Interfax rapporte que Mgr Hilarion de Volokolamsk, chef du département des relations extérieures de l'Église et souvent présenté comme № 2 du patriarcat de Moscou, a rappelé que l'Église Russe autorise les mariages mixtes entre chrétiens de différentes confessions.

"Les « Fondements de la doctrine sociale » autorisent les mariages mixtes, et pourtant tous les prêtres ne les acceptent pas" a déclaré le métropolite à Moscou ce jeudi 4 février, au cours de la réunion de la conférence plénière du comité consultatif interconfessionnel chrétien des pays de la CEI et de la Baltique. (Cette instance consultative doit contribuer à la coopération entre orthodoxes, catholiques et protestants de ces pays dans la défense commune des valeurs chrétiennes; le thème principal de cette conférence est la famille chrétienne). Il a reconnu qu'il reçoit souvent des plaintes de fidèles à qui des prêtres refusent le mariage religieux avec des fidèles d'autres confessions. "Ainsi, a dit le métropolite, il y a un problème quand il existe une position officielle, mais qu'on ne la connaît pas en pratique"

Mgr Paolo Pezzi, archevêque de l'archidiocèse de Notre Dame à Moscou, a appelé les paricipants de la réunion à "rechercher ensembles les moyens de surmonter la crise morale" et à élaborer en commun l'approche pastorale des principes de la famille traditionnelle, c'est-à-dire "monogame et multi-enfantine" (1)

Note (1) le traducteur vous prie de l'excuser pour ce néologisme qui peut seul rendre l'idée de "моногамной и многодетной"
V.G.

Rédigé par Vladimir Golovanow le 5 Février 2010 à 11:56 | 12 commentaires | Permalien


Commentaires

1.Posté par Daniel le 07/02/2010 00:31
L'Eglise de Russie célèbre de tels mariages depuis Pierre le Grand qui, dans son zèle modernisateur et occidental, lui a imposé cette mesure contraire aux canons de l'église orthodoxes qui interdisent tout mariage entre orthodoxes et hérétiques... Les prêtres en question ne font qu'appliquer les canons de la sainte Eglise... L'Eglise de Grèce s'est mise à célébrer de tels mariage au début du 19e siècle. Mais en Géorgie, pays bien plus traditionnel sur bien des points, jusqu'à nos jours ces mariages sont interdits à l'Eglise, ce qui n'est que la stricte application des canons... Personnellement, je m'en réjouis.

2.Posté par père Serge le 07/02/2010 11:16
1e Epître du saint Apôtre Paul aux Corinthiens, 7 :

Si un de nos frères a une femme non croyante, et que celle-ci soit d'accord pour vivre avec lui, qu'il ne la renvoie pas.
Et si une femme a un mari non croyant, et que celui-ci soit d'accord pour vivre avec elle, qu'elle ne renvoie pas son mari.
En effet le mari non croyant se trouve sanctifié par sa femme, et la femme non croyante se trouve sanctifiée par son mari croyant.

3.Posté par Cathortho le 07/02/2010 15:14
Daniel se réjouit de ce que en Géorgie l'Eglise interdit le mariage entre orthodoxes et " hérétiques ". Daniel a bien entendu parfaitement le droit de penser ainsi, mais penser ainsi c'est non seulement se mettre en opposition par rapport à Saint Paul, comme le prouve la citation postée par père Serge, mais également ranger Saint Paul parmi les hérétiques !
A propos du terme " hérésie " si fréquemment employé à la moindre occasion par nombre de mes frères et soeurs orthodoxes (très souvent d'ailleurs orthodoxes convertis) il me semble non dénué d'intérêt de citer ici un article publié par Ioann Sviridov publié dans le " Messager socio-religieux " du 12 déc. 1996, repris dans la revue sans doute qualifiée d' " hérétique " par Daniel puisque revue catholique, je veux parler de la revue Istina (XLIV, 1999, n°3, traduit du russe par F. Suel-Haverland).

I. Sviridov propose de distinguer " hérésie ", " théologoumène " et " opinion théologique personnelle ".
Pour I. Sviridov :
" Le théologoumène c'est l'opinion théologique de penseurs religieux autorisés et de Pères de l'Eglise, qui apparaît au cours de discussions mais au sein de l'Eglise."
" L'opinion théologique personnelle c'est l'opinion de théologiens et de philosophes religieux vivant en diverses périodes de l'histoire de l'Eglise."
Enfin, " L'hérésie c'est l'essai de changer l'enseignement dogmatique de l'Eglise par un enseignement personnel."
Et I. Sviridov de préciser :
" A permière vue, hérésie et théologoumène se ressemblent fort. Par exemple, on peut trouver chez sanit Grégoire de Nysse des déclarations sur l'enseignement de l'apocatastase qu'il a héritées des origines de l'Eglise. Ces déclarations ne concordent pas avec l'enseignement conciliaire reçu partout, mais, oserions-nous dire pour cette raison que saint Grégoire est hérétique . "


4.Posté par Daniel le 07/02/2010 15:44
Merci Père Serge pour ce rappel de l'épître de Saint Paul aux Corinthiens. Nous devons toutefois préciser que l'extrait concernait les couples déjà mariés et dont l'un des membres devenait chrétiens. C'est ce que précise Saint Jean Chrysostome dans son homélie 19, quand il commente le passage :

«Car il ne s'agit pas ici de personnes libres, mais de personnes mariées. L'apôtre ne dit pas: Si quelqu'un veut prendra un infidèle , mais : « Si quelqu'un a une femme infidèle »; c'est-à-dire, si quelqu'un déjà marié, reçoit l'enseignement de la vraie religion, et que l'autre partie tout en restant infidèle consente néanmoins à rester dans le mariage, qu'il ne s'en sépare point : «Car le mari infidèle est sanctifié par la femme ».

http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/chrysostome/corinthiens/1co19.htm

Il faut savoir que les premiers chrétiens étaient souvent des adultes rejoignant l'église par le baptême. Le Père Jean Meyendorff, que nul n'accusera de fondamentalisme intégriste, dans son livre, "le mariage dans perspective orthodoxe", rappelle que le mariage orthodoxe est normalement endogame : mariage au sein de la communauté orthodoxe, quoiqu'il accepte personnellement qu'ils soient célébrés au sein l'église orthodoxe. Il y rappelle toutefois les nombreux canons qui interdisent ces mariages mixtes...

C'est le cas du canon 14 du Quatrième concile œcuménique, des canons 10 et 31 de Laodicée, du canon 29 de Carthage. Le canon 72 du Sixième concile in Trullo dissout le mariage entre un homme ou une femme orthodoxe et un hérétique. Le voici cité "in extenso". Il clarifie dans le même sens que Saint Jean Chrysosotome la phrase de Saint Paul :

"Qu'il ne soit pas permis a un homme orthodoxe de s'unir à une femme hérétique, ni à une femme orthodoxe d'épouser un homme hérétique et si pareil cas s'est présenté pour n'importe qui, le mariage doit être considéré comme nul et le contrat matrimonial illicite est à casser, car ii ne faut pas mélanger ce qui ne se doit pas, ni réunir un loup a une brebis. Si quelqu'un transgresse ce que nous avons décidé, qu'il soit excommunié. Quant à ceux qui étant encore dans l'incrédulité, avant d'être admis an bercail des orthodoxes, s'engagèrent dans un mariage légitime, puis, l'un d'entre eux ayant choisi la part la meilleure vint à la lumière de la vérité, tandis que l'autre fut retenu dans les liens de l'erreur sans vouloir contempler les rayons de la lumière divine, si l'épouse incroyante veut bien cohabiter avec le mari croyant, ou vice versa le croyant avec la non-croyante, qu'ils ne se séparent pas, car selon le divin apôtre, "le mari non croyant est sanctifié par sa femme, et la femme non croyante est sanctifiée par son mari".

De nombreuses églises se montrent adeptes de l'économie en la matière, mais cela ne doit pas faire oublier la "norme" qui est bien le mariage entre orthodoxes... D'ailleurs, si la mariage vise à constituer une petite église, je ne comprends pas comment cela serait possible en partageant des fois différentes...

Etant donné que le mariage est un mystère mais que les mystères se donnent dans l'Eglise (seuls communient les orthodoxes, seuls sont chrismés les orthodoxes, seuls deviennent prêtres les orthodoxes), pourquoi le mariage serait-il le seul mystère qu'on pourrait donner à un non-orthodoxe (marié à un orthodoxe) mais demeurant dans son hétérodoxie. N'est pas amoindrir le sens du mariage en tant que mystère et le ravaler à une simple bénédiction? A-t-il été alors pertinent d'autoriser le mariage mixte à l'église et en plus, avec exactement le même office qu'un couple orthodoxe? Ne serait-il pas possible d'envisager une autre option comme un moleben? Cela a-t-il un sens aujourd'hui alors que le mariage civil est possible? Les fidèles se posent-ils la question du lien entre le choix du conjoint et la foi?S Bref autant de questions qui mériteraient à mon avis une réflexion très poussée. Je tenais à souligner que la position des prêtres refusant le mariage mixte était défendable canoniquement et entièrement dans la tradiction de l'église et que le sujet n'était pas aussi simple qu'un "Léglise russe autorise le mariage mixte, l'église géorgienne non etc".

Je précise que je n'attaque pas les personnes engagées dans des mariages mixtes, choix que je respecte mais que je pense que la contradiction entre la règle et la pratique (les mariages mixtes sont très fréquents) exige qu'on se penche sérieusement sur la question.


5.Posté par Cathortho le 07/02/2010 18:35
A propos des canons de l'Eglise :
" Les canons de l'Eglise sont des règles (de droit) qui fixent le cadre dans lequel vit l'Eglise. Ils ont été décidés par des conciles ou synodes, voire repris d'écrits de certains Pères (p. ex. saint Basile), durant plusieurs siècles et dans différents coins du « monde connu » de l'époque (de la Gaule à Alexandrie, de Carthage à Constantinople, etc.). Par conséquent – et c'est normal –, certains canons en contredisent d'autres, d'autres sont d'application purement locale (ex : que l'évêque de telle ville antique ne se mêle pas des affaires de tel autre évêque), d'autres encore sont pratiquement inapplicables dans les conditions de la vie moderne (ex : l'interdiction de s'asseoir à table avec des hérétiques : comment faire avec les collègues de travail ?, l'interdiction pour une femme de porter une tenue d'homme : quid des pantalons ?), d'aucuns enfin sont effectivement complètement « dépassés » (qui fait encore serment par les dieux païens ? Qui professe l'hérésie des Phrygiens ? Qui célèbre la Liturgie avec du lait et du miel ? J'en passe, et des meilleures).

Les canons nécessitent donc souvent une mise en contexte ou une explication. Si l'on fait le parallèle avec le droit civil, on pourrait dire qu'il ne suffit pas de lire la législation (canon), il faut aussi en comprendre l'intention, la jurisprudence et les interprétations (applications par l'Eglise). Ainsi, par exemple, l'application des règles sur le re-baptême des hérétiques (que Jean-Serge exhibait fièrement pour les appliquer automatiquement aux catholiques-romains) a fort varié selon les époques et les lieux (une étude de feu Mgr Pierre L'Huillier et une autre du prof. Michel Stavrou montrent bien les grandes différences de pratiques en matière de « modes de réception » dans l'histoire de l'orthodoxie). Les livres liturgiques russes (d'avant la révolution !) en prévoient trois : baptême, chrismation et simple pénitence. Les catholiques sont reçus selon le 2e mode et pas le premier (si l'on veut tout faire « comme avant 1917 », c'est cette règle qu'il faut appliquer). Autre exemple, qui intéressera sans doute les lecteurs de ce forum : c'est sur base du même corpus canonique orthodoxe qu'au 20e siècle, le patriarcat de Moscou, l'Eglise russe hors-frontières et l'Archevêché de la rue Daru ont justifié leur existence (chacun excipant évidemment de certaines règles en sa faveur, ce qui montre qu'il n'y a pas de solution univoque sur base de la seule lecture canonique). En réalité, les canons ne pouvaient tout prévoir pour l'avenir (notamment l'existence des émigrations orthodoxes en Occident au 20e s.), et il faut maintenant discerner ce qui est applicable à notre situation ici et maintenant.

Pour conclure ce message, devenu involontairement trop long, j'ajouterai que les canons – même s'ils sont nécessaires à la vie de l'Eglise sur terre – ne sont pas des dogmes de foi et n'ont pas la valeur des saintes Ecritures. Dire que « la terre passera mais les canons ne passeront pas » est une aberration pure et simple. Dans l'Evangile, le Christ met constamment en garde contre une application littérale de certaines règles judaïques (équivalent de nos canons) et recherche ou fait rechercher par ses interlocuteurs le sens véritable de ces règles. Comme le disait le grand dogmatiste russe du 19e s. Bolotov, « est canonique ce qui sert l'unité de l'Eglise ! ».

P. Victorov "
Commentaire n °4467 du blog orthodoxieoccidentale


6.Posté par Daniel le 07/02/2010 22:16
Je pense que nous nous éloignons un rien avec les canons de la vraie question que j'essayais de soulever dans mes questions de la fin? Qu'est le mariage? Quel lien avec la religion? Je pense (opinion personnelle) que les canons qui indiquent le choix de l'église sont le fruit de cette réflexion. Je précise que ces canons sont quand même confirmé par les commentateurs les plus renommés, des Grecs comme Saint Nicodème l'Hagiorite ou Balsamon...

Pour mener cette réflexion, il faudrait se rappeler de Saint Paul qui fait le parallèle entre l'union du Christ et de l'Eglise et le mariage, parallèle très fort qui suppose à mes yeux une identité de foi car l'Eglise est le corps du Christ. On pourrait aussi se demander : si on accorde le sacrement du mariage à un on ortodoxe, pourquoi lui refuser la communion qui est aussi un sacrement? On pourrait aussi se demander quel est le but du mariage. Si c'est aller vers la sainteté ensemble, et se raffermir mutuellement dans la foi, comment le faire avec des fois différentes? On pourrait relire l'office orthodoxe du mariage et certains extraits qui suppose une foi commune. Ne se remémore-t-on pas l'histoire du serviteur d'Abraham qui fit un long chemin pour trouver à Isaac une femme partageant la même foi? Ne dit-on pas dans les prières : "Confirme leurs fiançailles dans la foi" ou " affermis -les dans l'unité qui vient de Toi"... On pourrait aussi s'interroger sur la valeur d'une décision imposée à l'église par Pierre le Grand etc. On pourrait se demander si l'on ne fait pas une part trop belle à l'amour romantique et si on se rappelle du sens du mariage chrétient etc.

Dans tous les cas, le professeur Meyendorff quoi que non hostile à la célébration de tels mariages, semblait estimer que le mariage se concrétisait vraiment par la communion des deux époux au même calice (et il en était ainsi lors de l'usage antique). Mais cette communion n'est possible que si l'on partage la même foi.

C'est un sujet très vaste et qui ne peut être traité dans une brève déclaration à Interfax, ni sur un forum ou un blog. Je note au passage que vous semblez valider ma remarque sur le fait que Saint Paul ne parle pas du cas des hommes célibataires (le Père Jean Meyendorff reprend cette interprétation communément admise), comme quoi, il ne fallait pas m'accuser de m'opposer à Saint Paul. En effet, il est toujours souhaitable avec les Saintes Ecritures de rechercher une interprétation, une explication déjà faite par des pères de l'Eglise, de même qu'avc les canons, il est untile de se référer à leur commentaire. Cela évite des erreurs ou une interprétation à notre "sauce" humaine. Tout s'interprète en Eglise, avec la Tradition de l'Eglise... tradition ancienne qui fait que nous ne saurions nous contenter d'un document récent pour juger d'une question.

7.Posté par Daniel le 07/02/2010 22:24
Voici l'extrait de l'ouvrage du Père Jean Meyendorff traitant la question. Il estimait que le mariage mixte à l'église était une TOLERANCE PASTORALE qui "ne saurait supprimer l’espoir de l’Église de voir, un jour, ce mariage mixte atteindre son accomplissement dans l’unité de foi par la participation commune à l’Eucharistie des deux partenaires dans l’Église Une." Je me demande qu'elle est la valeur d'une tolérance, censée être exceptionnelle, qu devient généralisée... Enfin, passons.

"L’unité de la foi, c’est-à-dire un engagement commun vis-à-vis de l’Eglise orthodoxe, est la condition obligatoire pour un mariage chrétien. Les Conciles de Laodicée (canons 10 et 31), de Carthage (canon 21), ainsi que les quatrième et sixième Conciles oecuméniques (Chalcédoine, 14 et Quinisexte, 72) interdisent les mariages entre orthodoxe et non-orthodoxe, et prescrivent la dissolution de tels mariages s’ils ont déjà été conclus civilement.

Mais bien sûr, le problème ici ne réside pas seulement dans la forme. Il touche la véritable essence de ce qui fait qu’un mariage est réellement chrétien. Il est très certainement possible, pour deux êtres, sans être membres de la même Eglise, d’éprouver de l’amitié, de partager les mêmes intérêts, de ressentir une réelle compatibilité de caractère, et évidemment de tomber amoureux l’un de l’autre. Mais la question est de savoir si toutes ces affinités humaines peuvent être transformées et transfigurées par la réalité du Royaume de Dieu, lorsque le couple ne partage pas la même expérience de ce qu’est ce Royaume, lorsque l’un des deux n’est pas engagé dans cette seule et unique Foi. Est-il possible de devenir un seul corps en Christ sans prendre part ensemble à son corps et son sang précieux? Est-ce qu’un couple peut partager le mystère du mariage, mystère qui touche le Christ et l’Église, s’il ne prend pas part en même temps au mystère de la Divine Liturgie?

Ce ne sont pas là des questions purement formelles, mais assurément des questions essentielles que devraient se poser tous ceux qui envisagent de contracter un mariage « mixte ». Des solutions simples peuvent, bien sûr, être trouvées dans un relativisme confessionnel — « il n’y a pas tant de différences entre nos Églises » — ou simplement en éliminant l’Eucharistie du centre de la vie chrétienne. Cette dernière solution est, malheureusement, celle que suggère notre pratique actuelle qui consiste à utiliser le même ordo du couronnement pour les mariages entre deux chrétiens orthodoxes et pour les mariages mixtes. Ce qui rend cette pratique possible est, ainsi que nous l’avons vu plus haut, la désacralisation progressive du mariage, qui aboutit à sa séparation de l’Eucharistie. Dans l’Église primitive, les canons interdisant les mariages «mixtes», étaient compris par tous ; en effet, chacun savait qu’un orthodoxe et un non-orthodoxe ne pouvaient participer tous deux à l’Eucharistie, pendant laquelle justement les mariages étaient généralement bénis. Le récent usage protestant d’encourager «l’intercommunion » entre des chrétiens séparés, et l’approbation, encore plus récente, que l’Église catholique romaine a donnée à cette pratique, a encore un peu plus obscurci la question. L’engagement personnel et total vis-à-vis de l’Eglise visible du Christ dans l’Eucharistie, peut, en fait, à travers ces pratiques, être remplacé par une religiosité vague et relativiste dans laquelle les sacrements jouent un rôle très subsidiaire (18) "

8.Posté par Cathortho le 08/02/2010 13:55
Cher Daniel,

Au début de votre commentaire du 07/02/2010 22:16 vous écrivez : " Je pense que nous nous éloignons un rien avec les canons de la vraie question que j'essayais de soulever dans mes questions de la fin? " Si je comprends bien cette phrase peu claire vous semblez dire que la question des canons de l'Eglise éloigne de la question du mariage entre orthodoxes et " hérétiques ". C'est pourtant vous qui, dans votre commentaire du 07/02/2010 15:44, faites intervenir le " canon 14 du Quatrième concile œcuménique ", les " canons 10 et 31 de Laodicée ", le " canon 29 de Carthage " et le " canon 72 du Sixième concile in Trullo [qui] dissout le mariage entre un homme ou une femme orthodoxe et un hérétique " . Comprenne qui pourra !

Je me permets d'autre part de vous faire remarquer que les 7 premiers conciles sont reconnus à la fois par l'Eglise catholique et par l'Eglise orthodoxe et qu'ils se sont tenus avant leur séparation. Invoquer des canons émis par l'un de ces conciles pour accuser Rome d'hérésie est donc un non-sens qui défie la plus élémentaire logique.

Parmi les questions que vous désirez être débattues concernant la question du mariage je n'en relèverais qu'une : " Si c'est [le mariage ] aller vers la sainteté ensemble, et se raffermir mutuellement dans la foi, comment le faire avec des fois différentes? " Ainsi, pour vous, les catholiques ne professeraient pas la même foi que les orthodoxes et seraient ainsi, si les mots ont un sens, membres d'une religion autre que le Christianisme, au même titre que les juifs qui ne croient pas que Jésus est le Messie et que les musulmans qui rejettent avec horreur la Trinité ! Il me semble pourtant que orhodoxes et catholiques disent le même Credo excepté évidemment le passage sur la procession du Saint-Esprit mais qui n'est qu'un " théologoumène ", un point de vue théologique dont je ne cherche certes pas à remettre en cause l'importance, mais dont l'importance n'est cependant pas suffisante pour remettre en cause l'orthodoxie, l'opinion droite, de l'Eglise catholique en matière de foi en la Sainte-Trinité.

Enfin, je ne vois pas ce qui peut vous faire dire que je semblerais valider votre " remarque sur le fait que Saint Paul ne parle pas du cas des hommes célibataires " (sic) . Bien au contraire, votre remarque m'apparait comme hors de propos. Saint Paul est en effet très clair : " Si un FRERE [c'est à dire un frère en Christ] a une une femme non-croyante et qu'elle consente à habiter avec lui, qu'il ne la répudie point. " Il ne s'agit donc pas comme vous le dites de " couples déjà mariés et dont l'un des membres devenait chrétiens " auquel cas Saint Paul aurait écrit : " Si un HOMME " et non pas " Si un FRERE " , la qualité de frére indiquant à l'évidence que l'époux est déjà chrétien et non pas qu'il est en passe de le devenir.

Merci pour pour cet extrait de l'ouvrage du père Meyendorff que je ne connaissais pas, sur ce point, je suis obligé de reconnaitre que je suis en désaccord ave lui.


9.Posté par Daniel le 08/02/2010 21:01
Cher Cathorto, nous ne parlons pas de l'hérésie de Rome ici mais de ce que disent les canons sur les mariages entre orthodoxes et non orthodoxes. Si on voulait s'attarder sur les écarts de l'église catholique par rapport aux canons, je citerais ce canon qui interdit de changer la formule du symbole de Nicée, ce que l'église catholique a fait avec le filioque... Mais là n'est pas la question car nous parlons du mariage.

Les différences théologiques vont au-delà du filioque qui n'est pas un théologoumène mais qui dénature l'équilibre trinitaire. Il contredit la monarchie absolue du Père (source unique) qui engendre le Fils et duquel procède l'Esprit. La seule interprétation possible du filioque est que le "par le Fils" signifie l'envoi de l'Espri dans le monde; mais les catholiques donne au "par le Fils" le sens que le Fils prend part d'une façon ou d'une autre à la "spiration" de l'Esprit Saint. Le filioque a été condamné par l'église orthodoxe et même l'église de Rome par le concile de 879 qui anathématisa ceux qui modifiaient le symbole de Nicée. L'encyclique des patriarches orientaux de 1848 est très explicite au sujet du filioque : "Il fut soumis à anathème et considéré comme une nouveauté et une augmentation du Credo par le 8e concile oecuménique, réuni à Constantinople pour la pacification des Eglises d'Occident et d'Orient". A ce concile prirent part des représentants du Pape de l'époque, orthodoxe, avant que le siège de la papauté ne passe au main des Francs qui étaient favorables au filioque et que l'église catholique cesse de reconnaître ce concile. Les églises orthodoxes n'ont jamais cessé de le reconnaître même si tous ne lui donnent pas le titre d'oecuménique car, un concile est dit oecuménique par celui qui le suit, or aucun ne suivit ce 8e concile...

On peut aussi citer comme différences la grâce créée chez les catholiques, l'immaculée conception, l'infallibilité du pape, le culte du sacré-coeur de Jésus, le purgatoire, la communion sous une seule espèce, l'usage d'azymes pour la communion et la liste est loin d'être exhaustive...

Concernant le cas que donne Saint Paul, l'homme avant d'être chrétien était déjà marié à la femme non chrétienne puis il décide de devenir chrétien. Saint Paul lui dit de conserver sa femme dans ce cas précis. Il n'autorise pas le célibataire chrétien à prendre pour femme une non chrétienne. C'est ce que je voulais dire et ce que dit l'interprétation de Saint Jean Chrysostome dont nous fêtons en ce jour la translation des reliques de Comanes à Constantinople.


10.Posté par vladimir le 08/02/2010 23:25
Bien que ne partageant pas la rigueur de Daniel par esprit d'économie, je trouve important son rappel aux principes de bases: pourquoi un mariage religieux? Si c'est juste pour le folklore, sans réfléchir aux obligations que cela impose vis à vis de l'Église, faut-il l'accepter? N'y a-t-il pas un risque à force de "passer sur les différences", de laisser croie que ce n'est pas très important que le Catholicisme et l'Orthodoxie se valent...

Ceci dit, vaut-il mieux laisser les couples mixtes vivre dans le pêcher? Daniel propose-t-il d'inventer un PACS religieux? Les Catholique ont-ils vraiment la solution avec la bénédiction nuptiale, sans messe de mariage, alors que les Orthodoxe ont abandonné la messe depuis longtemps?

Bref il faut que les prêtres vérifient particulièrement le sérieux et les raisons des mariages mixtes ... et dans mon expérience ils le font ici.

11.Posté par Cathortho le 09/02/2010 17:06
Pour mettre un terme, en ce qui me concerne, à cette micro controverse rétro et stérile :
je me réjouis de ce que les mariages religieux entre orhodoxes et catholiques sont autorisés dans l'Eglise russe, raison de plus pour souhaiter le rassemblement de toutes les paroisses russes occidentales sous son autorité, en vue de la constitution d'une orthodoxie locale de tradition russe.

12.Posté par Isaak le 08/11/2016 22:27 (depuis mobile)
J'aimerais avant toute chose remercier vivement les différents intervenants de cette "diatribe amicale" sur la question du mariage mixte dans l'église orthodoxe.
Pour ma part, je suis à 100% en accord avec Daniel,.,et St Jean Chrysostome ! Merci !

13.Posté par Vladimir.G: L'Orthodoxie et les mariages mixtes le 09/11/2016 16:10
L'Orthodoxie et les mariages mixtes

«Si quelqu’un réprouve le mariage et dédaigne une femme fidèle et pieuse s’unissant à son mari, ou en désapprouve une autre comme ne pouvant entrer dans le Royaume de Dieu, qu’il soit maudit. Si quelqu’un de ceux qui gardent la virginité au nom du Seigneur vient à s’élever contre les personnes mariées, qu’il soit interdit de célébration». Canons 1, 9 et 10 du Concile de Gangre (date inconnue au milieu du IVe siècle)

"Pour le Chrétien, le mariage est bien plus qu’un simple contrat juridique, ou le moyen de perpétuer l’espèce et de satisfaire aux nécessités temporaires de la nature, il est, selon saint Jean Chrysostome, «le sacrement de l’amour», l’union éternelle des époux dans le Christ. Dès l’origine, les chrétiens ont marqué leur mariage de la bénédiction de l’Eglise et de la participation commune à l’Eucharistie, forme antique du sacrement du mariage.

«Ceux qui se marient doivent contracter leur union avec l’accord de l’évêque, afin qu’elle ait lieu dans le Seigneur et qu’ils ne se marient pas par concupiscence» écrivait le saint martyr Ignace le Théophore. Selon Tertullien, le mariage «affermi par l’Eglise, confirmé par le sacrifice [l’Eucharistie] est scellé par la bénédiction et enregistré dans le ciel par les anges». «Il est nécessaire d’appeler les prêtres et par des prières et des bénédictions d’affermir les époux dans leur vie commune afin… qu’ils vivent dans la joie, unis par l’aide de Dieu», disait saint Jean Chrysostome. Saint Ambroise de Milan montrait de même que «le mariage doit être consacré par l’intercession et la bénédiction du prêtre». (cf.1)

L'Orthodoxie et les mariages mixtes
La position face aux mariages mixtes varie fortement selon les Eglises. Ce thème est à l'ordre du jour du Concile panorthodoxe et les débats qui lui furent consacrés éclairent ces différentes positions. L'Eglise russe de son côté a pris très concrètement position en 2000 dans le texte cité ci-dessus et des réponses différentes sont apportées dans d'autres situations (voir plus loin). L'analyse suivante propose un résumé de ces positions.

Débats et consensus préconciliaires

Ce point fut d'abord débattu à la commission préparatoire de 1971 où les positions des différentes Eglise furent présentées. Un rapport consensuel et une proposition furent adoptés par la 2e Conférence préconciliaire (Chambésy, 1982). En voici l'essentiel (D'après la "Conférence sur la préparation du saint et grand concile de l’Eglise orthodoxe" du le métropolite Hilarion de Volokolamsk (2011))

Mariages avec les chrétiens hétérodoxes

L’Église russe accepte que « la sanctification, par le mariage ecclésiastique, des noces de chrétiens orthodoxes avec des chrétiens hétérodoxes, peut avoir lieu dans le cas où le côté non orthodoxe reconnaît la signification de la bénédiction de l’Église orthodoxe » …

b) L’Église de Grèce considère qu’il vaudrait mieux éviter les mariages mixtes, sans faire de différence entre les Églises et les confessions, et ne les permettre qu’en présence de circonstances particulières.

c) L’Église de Pologne propose, que conformément à l’esprit œcuménique et sur le fondement des relations locales interconfessionnelles, les mariages mixtes avec tous les baptisés soient reconnus valides.

"Il est évident, commente le métropolite Hilarion, que les opinions exprimées ici sont liées aux situations dans lesquelles se trouvent les Églises mentionnées. Ainsi, l’Église russe accomplit son ministère dans un milieu confessionnel mixte, l’Église de Grèce, dans un milieu ethnique et confessionnel unique, tandis qu’en Pologne, le milieu hétérodoxe est dominant. Dans ses conclusions, la commission décida que «ce problème n’implique pas un point de vue orthodoxe unique, ce dont témoigne la diversité de la pratique des Églises locales». Selon l’avis de la commission, «il serait souhaitable que la réunion préconciliaire laisse une relative liberté dans la résolution de cette question en tenant compte des conditions locales existantes»."

Position commune adoptée par la Conférence préconciliaire: elle confirme la proposition de la commission en ajoutant qu'il fallait "empêcher le mariage des orthodoxes avec les hétérodoxes selon l’acribie canonique, mais cependant le bénir par condescendance et humanité sous la condition définie que les enfants de ce mariage soient baptisés et éduqués dans l’Église orthodoxe. Les Églises orthodoxes locales autocéphales peuvent prendre leurs décisions, relativement à l’application de l’économie, dans des cas individuels, en fonction de leurs besoins pastoraux particuliers" (ibid.)

L'Orthodoxie et les mariages mixtes
Mariage entre orthodoxes et non-chrétiens ou non-croyants

Il y a un clivage encore plus net entre partisans d'une position rigoureuse et tenants d'une certaine souplesse.

Position rigoureuse: Pour l’Église de Chypre, «il est interdit au chrétien de conclure mariage avec les non-chrétiens » (14e canon du IVe concile œcuménique). De même l’Église de Tchécoslovaquie ne peut pas bénir le mariage d’un chrétien orthodoxe avec un non-chrétien (juif, musulman, etc.).

Position souple: L’Église russe reconnait que des mariages mixtes de cet ordre sont interdits par le 72e canon du concile "In Trullo", mais néanmoins, elle considère que «les conditions contemporaines de l’existence de l’Église de Dieu sur terre demandent avec insistance le retour à la pratique des trois premiers siècles du christianisme, relativement à la question des mariages mixtes». À cette époque, suivant l’apôtre Paul (1 Cor. 7,12 – 14,16) « l’Église avait une attitude condescendante envers les mariages mixtes». En outre, «dans les canons les plus anciens, il n’y a pas d’interdit en ce qui concerne cette question». L’Église de Grèce considère que la réunion préconciliaire pourrait permettre et appliquer l’économie dans la question du mariage avec les non-chrétiens. L’Église de Pologne propose de «discuter la possibilité de bénir l’un des deux futurs conjoints dans le cas où l’un des deux est non- croyant».

Dans le texte adopté unanimement la commission propose, «d’une part que soient étudiés les modes d’application de l’économie, d’autre part que soit laissée la liberté aux Églises locale de résoudre la question de l’application de l’économie en cas de nécessité» et la Conférence Préconciliaire a ajouté: «Le mariage entre orthodoxes et fidèles des autres religions ou des non-croyants est absolument interdit selon l’acribie canonique. Mais en cas de tels mariages, les Églises orthodoxes locales autocéphales peuvent néanmoins appliquer l’économie pastorale au conjoint orthodoxe, en fonction de leurs besoins pastoraux particuliers ».

Les bases de la conception sociale de l’Eglise orthodoxe russe
(Ch. X. Morale personnelle, familiale et sociale)(«Les Fondements de la doctrine sociale», Les éditions du Cerf-Istina, Paris, 2007, p.14-116.http://orthodoxeurope.org/print/3/6.aspx. Traduit du russe par Claire Jounievy (Ch. X. Morale personnelle, familiale et sociale)


Respect du mariage civil

"Le Saint-Synode de l’Eglise orthodoxe russe remarquait avec regret le 28 décembre 1998 que «quelques confesseurs regardent comme non valides les mariages civils ou exigent la dissolution du mariage d’époux ayant vécu ensemble de nombreuses années mais n’ayant pu pour différentes raisons célébrer leur union à l’église… Certains pasteurs et confesseurs ne délivrent pas la communion aux personnes mariées civilement, assimilant semblable union à la fornication». L’arrêt adopté par le Saint-Synode déclare: «tout en soulignant la nécessité du mariage sacramentel, rappeler aux pasteurs que l’Eglise orthodoxe regarde avec respect le mariage civil»."

Règle du mariage entre Orthodoxes

"La communauté de foi des époux membres du corps du Christ est une condition essentielle pour un mariage pleinement chrétien au sein de l’Eglise. Seule une famille unie dans la foi peut devenir «Eglise domestique» (Rom 16, 5; Phil 1, 2) dans laquelle le mari et la femme grandissent avec leurs enfants dans le perfectionnement spirituel et la connaissance de Dieu. L’absence de communauté d’idées représente une sérieuse menace à la plénitude de l’union conjugale. C’est pourquoi il est du devoir de l’Eglise d’appeler les chrétiens à contracter un mariage «seulement dans le Seigneur» (1 Cor 7, 39), c’est à dire avec ceux qui partagent leurs convictions chrétiennes."

Economie du mariage mixte:

"L’arrêt du Saint-Synode cité ci-dessus évoque également le respect de l’Eglise pour les mariages dans lesquels seul l’un des époux appartient à la foi orthodoxe, conformément aux mots de l’apôtre Paul: «Le mari non-croyant se trouve sanctifié par sa femme croyante et la femme non-croyante par son mari croyant» (1 Cor 7, 14). Les pères du Concile de Trullo se fondèrent également sur ce texte des Saintes Ecritures pour reconnaître valide l’union de deux personnes qui, «étant encore incroyantes et ne s’étant pas encore unies au troupeau orthodoxe, ont conclu un mariage civil», si par la suite l’un des époux se convertit (canon 72). Cependant, le même canon et d’autres définitions canoniques (4e Concile œcuménique, 14; Laodicée, 10, 31) de même que les œuvres des écrivains chrétiens de l’Antiquité et des pères de l’Eglise (Tertullien, Cyprien de Carthage, saint Théodorit et saint Augustin) s’opposent à la conclusion de mariages entre les orthodoxes et les représentants d’autres traditions religieuses.

Conformément aux prescriptions canoniques antiques, l’Eglise ne bénit pas les mariages conclus entre orthodoxe et non-chrétien tout en les reconnaissant comme valides et en ne considérant pas ces époux comme vivant en concubinage. Dans un esprit d’économie pastorale, l’Eglise orthodoxe russe, aujourd’hui comme par le passé, estime possible le mariage entre chrétiens orthodoxes et catholiques, membres des Eglises orientales et protestants confessant la foi au Dieu Trinité, à condition que le mariage soit béni par l’Eglise orthodoxe et que les enfants soient élevés dans la foi orthodoxe. La même pratique est observée depuis des siècles dans la plupart des Eglises locales."

L'Orthodoxie et les mariages mixtes

Historique de l'autorisation des mariages mixtes

"L’ukase du Saint-Synode du 23 juin 1721 autorisait le mariage des prisonniers suédois demeurant en Sibérie avec des jeunes filles orthodoxes, aux conditions exposées ci-dessus. Le 18 août de la même année cette résolution du Synode recevait un fondement biblique et théologique détaillé dans une Lettre Synodale spéciale. Le Saint-Synode s’est par la suite appuyé sur cette lettre pour les cas de mariages mixtes dans les gouvernements annexés de Pologne, ainsi qu’en Finlande (ukase du Saint Synode de 1803 et 1811). Dans ces régions, était d’ailleurs autorisée une définition plus libre de l’appartenance confessionnelle des enfants (cette pratique s’était temporairement étendue aux gouvernements des Pays Baltes). Enfin, les règlements sur les mariages mixtes furent définitivement fixés pour tout l’Empire russe dans les Statuts sur les consistoires ecclésiastiques (1883). Nombre de mariages dynastiques illustrent la pratique des mariages mixtes, où la conversion de l’époux non orthodoxe à l’Orthodoxie n’était pas considérée comme obligatoire (à l’exception du mariage de l’héritier du trône impérial). Ainsi, la sainte martyre grande-duchesse Elisabeth Fiodorovna épousa-t-elle le grand-duc Serge Alexandrovitch, tout en demeurant membre de l’Eglise évangélique luthérienne. Ce n’est que plus tard, qu’elle se convertit à l’Orthodoxie par un choix personnel."

Pratiques peu homogènes

Et en fait les pratiques sur le terrain ne sont pas homogènes. S'il y a des prêtres qui respectent les prescriptions conciliaires décrites, bon nombre d'entre eux s'en tiennent à une stricte acribie, refusant tout mariage mixte et considérant les couples mariés civilement comme des fornicateurs… "Les «Fondements de la doctrine sociale» autorisent les mariages mixtes et pourtant tous les prêtres ne les acceptent pas" a déclaré le métropolite Hilarion de Volokolamsk en 2010. Et le métropolite soulignait qu'il reçoit souvent des plaintes de fidèles à qui des prêtres refusent le mariage religieux avec des fidèles d'autres confessions. "Ainsi, a dit le métropolite, il y a un problème quand il existe une position officielle, mais qu'on ne la connaît pas en pratique".

En milieu hétérodoxe dominant

La pratique dans les pays où l'Orthodoxie est minoritaire varie selon les Eglises mais se rapproche généralement plus de l'application de l'économie. Les mariages mixtes sont souvent célébrés sans condition particulière avec des chrétiens d'autres confessions et, si le conjoint hétérodoxe vient aussi d'une famille pratiquante, un ministre du culte hétérodoxe peut assister au sacrement orthodoxe et ajouter sa bénédiction. L'inverse se produit parfois aussi mais il n'y a généralement pas de concélébration…

Le patriarcat d'Antioche semble montrer l'exemple d'une pratique particulièrement large de l'économie. Le métropolite du Mont-Liban Georges (Khodr), qui dirige le plus grand diocèse libanais, explique ainsi qu'il y a 60 % de couples mixtes dans son diocèse. "Lors des funérailles, on voit toujours présents à la fois un prêtre orthodoxe et un prêtre maronite. Chez nous, les gens vivent ensemble et n’ont pas beaucoup de théologie dans la tête," précise-t-il. (http://unitedeschretiens.fr/Metropolite-Georges-Khodr.html)

Cette pratique de l'économie concerne en fait essentiellement le principal groupe catholique au Liban, les Maronites, une Eglise ancienne très spécifique, qui "n’ont pas une théologie propre" pour le métropolite Georges. "Nos divergences proviennent du fait qu’ils sont rattachés à Rome. Par ailleurs, nous n’accusons plus les Églises orientales orthodoxes d’être monophysites ; nous avons compris ensemble que reconnaître une ou deux natures du Christ signifie la même chose : pour nous tous il est Dieu et homme. Il faut dire que la plupart des chrétiens arabophones (au Liban et en Syrie) n’ont pas vraiment conscience de divergences entre les confessions chrétiennes : ils sont conscients qu’une véritable unité de foi existe entre nous tous, que nous soyons de tradition orthodoxe ou catholique. Et ils réclament l’hospitalité eucharistique réciproque !

De fait, dans la pratique, nous acceptons les laïcs catholiques à notre table de communion. Et les prêtres maronites acceptent les orthodoxes à la leur. Sans qu’il y ait eu de décision canonique... Par contre nous ne concélébrons pas avec les prêtres maronites. Pas encore..." conclut Mgr Georges. Et au-delà de ce cas particulier, mais sans aller jusqu'à l'hospitalité eucharistique, on rencontre souvent des situations de ce type là où l'Orthodoxie est minoritaire face au Catholicisme, y compris dans la diaspora.

Conclusion
Il est probable que les textes préconciliaires des années 1970-80 sur le mariage seront repris par la nouvelle Commission mise en place pour préparer le Concile panorthodoxe à partir de septembre 2014. Il ne semble pas toutefois que le sens général du document sur le mariage mixte doive être modifié, avec son rappel de l'acribie canonique interdisant le mariage mixte et la nécessaire économie permettant aux Eglises de donner une réponse ecclésiale aux situations de la société actuelle.

Par contre, il est probable que les formes dévoyées du mariage et de la famille, qui sont maintenant souvent légalisées en Occident, feront l'objet d'une ferme condamnation à la suite de celles qui ont déjà été promulguées par les représentants de l'Eglise russe.

(In "Les bases de la conception sociale de l’Eglise orthodoxe russe" § 10.1 – 10.2)

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