l’Église orthodoxe russe et l’Église catholique romaine peuvent-elles vraiment se considérer comme alliées ?
Vladimir GOLOVANOW

Les relations avec Rome préoccupent toujours le patriarcat de Moscou et on peut voir, en fait, deux plans distincts: les discussions au sommet sont au beau fixe, et c'est principalement cela que nous constatons ici ( PO), alors qu'ailleurs sur le terrain, en particulier en Ukraine, le problème uniate reste crucial car le coté catholique ne semble disposé à aucune concession concrète. Ainsi dans la récente interview du métropolite Hilarion de Volokolamsk ( PO), dont je reprends les extraits traitant des relations avec les autres confessions et religions (citation 1), le métropolite commence par se poser en opposition à l'uniatisme et ne développe qu'ensuite les raisons d'une alliance objective avec les Catholiques et indique in fine les limites aux dialogues interconfessionnels et interreligieux.

l’Église orthodoxe russe et l’Église catholique romaine peuvent-elles vraiment se considérer comme alliées ?
Ainsi aussi de la prise de position du Patriarche (source 2), où Sa Sainteté commence par parler des positions communes aux deux Églises, pour dénoncer in fine le prosélytisme grecque-catholique en Ukraine. Et il est clair que les dernières déclarations du jeune primat nouvellement élu de l'Église grecque-catholique d'Ukraine demandant le statut patriarcal ( PO) renforcent et justifient ces accusations.

Le silence de Rome sur ce sujet apparait alors comme surprenant … ou significatif: ne s'agit-il pas d'un double jeu qui justifie les imprécations et anthems des ennemis du dialogue œcuménique? ( PO) Voir aussi

Citation 1:

– Il y a quelques temps, intervenant lors d’un congrès international en Allemagne, vous avez déclaré que l’Église orthodoxe russe et l’Église catholique romaine ne devaient pas se considérer comme concurrentes, mais comme alliées, avant tout dans le domaine de la défense des droits des chrétiens. Comment deux Églises peuvent-elles se positionner comme alliées sans nuire à leur intégrité ?

– J’appelle à ce qui est en fait exactement le contraire de l’uniatisme, ce moyen de rapprochement fondé sur des compromis doctrinaux. J’invite à apprendre à agir en tant qu’alliés, sans le moindre compromis dans le domaine de la doctrine, sans aucune tentative de niveler artificiellement les divergences qui existent entre nous dans le domaine de la dogmatique, de la doctrine de l’Église et de la primauté à l’intérieur de l’Église universelle, sans prétendre à résoudre les problèmes qui existent entre nous, sans être une seule Église, sans que nous avions une administration commune, sans communion eucharistique et en conservant les différences qui font notre différence. C’est particulièrement important à la lumière des défis communs qui se posent aux catholiques et aux orthodoxes. Il s’agit avant tout du défi de la sécularisation qui est tout autant l’ennemi des catholiques que des orthodoxes, du défi des courants agressifs de l’islam, du défi de la dépravation morale, de la désagrégation de la famille, du rejet de l’ordre familial traditionnel chez beaucoup de membres des pays traditionnellement chrétiens, du libéralisme dans le domaine de la théologie et de la morale qui ronge le christianisme de l’intérieur. Nous pouvons répondre ensemble à ces défis et à d’autres. Nous n’avons pas besoin de compromis doctrinaux, nous avons besoin de collaborer et de coopérer.

… Les thèmes et la volonté de conservation sont très forts, ils font parfois office de leitmotiv, ou bien sont carrément exagérés. On est en présence d’une évidente hyperbole des peurs et du choc culturel devant les innovations technologiques... Cet état d’esprit conservateur apparaît également lorsqu’il s’agit de relations interconfessionnelles, d’œcuménisme.

… Je pense que l’alliance d’un sain conservatisme et d’une ouverture aux défis de la modernité doit être inhérente à l’Église orthodoxe à toutes les étapes de son existence historique. Il n’y a aucune contradiction, par exemple, entre la conservation de la pureté de l’Orthodoxie et les contacts avec les chrétiens hétérodoxes sous une forme ne contredisant pas la Tradition de l’Église.
Vous avez mentionné l’œcuménisme. Il y a œcuménisme et œcuménisme. Il y a des formes malsaines d’œcuménisme : on gomme les frontières entre confessions, les relations inter-chrétiennes consistant à rechercher des compromis dogmatiques. L’Église orthodoxe n’acceptera pas ces compromis. Mais s’il s’agit de dialoguer avec les chrétiens hétérodoxes afin de mieux définir les différences qui existent entre nous et d’élaborer un mode de relations en dépit de ces différences, je pense que nous ne pouvons qu’approuver ce type d’échanges inter-chrétiens. Et ils ne portent en tous cas nullement atteinte à la pureté de l’Orthodoxie.

– En tant que chef du Département synodal des relations extérieures, dites-nous en quoi la politique extérieure de l’Église diffère des relations diplomatiques profanes ?

– La sphère d’activité du Département des relations extérieures est très large et variée. Nous nous occupons en premier lieu des relations de l’Église orthodoxe russe avec les autres Églises orthodoxes. Nous partons du fait qu’entre les Églises locales la communion eucharistique est plénière et qu’il n’existe entre nous aucune divergence dans le domaine de la dogmatique, de la morale, de la doctrine sociale. Cependant, il peut exister différentes approches dans certains aspects pratiques du quotidien ecclésiastique. Il arrive également des « controverses territoriales », lorsque pour des raisons historiques deux Églises orthodoxes prétendent au même territoire. Et tout en maintenant la dimension fraternelle des relations avec les Églises orthodoxes locales, nous sommes parfois amenés à défendre les intérêts de notre Église.
Quant aux relations avec les autres confessions chrétiennes, leur format et leur thématique varie souvent en fonction de la proximité de la doctrine et de la pratique d’une confession donnée avec les nôtres. Les plus proches de nous sur le plan doctrinal sont l’Église catholique romaine et les Églises orientales dites préchalcédoniennes, des Églises qui ne sont pas en communion eucharistique avec nous, mais ont conservé une doctrine de l’Église et des sacrements semblable à la nôtre. Les différentes dénominations protestantes sont beaucoup plus éloignées de nous.

En dehors des différences doctrinales, une autre sphère de divergences radicales est apparue ces dernières décennies. Plusieurs communautés et confessions protestantes se sont engagées ces dernières années sur la voie de la révision de la doctrine morale chrétienne afin de l’adapter au plus près aux normes séculières modernes. Il existe déjà des communautés protestantes qui reconnaissent les mariages homosexuels. Il y en a même qui ont composé des rites spéciaux pour ce type d’union. Dans certaines communautés protestantes, des homosexuels affichés sont ordonnés au plus haut niveau hiérarchique. Nous ne pouvons accepter ce genre d’innovations, et, dans certains cas, nous rompons les relations, cessons toute espèce de contact avec ces organisations, dans la mesure où leurs positions sont absolument irréconciliables avec les nôtres.

Le Département des relations extérieures entretient également des rapports avec les représentants d’autres religions. Ces contacts visent avant tout à la recherche d’une coexistence pacifique, à l’élaboration d’un mode de coopération dans les domaines dans lesquels nous pouvons collaborer. Et ces domaines sont très nombreux. Avec les représentants de certaines religions nous entretenons un dialogue théologique. Depuis plus de dix ans, par exemple, l’Église orthodoxe russe dialogue avec les musulmans d’Iran. Nous soulevons un large spectre de thèmes : notre perspective de la vie après la mort, notre compréhension de la mission de la religion dans le monde contemporain.

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Fin de citation 1, source 2:

Lors du concile épiscopal de l'Eglise russe à Moscou, le 2 février 2011 ( PO), le patriarche Cyrille de Moscou a souligné que "la discussion sera difficile et de longue haleine". Mais, il a aussi observé que, sur de nombreuses questions, les positions sont communes. Il a notamment cité: le sécularisme libéral, les aspects négatifs de la mondialisation, les questions d'éthique sociale et économique, la crise des valeurs familiales, la destruction des valeurs de la morale traditionnelle. "Sur ces sujets, nous avons des perspectives de coopération dans les organisations internationales comme l'ONU et l'UNESCO, ainsi que l'OSCE - en particulier sur la discrimination dont sont victimes les chrétiens" a-t-il aussi indiqué. Il a rappelé qu'en 2009, l'Eglise russe a exprimé sa solidarité avec les catholiques italiens lors d'une décision de la Cour européenne des droits de l'homme sur l'inadmissibilité de la présence de crucifix*** dans les écoles italiennes. "Ce fut une attaque directe contre la tradition chrétienne européenne dans son ensemble" a-t-il dit. Toutefois, il a également noté que la situation dans l'ouest de l'Ukraine, entre communautés orthodoxes et communautés grecques-catholiques, reste difficile, "cette question reste non résolue et nécessite des mesures pratiques et concrètes du côté catholique".
***Source: orthodoxie.com





Rédigé par Vladimir GOLOVANOW le 14 Avril 2011 à 14:52 | 2 commentaires | Permalien



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