien cher Tchetnik, vous place clairement au dessus…:)

En toute amitié pour continuer le débat
Vladimir

9.Posté par Tchetnik le 06/11/2012 15:27
@Marie

Il est clair que l'Église Russe, en tant qu'institution humaine a eu et a toujours bien des soucis et ses actes ne sont pas toujours à la hauteur de sa mission.

On peut effectivement repprocher à certains prêtres et évêques certaines actions pas toujours très honnêtes ni même très charitables. De même la renaissance de la pratique a été effectivement entachée de baptêmes trop rapides, sans réelle catéchèse, fut un temps, ou d'acceptation en séminaires de gens dont la vocation peu fiable n'avait pas été epprouvée suffisament.

Les hommes ne sont pas parfaits et pointer du doigt certains défauts tant personnels qu'institutionnels reste nécessaire. L,arbre de l'Église pousse bien, mais certaines branches méritent d'être élaguées.

Cependant, je ne crois pas qu'en se posant systématiquement en chvalier blanc soit une réponse (ni un comportement) adéquat pour pallier à ces problèmes. D'autant plus que les aspects négatifs de la renaissance et de l'action actuelles de l'Église sont loins de constituer à eux seuls le visage actuel de l'Église RUsse. Je cite souvent les exemples des orphelinats, hôspices, hôpitaux, écoles....et moultes oeuvres de charité et de justice sociale animées par l'Église, je peux y ajouter les oeuvres de catéchèse et d'enseignement que l'Église anime par le biais de bien des vecteurs médiatiques et qui touchent, profondéement ou de manière plus épidermique, l'ensemble des couches de la société. Son action dans la législation enfin, n'est pas anodine et reste loin d'être négative.

Pour cela, la critique systématique à laquelle se livre P.George reste "irrelevant" surtout lorsqu'elle s'accompagne d'autocongratulations ensuite. Les oeuvres bonnes ont bien plus de valeur quand elles restent discrètes et comprises dans leur contexte. Sans doute cet aspect echappe-t-il à P.George.

C'est dommage car il existe effectivement des comportements et mauvaises habitudes personnelles qui resteraient bien à combattre, mais cela nécessite une forme de courage bien différente que la critique générale et vague à laquelle il se livre. Il faut là remettre en cause nommément des personnes.

Tout comme certaines occasions manquées peuvent être corrigées et ne peuvent l'être que si on commence par les souligner. Mais encore faut-il proposer aussi des alternatives d'action, ce qui manue cruellement dans la critique de P.George.

Ce que je trouve triste, surtout, c'est cette propention à juger sévèrement et à exclure du peuple Chrétien ceux dont la pratique ne serait pas "suffisante" à ses yeux. Qu'un prêtre doivent parler durement contre la paresse de certaines ouailles est un fait, mais vouer aux gémonies des gens qui ne sont pas à priori des paresseux mais tentent de vivre à leur rythme, selon ce qu'ils sont capables de faire et de comprendre, le message du Christ reste un acte qui tonbe exactement sous le coup de ces jugements "pharisaiques" qu'il prétend combattre par ailleurs. Et reste peut-être pire que ce qu'il dénonce.

Ces gens ont besoin d'être encouragés, pas écrasés par un prêtre qui se prend pour un sous-off instructeur.

10.Posté par Tchetnik le 06/11/2012 15:28
@Vladimir.

La réponse à votre première question est contenue dans la suite de la phrase. Que dans votre emportement vous avez oublié de lire.

Le reste ne mérite même pas un pet de chat.

Bien à vous,

11.Posté par Marie Genko le 06/11/2012 20:51
Chet Tchetnik,

Merci pour votre message N°9.
Je suis 100% de votre avis!

Les gens méritent d'être encouragés et non jugés pour leur éventuel absentéisme, qui peut avoir mille et une raisons...

Autrement nous tombons dans les travers de l'Eglise romaine qui exige, sous peine de péché mortel, d'assister à la messe chaque dimanche....!
Du moins c'était ainsi il n'y a pas encore si longtemps!

Notre Seigneur Jésus a toujours proposé de Le suivre et Il ne l'a jamais imposé à qui que cela soit!

Amitiés Marie

12.Posté par Fabre Daniel le 07/11/2012 17:04
Marie ! Marie ! : " Autrement nous tombons dans les travers de l'Eglise romaine qui exige, sous peine de péché mortel, d'assister à la messe chaque dimanche....! "
non, de ma vie passée de catholique engagé, jamais je n'ai entendu cela, pas plus que pour tout croyant orthodoxe aussi pour qui il est plus qu'utile d'assister autant que faire ce peut àchaque Divine Liturgie dominicale !

13.Posté par Daniel le 07/11/2012 18:48
Depuis la chute du communisme, on a vu au sujet de la situation en Russie, deux types de commentaires opposés. D'une part les commentaires triomphalistes se réjouissant du nombre de baptêmes, d'ordinations, de construction de monastères etc, avec de telles démonstrations d'enthousiasme qu'on croirait que le peuple russe en son entier était revenu à une piété profonde...

Les faits sont différents et il faut souligner le travail qu'il reste à faire que le réalise le père Georges ou cet évêque qui déplorait la mauvaise situation de la vie monastique en Russie. Des voix rappelant à la raison sont toujours bienvenues pour tempérer les personnes adeptes de l'autocongratulation et du triomphalisme.

Le cas que cite ici le Père Georges ne serait pas de celui de chrétiens fainéants mais de pseudo-chrétiens qui cumuleraient christianisme et communisme, c'est en effet un vrai problème.

Je tiens à préciser à Vladimir que l'Italie et l'Espagne n'ont pas cédé à la tentation nazi : le fascisme italien n'est pas le nazisme et le franquisme (à supposer qu'il s'agisse d'une idéologie car les nationaux regroupaient phalangistes, royalistes, et toutes sortes de droites) n'est pas non plus un nazisme.

Dans le cas particulier de la Russie, il faut avoir en tête que l'histoire est souvent faite par des minorités actives pendant que la majorité demeure passive et attend que ça se passe. A titre d'exemple, les nationaux-socialistes en Allemagne et les fascistes en Italie n'ont jamais eu de vrai majorité absolue en voix aux élections.

14.Posté par Héraclite le 07/11/2012 23:26
Ce prêtre a parfaitement raison . Ce qu'il décrit a été appelé "orthodoxisme" par Olivier Clément , de bienheureuse mémoire , comme on dit , càd être "orthodoxe" sans être chrétien . Ce n'est pas le baptême ,tel qu'il est compris , càd en contradiction avec la deuxième lettre de st Pierre , ni la chrismation , ni une eucharistie reçus sans réelle conversion , sans réelle metanoïa , qui font le chrétien orthodoxe . Je l'ai vu trop longtemps lorsque je fréquentais la paroisse "orthodoxe" du coin (exarchat de "tradition russe" , sous juridiction de Constantinople) . Le sacrement est le signe visible de ce qu'il signifie , disait je en sais plus quel théologien romain . C'est vrai , mais encore faut-il qu'il signifie quelque chose Or , sans metanoïa , il ne signifie rien . Ce n'est pas un gris-gris . Et il ne peut signifier quelque chose que si celui qui le reçoit a fait un véritable chemin de conversion , un catéchuménat , en somme .

Maintenant , que le retour du peuple russe ds les églises (temples) ait des effets "collatéraux" sur la bonne marche de la société , c'est certain , et Poutine n'est pas le dernier à l'avoir compris , mais il n'en demeure pas moins que l'Eglise doit veiller avec un soin jaloux à être absolument indépendante du pouvoir politique , quel qu'il soit . La fameuse doctrine byzantine de la "symphonie" a fait assez de mal en Europe depuis 16 siècles .

15.Posté par Marie Genko le 07/11/2012 23:26
Cher Daniel Fabre,

J'ai été pensionnaire durant huit années chez des religieuses catholiques, auxquelles je suis jusqu'à présent profondément reconnaissante pour tout ce qu'elle ont eu la patience de m'enseigner!

Je peux vous assurer qu'il nous était enseigné que manquer la messe le dimanche était un péché mortel!
Peut-être est-ce une des choses qui me choquaient dans cet enseignement?

Il me semblait que se rendre dans une église le dimanche devait être une joie et non une contrainte....!

C'est vrai que le temps de mes études est à présent fort loin dan le passé, mais je pense qu'il est impossible d'oublier ce genre de détail...!

Avec toute mon amitié Marie




16.Posté par Héraclite le 07/11/2012 23:34
@marie Genko

Relire les actes : "lls se montraient assidûs à la fraction du pain" ... Càd, la prolongation de la liturgie du shabbat le samedi soir , à la clôture de celui-ci . Donc , une fois par semaine . Sans liturgie hebdomadaire , le peuple n'entend pas la parole de Dieu , et il ne s'insère pas dans la communauté . Or il n'y a pas d'église (= assemblée) sans le tripode : Parole de Dieu , communauté et liturgie . Sinon , on tombe ds l'"orthodoxisme" .

P.S.: je ne suis pas protestant . Kto non plus . Juste agnostique , à force de ne côtoyer que de faux chrétiens

17.Posté par Marie Genko le 08/11/2012 09:13
Cher Héraclite,

Je crois que nous devons tous vous demander "Pardon"!

Pardonnez-nous de vous avoir choqué au point de vous avoir fait perdre votre Foi!

Pardonnez nous de ne pas avoir su vous accueillir et vous conseiller la lecture des Pères de l'Eglise, plutôt que celle des théologiens contemporains....!

Enfin pardonnez-nous d'avoir été pécheurs et tièdes dans notre Foi!

Cher Héraclite, essayez de prier, essayer de comprendre notre faiblesse à tous, et demandez au Seigneur de vous donner l'indulgence des coeurs qui aiment Dieu.

Avec toute mon amitié Marie



18.Posté par Héraclite le 08/11/2012 10:25
Marie , vous êtes une authentique chrétienne , car il semble que le "salut" de l'autre vous tienne à coeur . Les Pères de l'Eglise ? Certes , je ne les ai pas tous lus ds le texte !! je me suis contenté d'accéder à de bons bouquins qui les rendaient accessibles , comme l'"Introduction à la lecture des Pères de l'Eglise" . Mais depuis que j'ai découvert que certains d'entre eux , notamment st Jean Chrysostome , tenaient de la doctrine abominable de la substitution , au sujet d'Israël , je les vois avec un certain recul . Je rappelle que cette doctrine qui voudrait que Dieu ait abandonné le peuple d'Israël pour le remplacer par le soi-disant "verus israël" , née au II ième siècle , est en totale contradiction avec les écrits de St Paul ds la lettre aux romains .Il faut reconnaître que l'Eglise romaine est officiellement revenue là dessus , avec Vatican II . Ce pauvre Olivier Clément avait milité pour que les églises orthos fassent de même . Nous n'en sommes pas encore là . Peut-être que si le prêtre Alexandre Men était encore en vie , cela aurait fini par arriver . Mais passons .

Vous savez , j'ai pu me rendre compte qu'on propulse clercs mineurs des gens qui n'ont ni la connaissance théologique , ni , et c'est le plus grave , la bonté et la simplicité du coeur . On trouve des choses assez semblables chez les ktos . J'ai fini par en conclure que , si on voulait garder sa foi , mieux valait ne pas fréquenter ces gens là . Et , à force , et malgré les lectures , que je ne fais plus , car à quoi bon ? on finit par revenir au déisme de ses 20 ans . J'en ai 65 . 45 ans de perdus , en revenant à la case départ . donc , on perd la foi de toutes façons , soit par écoeurement , soit par inanition et solitude .

Néanmoins , je vous remercie , Marie . J'ai été tellement surpris de votre message que , dans un premier temps , je l'ai cru ironique . Prier ? C'est trop tard . Le monde est tellement mauvais , il est un lieu de souffrances tellement atroces pour trop d'êtres vivants , depuis trop longtemps , que je finis par adhérer à la théologie du tsoumtsim , c'est à dire la théologie du retrait de Dieu . Dieu a lancé le monde , le cosmos , comme on aime à dire ds le langage de l'orthodoxie , et puis , il s'est retiré . Et quand bien même ce serait bien Lui qui serait venu en la personne de Yeshouah de Nazareth, qu'est-ce que cela a changé ? il faut se rendre à l'évidence . Rien . La morale ? Ne pas faire à autrui ce qu'on ne voudrait pas qu'on vous fît ? Confucius l'avait déjà dit . Et un autre rabbi aussi : Hillel . Et sans doute tant d'autres . D'ailleurs cette maxime est certainement inspirée par Dieu .

19.Posté par Tchetnik le 08/11/2012 13:38
@Heraclite

La doctrine de la "symphonie" était propre à l'Empire Byzantin, pas au reste de l'Europe qui se fondait d'avantage sur la théorie des "deux glaives". Le système synodal Russe s'inspire d'ailleurs des églises protestantes d'Alleamgne du Nord.

Par ailleurs, que l'Histoire de l'Europe n'ait pas été parfaite, nul ne le conteste, mais ces imperfections peuvent avoir bien d'autres causes que les relations entre Église et pouvoir politique, relations qui ne sont pas nécessairement négatives et pas toujours inévitables.

Enfin, dire que, aujourd'hui en Russie, l'Église serait liée au pouvoir politique est un raccourci assez facile, emprunté par bien des médias Rotschildiens, mais qui ne correspond pas à la réalité. Les prises de position souvent critiques de certains clercs le prouve assez.


20.Posté par Daniel le 08/11/2012 14:23
@ Heraclite

Concernant la substitution, il faut quand même savoir que les Juifs de l'époque de Saint Paul n'ont rien en commun avec les Juifs de l'époque actuelle. A l'époque de Saint Paul, il n'y a pas de talmud, les sacrifices ont encore lieu dans le temple etc... Mais l'Eglise est bel et bien le nouvel Israël... C'est une toute autre question et c'est bien embêtant que vous ayez ouvert cette parenthèse car pour la refermer, il faudrait écrire bien des choses...

Je comprends votre douleur et votre déception... Mais votre attitude est assez trompeuse pour vous-même car en dénonçant les mauvais comportements des uns et des autres (réels je n'en doute pas) et en optant pour le retrait (compréhensible), vous vous mettez dans l'attitude un rien hautaine du seul pur, du seul unique qui se retire du monde corrompu... L'église n'a jamais prétendu être un lieu de gens parfaits, pour cela il faudra attendre le paradis... L'image qu'on donne de l'église est celle de l'hôpital où les gens peuvent recevoir la guérison de leurs passions. Mais il y a des gens qui stagnent, d'autres qui avancent car il y a des malades qui suivent les prescriptions du médecin, d'autres qui les ignorent, et d'autres encore qui font le contraire...

21.Posté par Marie Genko le 08/11/2012 15:00
Cher Héraclite,

Moi aussi je suis émue par votre message!
Je regrette infiniment de ne pas avoir assez de connaissances pour pouvoir vous démontrer que si St Jean Chrysostome a parlé contre Israël, il y a peut-être été poussé par les circonstances de l'époque dans laquelle il vivait....

Vous savez beaucoup de Russes sont encore blessés aujourd'hui par le nombre impressionnant de Juifs qui ont pris part à la révolution russe qui ont une lourde responsabilité dans les sanglantes répréssions à l'endroit de la contre révolution.
Rien n'est simple....
La nature humaine est ainsi faite qu'elle veut toujours imposer sa vérité et souvent par n'importe quel moyen!

Cher Héraclite, soyez indulgent pour les pauvres pécheurs que nous sommes tous!
Et croyez moi, la seule lecture qui ne vous décevra jamais, est celle de l'Evangile!

Cet Evangile qui nourrit chacun d'entre nous de son inaltérable Vérité!

Avec toute mon amitié Marie

22.Posté par Vladimir le 08/11/2012 19:40
Bien cher Héraclite,

Je suis très heureux que vous ayez apprécié le témoignage du père Georges à sa juste valeur et que vous ouvriez plusieurs pistes d'approfondissement intéressantes (j'espère en particulier que Daniel nous trouvera un bon texte expliquant la substitution).

Votre témoignage nous "interpelle" tous et je partage l'émotion de Marie Mais que pensez-vous de cette réponse du père Alexandre?
http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/Le-don-au-monde-d-apres-le-pere-Alexandre-Schmemann-La-veneration-de-la-Vierge-Marie_a2748.html


23.Posté par Colomban le 12/11/2012 11:02
Très beau texte Réflexion combien vraie sur la masculinisation du monde , ce uqi le rend invivable . C'est une chose que je ressens depuis au moins 30 ans . Le paradoxe est que , ds les sociétés "développées" (et décadentes) , cela va de pair avec la tantouzardisation galopante de nos démocra"ss"ies . Sur la place de Marie , la Mère de Dieu , oui , j'ai été très très tourné vers sa personne . trop peut-être . Cela finit par occulter Dieu . Nos excès en la matière nourrissent la critique protestante . C'est fâcheux . Si je ne devais ne garder qu'une seule chose du prêtre Alexandre Schmemann , c'est cette parole : "La pire chose qui pourrait arriver à l'orthodoxie , c'est qu'elle devienne une religion!" ... Hélas , c'est déjà fait depuis longtemps , par exemple lorsqu'on a vu un hiérarque russe condamner un prêtre de paroisse qui voulait simplement remplacer le slavon par le russe , afin de permettre l'évangélisation par la liturgie ...

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