Patriarche – Theologiens heretiques, 2 Textes:


Au sujet de la théologie grecque contemporaine – et aussi, en marge, au sujet des paroisses grecques a l'étranger, pour la grande satisfaction sans doute de Tchetnik voici un petit texte de Photis Kontoglou, grand iconographe, poète et écrivain grec, écrit bien avant 1965, année de son décès, quand les choses n'étaient pas encore arrivées au point où elles sont aujourd'hui. Ayant écrit cela il y a presque 50 ans, que dirait-il aujourd'hui? Je traduis du grec:

1. Photis Kontoglou
LA VERITABLE THEOLOGIE

Ici en Grèce, non seulement nous ne lisons pas les Pères mystiques qui ont illuminé l'Orthodoxie, mais nous ne savons même pas qu'ils existent. Pour les théologiens, l'Orthodoxie a fini par devenir en un mot vide, puisque son essence mystique leur est inconnue, tout comme leur propre tradition. Nos théologiens prennent les lumières de l'Occident, car là-bas, la théologie est devenue une science, et leur vaine-gloire est flattée par cette chose. La foi, pour eux, n'a aucune importance. Vous me direz: "Théologie sans foi, est-ce possible?" Et moi aussi, je vous demande, avec le même étonnement: "Théologie sans foi, est-ce possible?"

Dans les pays occidentaux et en Amérique, beaucoup de monde s'est tourné vers l'Orthodoxie par soif de la Vérité. En Grèce toutefois, seul un tout petit nombre de gens et quelques vieux-calendaristes lisent les livres des Saints Pères, exception faite de Sts Basile et Chrysostome que les théologiens tiennent pour rhéteurs et des philologues de la langue grecque ancienne. Les livres des Pères mystiques ne sont plus réédités et deviennent des raretés

L'Eglise officielle imprime les bavardages insipides de divers théologiens modernistes, vides de toute substance, qui montrent seulement la nudité incroyable de ceux qui les écrivent. Ce n'est que récemment que l'Apostoliki Diakonia [éditions de l'Eglise de Grèce] a entrepris d'imprimer la Patrologie de Migne. Mais cette édition n'est faite que pour les théologiens et non pas pour les fideles, puisqu'elle est dans la langue ancienne. De plus, la publication de la Patrologie n'a aucune justification substantielle, car étant donné le caractère occidental de la culture générale de nos théologiens, lesquels n'ont aucune connaissance approfondie de l'essence de l'Orthodoxie et de notre tradition, cettte édition aussi devient un événement sans signification profonde, puisqu'il n'existe pas de terre orthodoxe dans laquelle elle pourrait prendre racine.

Que les Occidentaux et les Protestants se tournent vers les Pères de l'Orthodoxie est dû en grande partie aux théologiens russes blancs qui ont été dispersés dans divers pays et ont illuminé les âmes par la sagesse de leurs homélies, par la vertu de leur vie et par leur piété traditionnelle. Tandis que les cléricaux que nous-mêmes nous envoyons dans les diverses paroisses à l'étranger sont les plus ignorants de ce que veut dire Orthodoxie, et nos églises à l'étranger n'ont aucune orientation religieuse, mais sont devenues des centres de réunions sociales de congénères chaque dimanche.

Ainsi donc, l'Orthodoxie, c'est à dire la forme première et non-distorse de l'Eglise, redevient le soutien de tous les hommes qui cherchent un havre de salut et la règle de la Foi chrétienne.

En Europe et en Amérique on a traduit entretemps en plusieurs langues la Philocalie - ce livre admirable qu'à Athènes tu ne trouves que dans les collections des bibliophiles, inutilisé et oublié sur une étagère couverte de poussière, comme un objet archéologique -, l'Evergetinos, les Lettres de Saint Basile et de plusieurs autres Pères, les discours de Saint Syméon le Nouveau Théologien, quelques oeuvres de Nicétas Stéthatos et d'autres encore. Quant à nous, hélas, nous nous agitons pour paraitre comme scientifiques et plus européens que les Européens. Seul quelque "zélote", retardé selon les perroquets modernistes, lit de tels livres.

Les discours de Saint Symeon le Nouveau Théologien sont à présent traduits en français, en allemand et en anglais, le russe excepté, car dans cette langue ils ont été traduits déjà à l'époque où parut la première édition imprimée en grec à partir des manuscrits anciens. Dans la langue grecque simple il existe une admirable traduction, faite avec crainte de Dieu par le "très vénérable moine Dionysios Zagoraios vivant en ascèse sur l'ile déserte appelée Piperi en face de la Sainte Montagne", imprimée en 1886 à Syros.

Mais nous, comment condescendrions-nous donc à lire de telles choses, traduites en plus par un caloyer inculte assis et écrivant sur quelque rocher, sur une ile inhabitée du nom de Piperi, en compagnie des mouettes? Nous, nous lisons les sages et dignifiés professeurs qui écrivent assis dans des fauteuils à Paris et à Berlin! Nous n'entendons pas ce que dit Dieu par la bouche du Prophète: "Sur qui poserai-Je Mon regard si ce n'est sur l'humble et tranquille qui tremble à Mes paroles". Comment pourrions-nous soupçonner la richesse mystique qui se cache dans de telles âmes sanctifiées?

Bref, depuis lors, cette traduction n'a jamais été réimprimée en Grèce où l'on imprime des sottises de toutes sortes, ce qui révèle dans quelles ténèbres spirituelles nous nous trouvons, cléricaux et laïcs. En vertu de notre "progrès", nous avons mis "la lampe sous le boisseau", et sur le lampadaire nous mettons les profondes sottises que je viens de mentionner, et nous attendons qu'elles nous illuminent. Les mystagogues les plus profonds qui soient apparus en ce monde, nous les tenons pour dignes d'être lus juste par quelque vieux-calendariste inculte. Quant à nous les réveillés et modernisés, nous avons appliqué notre astuce aussi aux mystères de la Foi, et nous aimons les grands mots et les théories scientifiques, ce que dit tel athée sur le Christ et Sa religion, ou un quelconque impie camouflé, parce que ces choses procurent de la nourriture a notre égoïsme. Et nous nous bouchons les oreilles pour ne pas entendre l'apôtre Paul qui crie: "Dieu n'a-t-Il pas rendu folle la sagesse de ce monde?"

Mais à côté de ces gâtés dont je parle, il y a aussi une foule d'hommes qui ressentent profondément l'essence de notre Foi, la grande signification de notre vie liturgique et de notre sainte Tradition. Et pour ceux qui n'ont pas de livres patristiques, du genre de ceux mentionnés plus haut – et cela concerne presque tous les Grecs, car l'indifférence de ceux qui sont chargés de ce travail, a privé les gens de cette nourriture incorruptible et sainte - , je m'efforcerai avec mes forces restreintes de leur transmettre ce que je pourrai des trésors méprisés de nos ancêtres. Puisque les théologiens se sont fait "philosophes" et scientifiques, devenons donc nous-mêmes théologiens, sans autre bagage que notre seule Foi, conformément aux paroles profondes de Saint Nil: "Si tu pries vraiment, tu es théologien."

Traduction Justine

Rédigé par Justine le 9 Octobre 2014 à 09:54 | 9 commentaires | Permalien



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