Une interview du père Georges Riabych, vice-président du département des relations extérieures du patriarcat de Moscou, explique le sens de la nouvelle organisation de la direction de l'Église orthodoxe russe proposée par le patriarche Cyrille. Cette longue interview contient beaucoup d'informations importantes et intéressantes que je ne peux malheureusement analyser ici par manque de temps. Je vais néanmoins mentionner deux points particulièrement intéressants:

- cette réorganisation est prévue pour mettre l'Église en ordre de bataille afin de répondre aux défis que lui pose la société par son retard en matière d'information et de formation religieuse, d'une part, et par sa sécularisation croissante d'autre part;

- un rôle croissant va être donné aux laïcs, comme le montre la nomination de Vladimir Legoïda à la tête du département de l'information du patriarcat, et surtout la mise en place d'un organe interconciliaire, suivant la décision du Concile local. Crée à l'exemple de ce qui avait été mis en place pour préparer le Concile de 1917, ce nouvel organe, qui comprend aussi des laïcs, va certainement contribuer à augmenter la conciliarité au sein de l'Église et préparer la tenue de conciles locaux plus fréquents, en dehors de l'élection des patriarches.

Rédigé par Vladimir Golovanow le 11 Mai 2009 à 09:52 | 0 commentaire | Permalien

Les conditions de vie des chrétiens en Israël

Les chrétiens ne sont pas plus de 120 000 en Israël. Outre les catholiques romains, on compte des orthodoxes grecs (majoritaires), des orthodoxes russes, ainsi que de nombreuses petites églises byzantines, assyriennes et melkites.

La très grande majorité des chrétiens d'Israël sont arabes et résident dans le nord du pays. À Nazareth, à Haïfa et dans des villes et villages de moindre importance, ils bénéficient de la liberté de pratiquer leur culte. Contrairement à leurs concitoyens juifs, ils sont autorités à se rendre dans les territoires palestiniens (Bethléem) à l'occasion de la Noël et du nouvel An.

Cependant, la majorité juive d'Israël ne fait pas la distinction entre les Arabes musulmans et chrétiens. À ses yeux, ce sont d'abord des Palestiniens. Donc des terroristes potentiels. En tout cas des citoyens de seconde zone dont la fiabilité est sujette à caution.

En février, c'est d'ailleurs en axant sa campagne sur le fait que les Arabes israéliens devraient s'engager par écrit à se montrer fidèles à l'État hébreu, sous peine d'en être expulsés, que le parti Israël Beteinou, présidé par l'actuel ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman, a remporté le plus grand succès électoral de son existence.

Ils se sentent rarement menacés

Contrairement aux chrétiens de Cisjordanie et de la bande de Gaza, qui dépendent, eux, de l'Autorité palestinienne, ceux d'Israël se sentent rarement menacés.

Mais, à l'instar des autres Arabes de l'État hébreu, l'accès à la fonction publique leur est limité. Ils n'effectuent pas davantage leur service militaire, alors que le passage par Tsahal est un passeport indispensable pour débuter une carrière. Enfin, dans la police, les Arabes admis sous l'uniforme sont souvent chrétiens, mais ils ne sont pas armés et ils sont confinés à des tâches subalternes.

D'une manière générale, plusieurs sondages réalisés depuis l'an 2000 confirment une importante montée du racisme anti-arabe en Israël. Selon les dernières enquêtes en date, 50 % des jeunes juifs d'Israël refuseraient de vivre dans le même immeuble qu'un Arabe musulman ou chrétien. •
S. D.

Rédigé par l'équipe de rédaction le 10 Mai 2009 à 10:54 | 2 commentaires | Permalien

Article intéressant de Nicolas Senèze (La Croix) sur la situation de l'orthodoxie en Europe occidentale, publié en russe par Blagovest-Info. Je n'en ai pas vu de version en français.

Il donne in fine les statistiques suivantes sur le nombre d'orthodoxes par pays:

* Allemagne - environ 1,2 M.
* France– 300 - 500 000
* Italie – 200 - 600 000.
* GB– 250 - 300 000.
* Suisse – 132 000.
* Belgique – 70 -80 000.
* Suède – 50 - 60 000.
* Hollande– 20 000.

Cela ferait donc entre 2,5 et presque 3 millions d'orthodoxes pour l'ensemble de ces pays, dont près de 50% en Allemagne, mais plusieurs pays sont ignorés (Espagne, Portugal, Autriche, Hongrie, Norvège, Danemark…). En tout cas, c'est la première fois que je rencontre ce type de statistiques. Malheureusement l'article ne donne pas les sources…

Rédigé par Vladimir Golovanow le 10 Mai 2009 à 09:30 | 6 commentaires | Permalien

Le Grand Pardon?
J’éprouve un profond respect pour le patriarche Cyrille I, sa personnalité, le bien immense qu’il a fait à l’Eglise au cours de ses longues années à la tête du Service des relations extérieures du patriarcat de Moscou, son érudition, ses talents de prédicateur, sa vision globale dans le meilleure sens du mot de l’avenir de l’orthodoxie et du christianisme dans le siècle, dans ce siècle. Les premiers mois de son règne sur le trône patriarcal ne peuvent que me conforter dans cette conviction.

Le père du patriarche a été victime de la répression communiste. Lui-même, disciple proche du défunt métropolite Nicodème, a débuté dans sa carrière de « diplomate ecclésial » à l’époque de l’asphyxie brejnévienne et a su la franchir sans accepter de compromis inacceptables.

Il m’est d’autant plus affligeant de lire (Interfax-Religion) que le patriarche vient d’exprimer des condoléances louangeuses à l’occasion du décès, il a trois jours, du maréchal Varennikov.
Pour ceux auxquels ce nom ne dit pas grand-chose : le défunt, que son âme repose en paix, n’a jamais manifesté le moindre signe de religiosité, encore moins de foi orthodoxe. Stalinien invétéré, Varennikov, avait le mérite de la constance : encore en 2008 lors du jeu télévisé « Un nom pour la Russie » qui a passionné l’audience le maréchal avait pris sur soi d’être l’avocat de Joseph Staline. Varennikov allait dans sa plaidoirie jusqu’à justifier la terreur de 1937, la collectivisation sanguinaire, etc. Petit détail du parcours de Varennikov : le 19 août 1991, étant en service actif, il se joint aux putschistes communiste et fait rouler les tanks dans les rues de la capitale russe. Arrêté et incarcéré, il est, curieusement, libéré quelques mois plus tard. Depuis le maréchal conduisait de tout cœur une propagande staliniste effrénée.

Le patriarche était dans ce jeu télévisé l’éloquent défenseur de Saint Alexandre de la Neva. C’est son « client » qui « a gagné » contre tous les autres candidats.

Reste à conclure : la décision du patriarche Cyrille I d’exprimer ses condoléances, fût-ce pour des raisons de « realpolitik », ne peut que froisser de nombreux croyants en Russie et dans le monde.

Nikita Krivochéine

Rédigé par Nikita Krivochéine le 9 Mai 2009 à 14:40 | 15 commentaires | Permalien

Le long week-end du 1er mai a donné lieu à plusieurs manifestations de l'unité orthodoxe à différents niveaux:

 La manifestation la plus importante a été le 13e congrès orthodoxe d'Europe occidentale (1) du 30 avril au 3 mai dernier, à Amiens (Somme), sur le thème "La Création remise entre nos mains". De 600 à 700 participants, selon les sources, se sont retrouvées dans la fraternité et la convivialité qui font toujours les succès de ces congrès, pour écouter des conférenciers de haut niveau et participer aux tables rondes et ateliers. La divine liturgie du dimanche 3 mai était concélébrée par six évêques et une dizaine de prêtres et diacres. Certains anciens m'ont dit avoir retrouvé leurs souvenirs de jeunesse.

 Une autre manifestation, moins importante en nombre mais aussi fraternelle et conviviale a réuni le vendredi 1er mai les représentants de toutes les paroisses dans le cadre de l'assemblée générale de l'Association diocésaine de l'Église orthodoxe russe - Diocèse de Chersonèse. Il s'agit de la première assemblée de cette nouvelle forme juridique du diocèse de Chersonèse en France et elle a été suivie, dans l'après-midi, de l'assemblée générale de l'Union des associations cultuelles, forme juridique du doyenné des paroisses orthodoxes russes en France. Les deux assemblées se sont tenues dans les locaux diocésains dans le XVe arrondissement de Paris et des comptes rendus des travaux seront diffusés dans les paroisses dont les représentants étaient heureux de voir ainsi réunie notre famille, qui s'agrandit à chaque réunion, et souhaitent créer et approfondir les liens entre paroisses. (2)

 Enfin une autre célébration pan-orthodoxe a réuni le dimanche 3 mai au soir, les paroisses et le monastère orthodoxes présents dans le canton de Vaud (Suisse): quelque 200 personnes ont célébré les vêpres dans la cathédrale protestante de Lausanne organisées par les communautés organisatrices des patriarcats de Moscou, Constantinople, Serbie et Roumanie. Pour la première fois l’église russe à l’étranger participait aussi à l’événement. La magnifique cathédrale gothique de Lausanne (la plus grande de Suisse), consacrée en 1274, accueillait ainsi pour la troisième fois les orthodoxes dans le cadre de célébrations confessionnelles mensuelles placées sous l’égide du Conseil des Églises Chrétiennes du Canton de Vaud. Comme au congrès d'Amiens, plusieurs participants ont dit leur joie et leur désir de voir de semblables occasions se renouveler en témoignage de l’unité de l’orthodoxie. (3)

Commentaire du rédacteur: il est vraiment réjouissant de voir ces belles manifestations de l'unité orthodoxe, qui restent trop rares, mais on doit regretter aussi un manque de coordination: il serait me semble-t-il préférable de les étaler dans le temps pour permettre à tous ceux qui n'ont pas le don d'ubiquité de participer à plusieurs d'entre elles. Il est particulièrement regrettable que, si des représentants de patriarcat de Moscou ont pu participer aux tables ronde d'Amiens, il n'y en ait pas eu parmi les conférenciers: les écoles théologiques russes nous semblent en effet particulièrement en pointe et leur expérience des nouvelles missions dans la population constitueraient certainement un apport important et permettraient des échanges d'expérience particulièrement intéressants.

Notes:
(1) cf. http://www.nectaire.net/article-31121079.html ou http://www.aartsbisdom.be/Z-Nouvelles_2009/Congres_Amiens.html. Ces congrès sont organisés tous les trois ans depuis 1971, à l'initiative de la Fraternité orthodoxe en Europe occidentale. Le précédent s'était déroulé à Blankenberge (Belgique), en octobre 2005.
(2) cf. http://www.egliserusse.eu/notes/Assemblee-generale-de-l-Association-diocesaine_b1353476.html)
(3) cf. site du diocèse de Chersonèse

Rédigé par Vladimir Golovanow le 8 Mai 2009 à 15:02 | 13 commentaires | Permalien

Chant et piété liturgique dans la tradition russe: éditorial du numéro 14 du "Messager"
Nous publions ici l'éditorial du quatorzième numéro du Messager de l'Église orthodoxe russe, revue bimestrielle du diocèse de Chersonèse. L'information plus détaillée sur ce numéro est disponible sur le site du diocèse de Chersonèse.

La majeure partie de ce numéro du Messager est consacrée à la piété et au chant liturgique dans la tradition orthodoxe russe. Par « piété liturgique » nous n’entendons pas ce que l’on désigne parfois par le terme « exercices privés de piété », mais la prière de l’Église qui se manifeste dans tous les rites extérieurs de la liturgie orthodoxe. Cette liturgie, à vrai dire, est la vie même de l’Église, et son but est que la vie du chrétien devienne elle-même une liturgie. Selon une telle conception, la piété ne s’oppose pas à la liturgie, mais en est un accompagnement indispensable, un revêtement visible. Le métropolite Pitirime de Volokolamsk explique ici dans un article ce que cette «piété liturgique » comporte concrètement.

L’image donnée par Dostoïevski du vase et de son contenu résume merveilleusement le sens de la piété. Les rites liturgiques et extra-liturgiques que l’orthodoxie cultive volontiers sont le vase qui contient le précieux « liquide » de la prière, de l’enseignement et des sacrements de l’Église. Ce récipient n’a pas grande valeur en lui-même, mais si on le brise, son précieux contenu se déverse et se perd à jamais. Si l’on prive les chrétiens orthodoxes de la possibilité d’extérioriser leur prière, leur amour pour Dieu et ses saints par des gestes physiques – prosternations, signes de croix, vénération des icônes et des reliques – on risque de leur ôter la grâce de communier à la richesse et à la beauté de la liturgie de l’Église.

Un autre article présente brièvement l’évolution du chant liturgique russe. Il ne prétend pas à l’exhaustivité, mais nos lecteurs auront ainsi une idée de la complexité des éléments spirituels et culturels dont la convergence a donné naissance à la musique sacrée russe. Elle est aujourd’hui, avec les icônes, une des principales composantes de la liturgie orthodoxe. Les orthodoxes sont convaincus que la beauté de la liturgie n’est pas facultative. Elle est le signe de la présence du Saint-Esprit et, comme le dit le père Georges Florensky, le critère de « l’ecclésialité ». La liturgie est, d’une certaine façon, l’actualisation du Cantique des Cantiques, la célébration de l’amour entre le Christ et son Église. La beauté de la liturgie n’a pas pour seul objectif d’apaiser l’âme, mais de la transfigurer en la faisant communier dès ici-bas à la Beauté divine du Royaume des Cieux.

La liturgie de la Semaine Sainte est présentée dans ce numéro de façon plus circonstanciée, dans son développement historique et son actualité. Nous venons de revivre les célébrations de la Passion et de la Résurrection du Christ, la lumineuse fête de Pâques, la fête des fêtes. Certes, les offices liturgiques sont passés, mais, comme le dit saint Grégoire le Théologien, « la fête, il n’y faut jamais mettre fin. Il faut la célébrer maintenant en y associant le corps, et un peu plus tard ce sera d’une manière entièrement spirituelle, là où nous connaîtrons les raisons de tout cela d’une manière plus pure et plus claire, dans le Verbe lui-même notre Dieu et notre Seigneur Jésus-Christ, dans la vraie fête et la joie des élus » (Or. 41, 18).

Le Christ est ressuscité !

Rédigé par l'équipe de rédaction le 8 Mai 2009 à 12:28 | 2 commentaires | Permalien

Les 8 et 12 juin prochains, à l’occasion du 40e anniversaire du bienheureux repos du

grand iconographe et moine du skite du Saint-Esprit

LE PERE GREGOIRE (KRUG), 1908-1969,

le diocèse de Chersonèse organise deux journées commémoratives:

Le 8 juin , lundi de Pentecôte et fête du Saint Esprit, la divine liturgie sera célébrée dans l’église du skite, au Mesnil-Saint-Denis, suivie d’une pannikhide sur la tombe du père Grégoire.

Un autobus partira de l’église des Trois-Saints-Docteurs, 5 rue Pétel, à 8h30, et emmènera les pèlerins jusqu’au skite pour les ramener ensuite à Paris. Ceux qui sont intéressés sont priés de s’inscrire à la caisse.


Le vendredi 12 juin à 8h00, jour anniversaire de la mort du père Grégoire la divine liturgie, suivie d’une pannikhide, sera célébrée sous la présidence de l'archevêque Innocent de Chersonèse, en l’église des Trois-Saints-Docteurs.

Ce même jour, à 20h00, dans la salle paroissiale de l’église des Trois-Saints-Docteurs, le père Nicolas Ozoline et Anne Philippenko, feront revivre pour nous sa personne et son œuvre.


Soyez tous les bienvenus !

Rédigé par Emilie van Taack le 8 Mai 2009 à 09:09 | 0 commentaire | Permalien

Foi et pratique religieuse en Russie
Dans une récente conférence, Jean-François Colosimo, qui connaît parfaitement le sujet, parlait d'une approche essentiellement ritualistes de la religion en Russie et, allant plus loin, des commentateurs parlent de "faible" voire "mauvaise" pratique religieuse en Russie, ce qui amène ensuite à se poser des questions sur la réalité même de la foi chez les Russes. Le retour de la foi en Russie ne serait-il donc qu'un simple effet de mode? Une poudre aux à base de restaurations d'églises et de cérémonies d'un apparat impressionnant mes creux? Je pense bien évidement qu'une telle approche est complètement erronée, car les racines de la pratique russe plongent profondément dans la spécificité de l'histoire récente et de la culture russe; je pense que nombre d'entre nous en ont une expérience particulière et, pour lancer le débat, je propose quelques pistes de réflexion. Elles ne prétendent aucunement faire le tour du problème, mais juste amorcer une discussion.

UN RITUALISME RELIGIEUX TRÈS PRÉSENT

Le ritualisme religieux est beaucoup plus présent en Russie que chez nous. J'en prendrai 2 exemples:
- Les bénédictions tous azimuts: depuis l'intronisation du Président jusqu'à une ouverture de magasin, en passant par toutes sortes de nouveaux équipements publics, les voitures ou appartement privés… etc., on ne peut plus imaginer une inauguration en Russie sans l'aspersion sacramentelle par le clergé d'un rang convenable à l'évènement;
- Le respect du carême: pratiquement tous les restaurants et, depuis cette année, les lignes aériennes et les wagons-restaurants proposent systématiquement un menu spécial pendent toute la durée du Grand carême.

Nous pourrions certainement citer d'autres exemples, mais déjà l'observation systématique de ces deux rites orthodoxes traditionnels montre qu'il y a là une attente forte de la société. Cette attente ne peut être liée qu'à une expression de la foi religieuse car qui d'autre que des fidèles orthodoxes demanderait des repas de carême ou la bénédiction des équipements publics? Et les responsables politiques, pour les inaugurations, comme les entrepreneurs, pour les restaurants, seraient-ils aussi systématiques si cette population de croyants ne représentait pas une part importante des électeurs et consommateurs (1)? Mais pourquoi ne vont-ils pas aussi massivement à l'église?

UN MANQUE D'EGLISE PEUT EXPLIQUER CERTAINES PRATIQUES

En effet, tout à l'opposé de cette pratique de masse, nous avons noté dans le même fil (1) que 4% à peine des Russes vont à l'église pour Pâques, la "fête de fêtes"! C'est peu! Mais analysons le contexte: nous avons l'habitude d'aller à l'église dès l'enfance, et d'avoir toujours une église prête à nous accueillir (même s'il ne s'agit que d'un garage un d'un appartement aménagé). Y aller à Pâques est le minimum que pratiquent les plus tièdes de génération en génération... Alors souvenons nous qu'en Russie, pendent 70 ans IL N'Y AVAIT PAS D'EGLISE. Personne n'a pu acquérir cette habitude, devenue pratique confidentielle d'une petite minorité, et personne ne peut donc la transmettre. Il faut alors que chacun, individuellement, retrouve ce chemin oublié: est-il si surprenant que, partant de quasiment 0 il y a 20 ans nous n'en soyons qu'à 4% maintenant? Et n'y aurait-il pas d'autres pratiques pour exprimer sa foi? J'en citerais deux, en souhaitant que d'autres complètent:
- Le port d'une croix et la vénération individuelle des icônes: c'est surtout au niveau de la presse "people' que nous pouvons objectivement voir la différence. En effet pratiquement toutes les vedettes portent une croix, des danseuses de ballet aux champions de tennis, en passant par les chanteurs de toutes catégories et, quand on a un reportage sur leurs loges ou cabines, on y voit des icônes et nombreux sont ceux qui disent faire une prière avant d'entrer en scène ou sur le court. Essayons, pour comparer, de nous rappeler des vedettes occidentales dans cette situation… Là encore, les vedettes témoignent d'une pratique générale et les nombreuse boutiques d'objets religieux témoignent aussi de ce besoin. Par cotre on n'entend pas souvent ces mêmes vedettes russes parler de fréquenter les églises…
- Pâques au cimetière: voici une pratique qui semble curieuse, mais elle s'explique clairement par la fermeture des églises. En effet, quand les églises étaient fermées ou pratiquement interdites, où pouvait-on aller pour fêter Pâques dignement? Le cimetière était alors tout indiqué pour commémorer la Résurrection, d'autant que cela correspondait à avancer de 10 jours un rite traditionnel… Et, année après année pendent 70 ans ce rite est devenu une tradition telle, que la majorité des croyants est actuellement persuadée qu'il correspond à la tradition ecclésiale. Bien entendu, l'église fait tout pour remettre ces pratiques à leur place: Pâques à l'église et commémoration des morts pendent la 2ème semaine, mais une tradition encrée depuis l'enfance ne s'efface pas comme cela!

Alors, considérant tous ceux qui ne vont pas régulièrement à l'église mais bénissent leurs biens ou jeûnent en carême, portent des croix ou marquent Pâques au cimetière, nous arriverons probablement à ces 40% dont parle le sondage. Faut-il considérer tous ces pratiquants là comme mauvais Orthodoxes? Voire pas Orthodoxes du tout? Je pense personnellement qu'ils font partie de ces fidèles dont le patriarche Cyrille a dit (2) qu'ils sont de plus en plus nombreux "à se tenir à l'entrée de l'église ou, étant à peine entrés, y font leur premier pas". Ils sont ceux qui, avec une foi de charbonnier, ont permis à l'Eglise de traverser les épreuves et renaître et ce sont eux qui constituent, en potentiel, la véritable force de l'Eglise de demain.

Note:
(1) Dans un article de ce blog j'ai cité des enquêtes montrant que 40% des russes se disent Orthodoxes et 30% marquent le carême: ce sont des chiffres évidement suffisant pour intéresser dirigeant politiques et restaurateurs!
(2) Cf. Interfax

Rédigé par Vladimir Golovanow le 7 Mai 2009 à 11:56 | 7 commentaires | Permalien

Le 6 mai M. Alexandre Avdéev, ministre de la culture, était présent à la séance des questions au gouvernement de la Douma, annonce RIA-Novosti. Son ministère, a-t-il dit aux députés, reste neutre en ce qui concerne une éventuelle sépulture du corps de Lénine et la fermeture du mausolée. « Il m’est vraiment difficile de dire qu’il s’agit de patrimoine culturel , a précisé le ministre, il s’agit d’une question d’ordre purement politique". Le ministère de la culture, a ajouté M. Avdéev, n’est pas impliqué dans le financement de l’entretien de cette dépouille. C’est l’administration du Kremlin qui assume ce budget. Les questions des députés portaient sur la sauvegarde du patrimoine culturel. Plus de 2.500 monuments culturels et historiques ont disparu au cours des dix dernières années. Plus de la moitié des monuments classés ne se trouvent pas dans un état satisfaisant, nombre d’entre eux demandent des interventions urgentes.

Rédigé par Nikita Krivochéine le 7 Mai 2009 à 09:29 | 1 commentaire | Permalien

Georges Nivat: "Trésors du siècle d'or russe de Pouchkine à Tolstoï", suite
Le professeur émérite de l’université de Genève Georges Nivat, slaviste éminent et spécialiste reconnu de la vie et de l’œuvre d’Alexandre Soljenitsyne a aimablement accepté de faire paraître sur notre plateforme la préface qu’il a rédigée pour le catalogue de l’exposition « Trésors du siècle d’or russe, de Pouchkine à Tolstoï » (Fondation Martin Bodmer, Genève).

Ce texte dira beaucoup à ceux qui sont conscients de l’imprégnation de la culture russe par foi orthodoxe.
Nous avons fragmenté cette préface en plusieurs parties car elle est assez volumineuse.

En voici la fin :


Il fut redécouvert par la génération de l’Âge d’Argent, Il fut élevé au rang de génie sacré de a nation par Staline, pour les fêtes de 1947 qui célébrèrent le centenaire de sa mort. Ses manuscrits sont rassemblés en la Maison Pouchkine de Saint-Pétersbourg, mais n’en sortent pas, c’est le Saint des Saints, et, comme à Jérusalem, seul le grand prêtre y a accès… Cette sacralisation est un des extrêmes de la mémoire russe. L’autre étant l’oubli, l’amnésie ordonnée d’en haut, l’éradication à laquelle se livre le communisme au temps de sa plus virulente crise de destruction, dont toutes les religions fanatiques sont coutumières. En ces temps-là l’émigration russe était un esquif de mémoire et de survie culturelle. En ces temps-là Paris et Genève fêtaient le centenaire à leur façon, et des esprits malicieux comme Alexis Remizov faisaient ressusciter non seulement la Russie du grand miracle du XIXe siècle, mais celle d’avant, celle des enluminures des monastères et des vieux Croyants, celle des croyances populaires, des proverbes, des légendes épiques ou « bylines ».

Tenir les deux bouts de la mémoire russe est une difficulté tant elles divergent. C’est un défi pour cette exposition qui aurait pu s’intituler « culture nobiliaire et culture populaire russes ». Les deux bouts de cette chaîne culturelle vont de la Russie des Lumières de Catherine à l’avènement de l’utopie partageuse en Russie en 1917, accompagnée du massacre d’une large part de la mémoire et de la culture russe, et pas seulement la culture nobiliaire, mais aussi, et plus encore, la mémoire paysanne, et la culture ouvrière. On peut même soutenir que ces deux dernières ont plus souffert de la crise d’amnésie, car elles étaient plus proches, et plus dangereuses pour la nouvelle culture prolétarienne qui s’édifiat, et qui emprunta davantage aux « compagnons de route », et aux calsssiques revus et corrigés ‘Tolstoï , miroir de la révolution) qu’aux « tchastouchki » (refrains satiriques des quartiers ouvriers de Pétersbourg) et à la culture ouvirère qui se développait au début du XXe siècle et dont une figure comme Valentinov est un bon exemple. Ainsi, de la naissance du petit Alexandre Pouchkine, le « grillon » au sang chaud qui effarouchait les dames dans les couloirs du palais de Tsarskoé Siélo jusqu’à la mort du grand poète et dissident russe le comte Léon Tolstoï qui s’enfuit de chez lui en 1910 (accompagné de son laquais et de son médecin) en costume de paysan, pour rejoindre le peuple (et aussi fuir la comtesse son épouse), se déroule la longue dramaturgie du rapprochement impossible mais si fructueux entre les deux cultures russes. De même que la religion russe introduit une diglossie, une langue sacrée toute proche de la langue vernaculaire, mais très disctincte, ce slavon d’église auquel l’église orthodoxe russe ne renonce toujours pas aujourd’hui, de même la culture russe continue de marcher sur deux jambes bien distinctes, la culture « haute » nobiliaire, mêlée de slavonnismes, et la culture basse, populaire et mêlée de didactismes...
Un événement gigantesque, en 1910, fait de la petite halte de chemin de fer d’Astapovo le centre du monde, parce que la fuite du grand romancier qui avait injecté dans la culture mondiale un nouveau primat éthique, fondé sur la double culture russe de la noblesse et du peuple, était un prodige : l’union du mot et de l’acte, quelque chose d'évangélique et qui renvoyait au texte de l’évangéliste Jean. La double culture, c’est cela, le débat passionné entre le peuple et l’intelligentsia (essentiellement la noblesse russe), d’abord la naissance de cette intelligence russe, ordre chevaleresque du progrès, conçu presque comme une religion, et de la révolte contre les arbitraires et les inégalités qui font le monde, et qui faisaient encore plus la Russie, une marée de repentir de cette intelligence russe pour le servage, son ardent désir de servir le peuple, « l’aller au peuple » des jeunes révolutionnaires des années 1870, - qui souvent se soldait par leur dénonciation aux car le tsar était encore sacré aux yeux des paysans - , puis la déception, le refuge soit dans le terrorisme, soit dans le marxisme. Un marxisme qui pouvait même s’accompagner d’ »expropriations », c’est-à-dire de rapine, comme les commis le jeune Staline.
Endfn vint la douloureux prise de conscience qu’entre le peuple et l’intelligentsia (le mot a conquis sa place en Russiedès 1870, puis a conquis le monde), et alors c’est alors la prise de conscience amère, douloureuse, que peuple et intelligentsia sont ennemis, que la double culture est un leurre, une de rêveurs grotesque comme l’est le Karmazinov de Dostoïevski, inspiré par tourguenev, dont il est une caricature cruelle, et même injuste. Le poète Alexandre Blok voit se poursuitvre le combat entre le peuple russe et l’envahisseur asiatique, qu’il soit Polovtse comme dans le Dit du Régiment d’Igor (Slovo o polkou Igoreve), ou tatare comme dans le Dit de la bataille d’Outre-Don (Zadonchtchina). C’est à lui que nous devons les plus déchirants accents de repentir, de honte, de sentiment d’une imminente et fatale guerre civile entre les enfants de la Russie, les « enfants des années terribles de la Russie », et du « Châtiment qui attend l’intelligentsia russe.
Toi et moi, à la minuit, nous arrêtons nos coursiers,
Steppe immense, le retour n’est plus possible !
Par delà la Niépriadva les cygnes ont crié.
Et sans répit, sans répit, clament leur cri !
Ces cygnes sont ceux que l’on entend dans le poème épique le plus ancien de la Russie de Kiev, le dit du régiment d’Igor. Et la découverte du manuscrit est un évènement capital pour la culture et la mémoire russe. Il fut trouvé dans un folio d’œuvres variées acheté par le comte Moussine-Pouchtchine en 1795. Le manuscrit, qui devait être du XVIe siècle et qui était unique, a brûlé en 1812 dans l’incendie gigantesque de Moscou, mais une copie en avait été faite à l’usage de Catherine, et une édition limitée par les soins du comte Moussine-Pouchtchine était parue en 1800. Cette édition est rarissime, et nous bénéficions pour notre exposition d’un des rares exemplaires qui ont survécu (une soixantaine est répertoriée). Une querelle a entouré ce texte car il fut découvert dans une copie unique, et que les philologues ont jugé « archaïsante », du XVI e siècle, et qui de surcroît qui a disparu ! Les 218 versets du poème contient un épisode datant de 1185, la capture du prince Igor par les Polovtses, accompagnée d’une éclipse de lune, et d’un autre signe annonciateur : le cri des cygnes. « Ils combattirent un jour, ils combattirent un autre jour, et la troisième jour les étendards d’Igor chutèrent. Alors les frères se séparèrent sur la rive du fleuve. Alors le vin rouge du sang s’assécha, alors les brave Russes achevèrent leur banquet, ils offrirent leur sang à boire à leurs ennemis, et ils périrent pour la Terre russe. »
Les images du Dit, sa poésie saisissante en font non seulement un témoignage plus ancien que la Chanson de Roland, mais un fondement de l’âme russe. Le poète et historien Karamzine en fut tout de suite saisi, Pouchkine prit parti pour l’authenticité du Dit qui donnait d’un seul coup à la littérature russe une ancienneté dont elle était privée. Après Pouchkine on ne compte plus les apports du Slovo à la poésie, à l’âme russe. Il nous suffira de rappeler la splendeur sauvage de l’opéra de Borodine Le prince Igor, qui date de 1890, et dont la plus célèbre mise en scène fut celle de Diaghilev en 1909 pour les Danses polovtsiennes, et en 1914 pour l’ensemble de l’opéra avec les décors massifs et d’une rare densité sauvage de Roerikh : Diaghilev avait réussi son pari qui était de montrer une Russie sauvage, non européenne, brillante et chatoyante, dévorée de passion. L’émigration russe emporta avec elle ce rêve de Russie médiévale pleine d’énergie et d’action : les illustrations de Natalie Gontcharova et celles d’Alexandre Alexéieff prolongent le grand siècle russe et ce volet de forces telluriques, eurasiennes, que saluait déjà Pouchkine, qu’exporta avec son brio violent Diaghilev, que propagea le grand savant Roman Jakobson, qui, avec son ami le prince Nikolaj Troubetzkoy, était un ardent partisan des thèses eurasiennes dans l’exil de Prague.

Mais revenons au poète Alexandre Blok et à sa célèbre conférence de 1909 sur « Le peuple et l’intelligentsia », qui accompagne le cycle poétique du Chant de bataille de Koulikovo (la Zadonchtchina dont Blok s’inspire est elle-même un poème épique du XV e siècle inspiré par le Slovo). « Une rumeur sourde et confuse s’élève des villes. Cette rumeur est celle qui montait du camp tatare dans la nuit qui précéda la bataille de Koulikovo. Sur l’autre rive de la Niépriadva, les charrettes innombrables grincent, le peuple se lamente, tandis qu’au dessus de la rivière embrumée tournoient et crient les oies et les cygnes sauvages. » D’un côté les tatares, et c’est l'intelligentsia russe, de l’autre l’immense rassemblement de simples charrettes, le prince Dimitri Donskoï, le futur guerrier saint (comme Alexandre Nevski), c’est-à-dire le peuple de la Terre russe.
Entre les deux une ligne infranchissable, et, Blok le pressentait, mais ne le savait pas, la guerre civile, le demi massacre de l’intelligentsia. Le peuple dans sa somnolence et son silence, le peuple incarné chez Gogol par les « âmes mortes » que les propriétaires nobles échangent comme marchandise. Mme Korobotchka va en ville pour apprendre « quel est le cours de âmes » sur le marché du servage. Mais gogol achève son roman poème par l’énigmatique troïka qui fend l’espace, et devant laquelle reculent les autres nations. Blok, en 1908 achève ainsi son exposé : « Comme dans un cauchemar, nous pouvons déjà imaginer le poitrail velu du cheval au dessus de notre tête soudain noyée dans l’ombre, et les lourds sabots prêts à retomber sur nous. »
Ce cauchemar, c’est celui du viol de l’âme russe, c’est celui du Cavalier de bronze, de la statue animée qui quitte son socle sur la place du Sénat à Saint-Pétersbourg et qui poursuit l’humble Eugène dans le poème de Pouchkine « Le cavalier de bronze », scène fantastique qui a inspiré aux peintres Benois, au graveur Alexéieff leurs géniales illustrations du poème, comme elle a a trouvé un écho extraordinaire dans le roman d’Andreï Biély Pétersbourg, où l’on sent la Terreur en marche, où le bronze « saturnien » de la statue de Falconet introduit dans les veines figées d’angoisse de l’homme russe.
Comment réunir les eux moitiés béantes de l’âme russe, comment refaire ce paradis perdu de la gentilhommière russe où le noble cultive, qui reçoit la revue Le Télégraphe de Moscou, et y lit le poème de Pouchkine sur « la charrette de la vie », menait une vie proche du paysan, était un bon père pour ses serfs, et tous vivent en symbiose, et s’embrassent sur le parvis de l’église pour le Dimanche du Pardon qui précède le Grand Carême, et marque l’entrée de l‘homme russe dans une autre vie, pure et belle, nettoyée du péché.
Tolstoï a superbement représenté cette symbiose, ce paradis, il en est à la fois le chantre et l’imprécateur. Le chantre, parce qu’il n’est rien de plus beau, de plus russe, de plus paradisiaque qu’Otradnoïé, le domaine du comte Rostov décrit dans Guerre et paix, où tous vivent cette harmonie primitive, où, lors de la célèbre chasse, Nicolas et Natacha se retrouvent chez leur oncle, nobliau appauvri qui vit avec une serve, Anissia, devenue sa maîtresse, et, ô miracle ! l’oncle prend sa guitare, il chante « Le long de la rue, de la rue pavée », sa gouvernante Anissia est un modèle de grâce et de dignité courtoise, l’eau de vie aux herbes et les champignons marinés sont succulents ; la danse lente commence, Natacha s’élance, les serfs l’entourent et voilà que « cette petite comtesse , élevée par une Française émigrée, par la seule vertu de l’air qu’elle respirait, avait su s’imprégner à ce point de l’esprit national », qu’elle a exactement les gestes de la paysanne russe, innés, inimitables, et que son oncle attendait, lui qui chante comme le peuple, naïvement convaincu que seules les paroles comptent et que la mélodie s’y ajoute toute seule. La pose de Natacha, le jeu lent avec le châle que lui a tendu Anissia, l’air altier et malicieux : c’est toute la grâce de la femme russe du peuple, pas une bévue ne vient entacher la danse , rien ne rappelle la comtesse éduquée à l’européenne, qu’elle est pourtant… La double culture est ici à son acmé, son point d’accomplissement parfait.
Mais les dettes criblent le domaine du vieux comte, il y aura une jacquerie quand Napoléon viendra trouble cet ordre idyllique et somnolent, Nicolas sera un barine à la main rude. Et Tosltoï lui-même, éduquant les petits paysans à Yasnaïa Poliana se demande s’i ne doit pas autant apprendre d’eux qu’eux de lui. Il prendra sous la dictée le récit d’une paysanne, et ce sera « Destin de paysanne », un récit où il n’est que le porte plume du peuple, en somme, récit rude, naïf, où la souffrance et la mort sont choses naturelles. Et dans Trois morts il nous montre , face à la mort précisément, les simagrées de la dame du monde, la simplicité du moujik, la grandeur du chêne. En somme il y a trois ordres : le faux civilisé, le paysan, le naturel.
Dostoïevski n’a pas connu ce paradis de l’harmonie, la mort de son père dans le petit domaine qu’il avait acheté, pendant que lui et son frère étudient à l’Ecole d’ingénieurs de Saint Pétersbourg est un signe qui dominera l’œuvre jusqu’aux Frères Karamazov : le parricide rôde dans le roman comme dans l’histoire russe. L’œuvre de Dostoïevski, qui, avec celle de Tolstoï va transformer l’Europe, la placer, comme le proclama en 1881 Melchior de Voguë sous le signe du roman russe, connaît à peine le monde paysan, se développe dans le prolétariat bureaucratique et affairiste de la capitale. Les avides y côtoient les bouffons, les rapaces y dévorent les naïfs. C’est un autre monde, une autre anthropologie, celle de l’homme du souterrain, du clandestin de la société, du réfractaire à l’ordre social. Et ce Dostoïevski, qui ignore la double culture, se moque cruellement de celui qui avant Tolstoï l’a incarné, avec son livre célèbre des Carnets d’un chasseur, Ivan Tourguevev.
Il n’y avait pas plus européen, francophile que Tourguevev, mais le gentilhomme russe voulut faire découvrir le paysan russe, accomplissant dans la littérature ce que fit Venetsianov dans la peinture au cours des années 1820 avec ses paysannes sculpturales dans l’été étouffant de la Russie moyenne, ses bergers russes assoupis dans la canicule et à l’autre bout du siècle les Ambulants, le groupe d’Abramtsévo, ou encore Maliavine, et même le premier Malevitch, dont les figures grossières, cylindriques évoquent des babas de la préhistoire. Tourgueniev fut donc l’inventeur du moujik russe, comme on dit qu’on invente les reliques d’un sain quand on les découvre. Et les Carnets d’un chasseur firent sa gloire, et découvrirent à la noblesse russe la face cachée du peuple, qu’ils ne voyaient que sous formes de talles et corvées qu’ils percevaient. Le chasseur qu’était Tourgueniev découvrit la paysan dans ses battues sans fin, sous la pluie, ou à la canicule russe. Il découvrit le Putois et Kalinytch, deux types de paysans, l’un positif, rationaliste, l’autre idéaliste et rêveur, l’un taiseux, l’autre rieur, mais tous deux d’une grande force : « j’ai acquis la conviction que Pierre le Grand était foncièrement russe. Le Russe a tellement conscience de sa force , de sa résistance, qu’il ne craint point de se briser lui-même. : il dédaigne le passé, il regarde hardiment devant lui » C’était entièrement nouveau : l’avenir russe était vu par deux moujiks bien réels, rencontrés au hasard d’une chasse par le hobereau . Et dans le récit Les chanteurs, c’est à un concours de chants qu’assiste le même narrateur chasseur, dans un cabaret paysan, et il y découvre le talent du paysan, la poignante douceur de la chanson russe, déjà célébrée par Gogol dans ses Ames mortes, ainsi que le « mot russe précis ». « La voix était un peu brisée, elle rendait comme un son de fêlure ; au début même on y pouvait trouver quelque chose de morbide, mais elle avait la passion profonde qu’on ne saurait feindre, et la jeunesse, et la force, et la douceur. Un âme russe, une âme droite et passionnée, résonnait et respirait en elle ; elle vous prenait au cœur et y faisait vibrer les cordes russes. »
Gontcharov, dans son célèbre et si étrange roman Oblomov, a inclus « le songe d’Oblomov, un songe de canicule et de somnolence, où rien ne bouge, et où rien n’arrive, où l’on n’ouvre jamais la rare lettre qui est arrivée, où tout vit dans un éternel présent, nirvanique, oriental… l’utopie d’Oblomov est opposée au déchaînement de la violence russe, qui était également bien réelle, et que Dostoïevski a vue au bagne, qu’il décrit de façon saisissante en rendant compte dans le détail de « l’allée vertes », par où passe le condamné, entre des soldats tous armés de verges. Et il se pose la question du bourreau qui est tapi en toute homme. Oblomov, le bagne… Au bagne le narrateur Goriantchikov découvre la haine du peuple pour les nobles. Plus encore qu’ailleurs, même dans ce lieu de dérélictions , l’abîme se creuse entre bagnards soumis aux mêmes privations mais issus de l’un ou l’autre pôle de la société. Au bagne l’homme du peuple entre d’emblé dans la grande « coopérative » de l’humanité, alors que l’homme instruit, le noble, ne le peut pas, il est séparé du peuple par un abîme. Quarante ans d’affilée vous pouvez fréquenter le peuple, croire le connaître, mais ce n’est ‘ »qu’illusion d’optique », car « si juste et bon, et intelligent qu’il puisse être, des années durant on le haïra et le méprisera. » Au bagne comme dans le prolétariat urbain de paysans déporté à la ville on rencontre des âmes simples qui veulent souffrir, des Mikola qui prennent sur eux un crime, comme dans Crime et châtiment, juste pour prendre la croix du Christ. Et cela, le noble intellectuel, jamais ne le comprendra.
Les Tziganes de Pouchkine, où l’on voit Aleko rejeté par la communauté des tziganes où il était venu chercher la liberté intérieure, l’affranchissement de la civilisation aliénante, son dit dès 1826 cet isolement du noble intellectuel, son errance, son rejet par le peuple. Et dans son Discoure sur Pouchkine de 1881, Dostoïevski a donné une importance symbolique à Aleko. Après Aleko des milliers de nobles sont allés en quête de cette libération intérieure du vernis de la civilisation au Caucase, à la guerre au Caucase. Anna Akhmatova a écrit ce distique émouvant, à Kislovodks, au pied du Caucase, en 1927 :
Ici commença l’exil de Pouchkine
Ici finit celui de Lermontov.
Le duel où Lermontov laissa la vie eut lieu le 15 juillet 1841. Le sort de Lermontov est lié de façon dramatique à cette fuite vers le danger, vers le bon sauvage (le « montagnard »), et Tolstoï a repris cette quête avec ses Cosaques. L’exotisme n’est pas la raison profonde de ce magnétisme du Caucase sur l'âme du noble russe, mais plutôt la passion du desperado, et aussi ce que Tourguevev a baptisé le sentiment d’être « un homme de trop » : entre le pouvoir mesquin et tatillon de Nicolas Ier et le peuple qui le rejette, l’intelliguent russe se sent inutile, et depuis Aleko, en passant par Eugène Onéguine, par le Roudine de Tourguevev, par l’Oblomov de Gontcharov, par le prince Nekhlioudov de Résurrection, de Tolstoï, jusqu’aux héros poétiques tourmentées des symbolistes russes, et même jusqu’aux premiers intellectuels de la littérature soviétique, en particulier dans l’Envie de Youri Olecha, ce sentiment d’ostracisme va grandissant. Qui envie le héros d’Olecha ? évidemment l'homme du peuple, l'homme direct qui ne se pose pas de problèmes de conscience, cet homme sans vie intérieure devant qui le petit clandestin hargneux des Notes du souterrain cédait la place sur le trottoir alors qu'il voulait faire l’inverse, échouant même à être l’homme méchant qu’il se voudrait.
Bien sûr il y a des pages à part dans ce schisme qui marque la double culture russe de Pouchkine à Tolstoï et au delà, c’est pas exemple la légende des Décembristes et des « femmes russe ». L’insurrection du 24 décembre 1825 sur la place du Senat, autour du monument de Falconet où l’on voit Pierre couronné de lauriers comme un général romain cabrer sa monture au dessus de la Néva, dura quelques heures. Comme l’a dit Arkadi Belinkov, qui n’était pas tendre pour son pays, ce furent quatre heures de liberté pour le XIXe siècle russe, puis quatre mois en 1927, puis…
Les cinq Décembristes pendus sont entrés dans la légende, ils sont le socle mythique de ce qu'on appellera plus tard l'intelligentsia russe. Mais le peuple ne les a pas suivi, et d'ailleurs les soldats croyaient défendre non la constitution, mais la femme de Constantin, le frère d’Alexandre Ier qui en fait avait renoncé au trône en raison d’un mariage morganatique. Pouchkine, convoqué de son exil par Nicolas se vit demander en face par l’empereur : si tu avais été ce jour là à Saint-Pétersbourg, qu’aurais-tu fait ? Ce dialogue du poète et de l’autocrate est resté un des grands moment énigmatiques de l’histoire russe : point de comptes-rendus, ni par le poète, ni par le souverain. Mais une reconstruction du dialogue par les pouchkiniste, comme Natan Eidelman. Pouchkine en fait comprenait les deux parties au conflit symbolique, ses amis les conjurés, et le souverain dans son rôle de raison d’Etat. Son poème Les Stances en est la preuve, comme bien d’autres poèmes et articles, en particulier sur Chénier, ou ses réflexions sur Tocqueville, qu’il a eu le temps de lire. Quant à Tolstoï, dans un de ses tout premiers textes, il imagine l’histoire d’un vieux décembriste qui achève sa peine en Sibérie, et se voit libérer. Bref le dialogue du Pouvoir, su peuple et de la minuscule intelligentsia d’origine noble (plus tard elle va inclure d’anciens séminariste comme Tchernychevski, des fonctionnaires, des médecins) est un dialogue central mais sans issue durant tout le grand siècle russe. Et l’épisode des « femmes russes » en est l'icône politique. C’est un poème de Nekrassov, le grand poète populaire, l’éditeur du contemporain, l’auteur de la grande complainte « Pour qui fait-il bon vivre en Russie » qui a canonisé les jeunes épouses aristocratiques des déportés décidant de les suivre au bagne, perdant leurs privilèges de classe, leurs familles, entrant dans un monde grossier, où les enfants qu’elle pourraient avoir seraient considérés comme des serfs d'Etat. C’est en 1873 que Nekrassov écrit et publie les deux panneaux de son long poème « les femme russes » dont le titre initial était « Les femmes décembristes », mais il change le titre pour faire de la princesse Troubetskoï et de la princesse Volkonsky, qui toutes deux ont suive leurs époux au bagne de Nertchinsk (huit cents verstes au nord d’Irkoutsk !) non point seulement des « femmes de décembristes », mais des représentantes de toutes les femmes russes, humiliées et pourtant prêtes au sacrifice de soi...
La toute jeunette princesse Volkonsky dut demander l’autorisation à l’Empereur, il la donne, et nos avons la lettre en français où il lui signifie cette permission, tout en la mettant sérieusement en garde contre cette décision presque fatale (en fait les deux époux survivront à leur si longue épreuve). Et Nekrassov fait raconter par la princesse vieillie à ses petits-enfants l’épreuve, la décision de partir, la malédiction de son père, le général Raïevski. Pouchkine est évoqué, il était amoureux d’elle quand il était dans la suite du général en Crimée, à Yourzouf, puis la lettre de Nicolas, l’empereur. Le poème de Nekrassov est un moment de compassion entre l’aristocratie et le peuple : sa conclusion est émouvante :
Je veux vous dire merci, ô hommes russe !
En chemin, en exil, où que je fusse,
Tout ce temps de bagne affreux,
Ô peuple ! Tu m’as aidé à porter
Un insurmontable fardeau !

Le peuple dans la littérature russe du Grand siècle apparaît, mais comme dans les interstices de histoire. Le poète sentimental, le père de l’historiographie russe moderne Karamzine, dont l’Histoire de l’Etat russe inspira toute la Russie cultivée jusqu’à nos jours, et en particulier Pouchkine - il y trouvera le nœud shakespearien de son drame populaire Boris Godounov - rédigea en 1812 pour le tsar son Mémoire sur la Russie ancienne et moderne, où il concluait que la Russie n’était pas prête pour la grande réforme qui l’attendait, l’émancipation des serfs ;. « Un effondrement serait effrayant. »
Longtemps encore la Russie allait subir cette conclusion de l’historien libéral mais apeuré par le spectre d’une jacquerie générale. Il fallut la noble querelle des occidentalistes et des slavophiles, née d’un cercle d’étudiants à l’Université de Moscou, autour d’un jeune homme phtisique et condamné, Stankevitch, pour que reparte le débat russe au niveau politique et moral sur l’émancipation des serfs. Un débat dont Herzen, dans le tome I de Passé et Méditations nous donne une chronique pleine de poésie et d’énergie, chronique a fourni à la pensée russe le modèle, le moule dans lequel elle s’est pensée et elle se pense encore aujourd’hui.
La culture nobiliaire russe, dès le XVIIIe siècle trouva une échappatoire, une solution philosophico-religieuse à ses dilemmes dans l’idéal maçonnique. Elle connut un immense essor, gagna toutes les classses, sauf la paysannerie, elle fut, selon les dires de Novikov, « le point d’appui » qui permettait d’éviter aussi bien le voltairianisme qe la soumission à l’église, une recherche personnelles qui consolait de la paralysie socilae. Les maçons russes étaient de la tendance mystique, chrétienne éclairée, et cherchaient le perfectionnement de soi. Karamzine était d’humeur assez antimaçonnique, mais une partie de l’intelligentsia russe, et même du pouvoir russe, se consolait de l’impasse existentielle où ils se sentait fourvoyés par le rêve maçonnique. Et là encore c’est Tolstoï, dans Guerre et Paix, qui nous en donne le plus saisissant tableau : Pierre Bezoukhov abandonne son rêve napoléonien d’affranchissement du peuple, et fait une rencontre qui semble métamorphoser son existence au relais de poste de Torjok, à mi-parcours entre Moscou et Saint-Pétersbourg. Notons que ce relais de Torjok joue un rôle symbolique capital dans les destins de la pensée russe. Dans le Voyage de Saint-Pétersbourg à Moscou de Radichtchev, manuel du rêve d’affranchissement de la Russie libérale qui fut cause de l’envoi de l’auteur en Sibérie par Catherine, Radichtchev médite à chaque relais sur un des maux qui accablent la Russie, et au relais de Torjok il médite sur la censure, qui , rappelons le, ne fut abolie en Russie , partiellement qu’en 1905, puis fut rétablie par les bolcheviks, et ne disparut qu’avec la perestroïka en 1991. « La censure est devenue la nourrice de la raison, de l’esprit, de l’imagination, de tout ce qui est grandeur et beauté. » Pierre Bezoukhov arrive au même relais, il y fait la connaissance du grand maître Bazdeev, s’enfonce dans la mystique, lisant l’Imitation et l’Apocalypse, transporté par l’enthousiasme du néophyte, et persuadé que qu’un bel avenir l’attendait, tout de vertu et de bonheur.

C’est encore chez Tolstoï que nous voyons le mieux s’infiltrer « l’autre culture » dans la culture nobiliaire. Je ne parle plus ici de cette harmonie de la « double culture », si bien représentée dans l’épisode de la chasse à Otradnoïé (« lieu de la félicité »), mais l’intrusion d’êtres extérieurs à la communauté paysanne appelée « mir. La princesse Marie, se cache de son père le prince Volkonsky, un libre penseur à l’école de Catherine et des philosophes retranché dans son domaine comme dans refuge de la Raison en pleine barbarie. Par la porte de derrière viennent voir la pieuse Marie des « hommes de Dieu ». « Allons chez Marie, Tu verras les hommes de Dieu, C’est curieux, tu verras. » Les veilleuses brûlent dans la pièce où mendiants et pèlerins se cachent du dignitaire voltairien, ancien général de Catherine, et disciple des Lumières. Le prince André réagit sarcastiquement aux pieuses légendes de Pélagie, qui revient du monastère des Grottes de Kiev, le plus saint de tout les lieux saints de la Russie, om ni lui,ni son père n’ont évidemment mis les pieds...
Dans les Carnets d’un chasseur, il y a un vieux croyant qui est aussi un guérisseur, mais Tourguenev a volontairement atténué ce côté du récit, la censure ne laissant pas passer des portraits de vieux croyants. Il s’agit de Cassien, qui a été déporté avec tout un village de la Belle Métcha, un affluent du Don, et se trouve à présent transplanté dans la région d’Orlov. Cassien ne supporte pas qu’on tire sur les oiseaux du ciel. « Je vis comme le Seigneur l’ordonne, mais de métier, je n’en ai point. L’intelligence m’a toujours manqué, je travaille quand je peux, mais je ne suis pas fameux ouvrier. » En fait Cassien fait partie de la secte des « begouny » ou fuyards, qui n’ont pas de domicile fixe : « Que gagne-t-on à rester chez soi ? La justice n’habite pas l’homme. »
Plus tard Tolstoï aussi rencontrera des begouny, il en décrit un dans Résurrection, le prince Nekhlioudov le rencontre sur un bac. Le vieillard avec sa besace sur l’épaule parcourt la Russie, va de prison en prison, d’asile pour les fous en asile pour les miséreux, et toujours repart errer. Qui est-il ? qeul est son nom ? il n’en a pas, ou plutôt seul son enge gardien connaît son nom… Monnom ? « Un être humain ». Mon âge ? « Je ne sais pas compter." Pour lui Dieu est le Père, la Terre est la Mère. Il vit selon le précepte évangélique soyez comme les oiseaux du ciel. Nekhlioudov, interloqué, comprend qu’il y a en Russie un « autre peuple » totalement réfractaire à l’ordre, à l’Etat, à la société. Il vient de frôler « l’autre culture ». La vieille foi née au XVIIe siècle du rejet par le protopope Avvakum et ses disciples des réformes du dernier patriarche de l’ancienne Russie, Nikon – car Pierre le Grand allait abolir le patriarcat, et soumettre l’église orthodoxe à l’Etat, soumission dont aujourd’hui elle sort à peine.
La vieille foi survécut à toutes les persécutions jusqu’à leur interdiction par Nicolas Ier, il subsista dans le nord de la Russie deux communautés de monastères sans supérieurs, communauté d’hommes et communauté de femmes dite de la Vyga et de la Leksa qui fournissaient en livres manuscrits les groupes et églises de la vieille foi clandestine. L’ensemble de ces deux communautés jumelles compta jusqu’à un milliers de membres qui recopiaient en plein XIXe siècle les ouvrages liturgiques d’avant Nikon, car ils se refusaient à utiliser les livres de l’orthodoxie officielle, qu’ils jugeaient entachés d’hérésie nikonienne... Cette subsistance du livre copié et enluminé longtemps après Gutenberg est un phénomène unique. Grâce à un collaborateur de la Maison Pouchkine, Vladimir Malychev, qui organisa des expéditions archéologique à partir de 1949 qu’on peut qualifier dans les villages du Nord, et surtout du Pomorié (la côte de la mer Blanche), où l’on conservait les livres, mais où la soviétisation risquait fort d’entraîner la disparition de ces objets du culte devenus très encombrants… la toute première expoédition eut lieu à Oust-Ilma, sur la Pétchora. Les ouvrages enluminés collectés par Vladimir Malychev sont un morceau survivant de Russie prépétrine, et même médiévale niché dans la capitale européenne de Pierre le Grand ; ils symbolisent à l’extrême cette double culture russe que notre exposition veut montrer. La capitale devint le berceau de la plus grande collection de manuscrits confectionner bien avant sa propre naissance !
La vieille foi commence à intéresser dans le seconde moitié du XIXe siècle : Nikolaï Leskov, Melnikov-Petcherski sont les grands chantres de cette fois populaire et clandestine. Au même moment Moussorgski s’inspire de la persécution des vieux croyants pour écrire, sur un livret qu’il confectionne lui-même en visitant les archives, son opéra de la Khovanchtchina, en 1883, opéra qui met en scène la persécution du prince Khovanski, protecteur de la vieille foi, et la femme de boyard Morozova, dont le départ pour la Sibérie a inspiré un magnifique tableau à Sourikov, en 1886. On y voit la princesse condamnée partir sur un traîneau de galériens au milieu d'un concours de peuple atterré par la perte de sa protectrice. L'opéra de Moussorgski s'achève par les choeurs mystiques très émouvants des schismatiques réfugiés dans les forêts,cernés par les soudards de Pierre le Grand et qui s'apprêtent à périr dans un autodafé.
Leskov a beaucoup peint les dissidents religieux, le fuyard «Boeuf musqué», les pieux vieux royants de l'Ange scellé, histoire d'une icône miraculeuse et de la persécution infligée par des sbires de l'eglise officielle, ou encore le pélerin enchanté, chronique de la vie d'un serf en fuites, qui travers un nombre prodigieux d'aventures avant de trouve le repos dans un monastère. Au début du XXe siècle même l'intelligentsia commence à se passionner pour ces dissidents de la foi. La figure la plus marquante du renouveau dit de la renaissance religieuse, Dimitri Merejkovski, écrit sa trilogie sur Julien l'Apostat, Leonardo da Vinci et sur Pierre et Alexis. Il s'agit dans cette trilogie romanesque d'une sorte de vaste triptyque de la quête religieuse et spirituelle de l'humanité, le combat du paganisme et du christianisme, le renouvellement de la foi par l'humanisme de la Renaissance, et le combat de la vieille foi et de la nouvelle foi sous Pierre le Grand. Car Alexis, le tsarevitch, propre fils de Pierre la Grand protège la vieille foi, c'est-à-dre les ennemis de son père. Pierre le fait kidnapper à Vienne, et le met à mort, de sa propre main, dit-on...
Vieille foi et les autodafés au fond des forêts fascinent Merejkovski, Blok, Biély et toute cette génération. Un poète surgit miraculeusement des tréfonds de la vieille foi, il est de la secte des «Khlysty», qui pratiquent, dit la rumeur, des orgies mystiques, c'est Nikolaï Kliouev, qui fascine les symbolistes russes. Dans son poème «Ruines incendiées», Kliouev décrit la Russie comme un village mythique gardé par Egori (saint Georges) et attaqué par Tatares et Sarrasins. Kliouiev apparut comme un envoyé de cette Russie populaire et clandestine, persécutée par l'autre Russie, il s'impose d'emblée, et dès sa première épître, il écrit à Blok sur un ton comminatoire : «Vous, les messieurs, vous vous écrtez de nous, mais sachez que nous nous sommes nombreux à avoir des coeurs assoiffés, et que nous ne sommes gens obscurs que si l'on nous regarde de la heuteur, alors tout ce qui est en bas semble une masse indifférenciée, mais il suffit d'une miete de sincérité, et de cette masse sortent les contours nets de fils de l'homme, leurs âmes sont comme le lapis et la sardoine, et leurs côtes prêtes à être encornées.» Etranges admonestations de ce poète paysan surgi dans les salons de la capitale, un paysan qui cite l'Apocalypse comme si c'était sa lecture de tous les jours. «Et celui qui siègeait était semblable au, lapis et à la sardoine».
Ce gouffre entre le peuple et l'intelligentsia est partout présent, chez Leonid Andreiev, un auteur grand pulbic, qui eut une heure de gloire à l'égale de celle de Gorki : le Tsar Faim, - pièce grandiloquente, où l'on voit les nantis assigés par le peuple -, chez Andreï Biely, - La Colombe d''Argent est inspirée par les légendes sur les orgies mystiques des khlysty, et entièrement bâtie sur la dichotomie occident de la Raison et du Savoir explicite - Orient – terre des légendes et du Savoir implicite. A la frontière, la Russie - Occident par sa capitale, sa culture, son élite, Orient par son peuple, ses croyances, sa sauvagerie... Enfin Gorki, en dans son article Deux âmes, ou dans le paysan russe construit aussi la même opposition, pensant que la révolution d'Octobre a lâché les forces obscures de l'Orient et de la cruauté sur la Russie, il se sépare alors de Lénine, pour mieux rallier Staline dix ans plus tard, quand il lui semble que Staline de sa main de fer a mis halte à cet ensauvagement... Il n'y a pas écrits plus vilement antirusses que ces textes de Gorki. Son évocation de la cruauté russe est insoutenable. «Mais où est donc ce paysan russe bon et réfléchi, cet infatigables chercheur de vérité et de justice son la littérature russe du XIX e siècle parlait à l'univers en termes si beaux et si persuasifs,» demande Gorki dans le paysan russe, en 1922. Constatant es sacrilèges commis pendant la révolution, les cruautés abominables, les moines éventrés et les officiers attachés à un arbre par leur intestin grêle sorti de leur ventre, Gorki répond évidemment: le littérature russe a inventé ce paysan bon et pieux, ce Juste, qui revit jusque dans l'icône de Matriona peinte par Soljénitsyne dans son petit chef d'oeuvre de 1963 «Toute la réserve d'énergie intellectuelle amassée par la Russie au cours du XIXe siècle, s’est dépensée pendant la révolution et s'est dissoute dans la masse paysanne.» Nous devons écouter la vois iconoclaste de Gorki, sans pour autant y souscrire. Et ce d'autant plus que le Gorki rallié à Staline a commis bine des péchés de l'esprit. Il représente le tableau d'une Russie Orient, mais d'un Orient qu'il hait, alors que Blok ou Biely l'adoraient.
Sainte Russie, le mot était rituel, il correspondait à une Russie pieuse et pélerine, celle des monastères fleuris, celle du merveilleux écrivain Mikhaïl Prichvine, celle du peintre Nesterov. Au pays des oiseaux sans peur est le premier, le plus touchant texte de Prichvine, datant de 1907, il y évoque la région du Vig, dans le Nord. Il s'agit d'une région du Pomorié, d'om provenait prichvine lui-même, et om autrefois avait resplendi le monastère du Vig, froteresse des vieux-croyants, et la pays mythique de Vygoriétsia»». Les paysans y étaient pieux, habiles et artistes... l'harmonie entre l'homme et la création, oiseaux et animaux y était complète, telle qu'en rêva Essenine.
Et il y eut un moment de grâce dans l'histoire de la Russie du début du siècle où il sembla que pour un instant ce combat à mort entre le pouvoir et les affamés, entre l'intelligentsia et le peuple, entre l'église et l'athéisme militant connut un armistice: en 1903 euat lieu la canonisation de saint Séraphin de Sarov, un saint de la première moitié du XIXe siècle, dont les conversations avec son disciple Motovilov avaient paru à la fin du XIXe siècle. Et ce saint souriant, qui accueillait chacun avec les mot «Ô ma joie!» en rappel de l'icône de la «Mère de toute Joie». contrastait fortement avec l'orthodoxie sévère, puissante qui, au XVI e siècle avait triomphe avec saint joseph de Volokolamsk, triomphe de l'église possédante sur l'église mendiante que représentait Nil de la Sora. Eh bien on put croire que Nil de la Sora était de retour. Nicolas II prit une part active à la décision de canoniser Séraphin, il se rendit à Sarov , près d'Arzamas, au sud de Nijni, pour les grands fêts, les poètes Blok et Andreï Biély en parlent dans leur correspondance. Biely fit le pèlerinage à Sarov avec sa mère: court instant d'unité dans la grâce souriante et ascétique de Sérapin, juste à la veille deu Dimanche sanglant de la première révolution russe, et de l'ébranlement continu du régime. «la figure de saint Séraphin, toute la litanie de ses prières revit dans mon âme. Et depuis ce temps, j'adresse mes prières à Séraphin et il me semble qu'il est mon guide secret; la figure de conducteur invisible de mon âme a remplacé pour moi celle de Vladimr Soloviev.» écrit Biély, l'ancien étudiant en chimie, le fils d'un savant de l'université de Moscou, élevé dans le culte de la science et la mépris pour la religion.
Pas seulement les schismatique, les sectes, la vieille foi avaient été l’objet de persécutions et de mépris, au cours du XIXe siècle, mais même l’église officielle, marginalisée et souvent moquée. L’historien Zhivov nous montre cette marginalisation, qui parfois aboutissait à une ostracisation intellectuelle de l’église décapitée par son réformateur, Pierre le Grand. A l'image des principautés luthériennes, il l'avait soumise au pouvoir séculier, en l'occurrence à un haut fonctionnaire, le procureur de Saint-Synode. Aussi l'épisode du dialogue entre le poète Alexandre Pouchkine et le métropolite de Moscou Philarète fait-il figure d’événement dans l’indifférence mutuelle qui affectait les rapports entre société et église. Le petit poème de Pouchkine de 1830, Vers écrits pendant une insomnie, évoquait avec une simplicité en mineur la petite musique du temps qui passe et dévore le fil de la Parque.
Don du hasard, ô vain don,
Vie! Pourquoi m’es-tu donnée ?
Pourquoi le destin obscur
Au supplice m’a condamné ?

Le métropolite de Moscou répondit en vers à Pouchkine.
Ni hasard, ni vain don,
La vie me vient de Dieu,
Si la fin m’est assurée,
C’est qu’ainsi Dieu l’a voulu.
Le dialogue se poursuivit par ces stances magnifiques de Pouchkine :
Par ton feu consumée
Mon âme a chassé les vanités.
Et dans l’effroi sacré le poète
Devint harpe des Séraphins.
Jamais plus la culture russe ne connaitra un dialogue aussi émouvant entre sa culture séculière, antiquisante, européenne et sa culture spirituelle. Même les Société de pensée philosophico-religieuses du début du XXe siècle n’ont pas réussi à rétablir le dialogue.
1830 est d’ailleurs le moment où Pouchkine connaît une évolution rapide, magistrale, où il se refuse à suivre son ami Tchaadaïev dans son enthousiasme pour le catholicisme, où il va se séparer de son frère en poésie le Polonais Adam Mickiewicz. Il nous faut en dire un mot non seulement parce que c’est une étape capitale de la pensée russe, mais aussi parce, conséquence de la sacralisation de tout ce qui est Pouchkine en Russie, les manuscrits conservés à la Maison Pouchkine de Saint-Pétersbourg (plus de 4000) sont inamovibles, et par conséquent nous été refusés. Sans la Bibliothèque polonaise de Paris, fondée en 1830, nous n’aurions pas pu présenter un seul autographe de la main de Pouchkine.
Par rapport à A937, et malgré la très grande générosité et collaboration de nos amis de la maison Pouchkine, la situation à cet égard, a empiré, si l’on me permet ce mot. En 1937, pour le Centenaire de la mort de Pouchkine, une belle exposition fut organisée à Paris par Serge Lifar, et une plaquette très intéressante, éditée aux frais du danseur, et rédigée par lui et son ami le pouchkiniste Modeste Hofmann. Les trois autographes venue de la Bibliothèque polonaise de Paris s’y trouvaient, mais il y avait aussi les trésors de la collection de Lifar, depuis retournée en Russie, dix lettres à sa fiancée,une lettre à sa belle-mère, une autre au baron Rosen, et la préface manuscrite au Voyage à Ezroum. Lifar écrivait : « l’Européen ne connaît pas encore Pouchkine. Cela ne l’a pas empêché de nous faire confiance ; de croire que la Russie avait en Pouchkine l’astre digne de prendre place dans la constellation des plus grands génies. » Au fond les choses n’ont guère bougé. Il y a là une difficulté essentiellement liée à la traduction, et sur laquelle nous ne nous étendrons pas. L’heure viendra peut-être plus tard, nous le souhaitons vivement, où Pouchkine pourra être exposé en Europe, au Musée Bodmer, dans un écrin qui n’est pas indigne de lui. Pour l’heure, c’est moins Pouchkine que toute la culture russe qu’il a éclairé brusquement de son génie concis et fulgurant qui se trouve exposée ici. L’Europe , qui se nourrit depuis longtemps du roman russe parce qu’il a changé sa représentation du monde, découvrira ici l’envers du roman russe, cette culture populaire si étonnante représentée par les livres enluminés du XIXe siècle, et l’entourage du roman russe, c’est-à-dire toute la culture russe issue du classicisme, nourrie de romantisme, débattant de sa nature entre occidentalistes et slavophiles, rénovée par la Renaissance magnifique du début du XXe siècle, une Renaissance qu’en somme la Russie n’avait pas connue au XVIe, mais qui la féconda trois siècles plus tard, et évidemment de façon très différente.
Les manuscrits de Pouchkine, ses dessins dans les marges, ses autoportraits tout au long de sa brève vie sont absolument passionnât et ils sont bien connus grâce aux reproductions. Seul Victor Hugo accompagne de la sorte, dans le même geste et la même énergie son texte de ses dessins. L’album de la pianiste Maria Szymanonwski, aux pieds de laquelle était toute l’Europe, compte fort heureusement un autographe de Pouchkine, et pas n’importe lequel. En guise d’hommage, le poète y a écrit trois vers qui entreront dans son Convive de Pierre, c’est-à-dire de sa version dramatique, et brève, comme tout ce qu’écrit Pouchkine, de Don Juan.
De toutes les félicités de la vie,
L’amour seul dépasse la musique
Mais l’amour aussi est mélodie…
L’amitié poétique de poète russe et du poète polonais est un chapitre billant et dramatique de la poésie européenne ; leur désaccord, dû au soulèvement polonais de 1831, et à sa répression par Nicolas Ier, surnommé après les révolutions de 1848 « le gendarme des peuples » fut douloureux, et il engendra un échange poétique douloureux. Au poète polonais, auteur des Sonnets de Crimée, Pouchkine écrivait en 1828 :
Mais jamais nul ne vit un enchanteur
Mieux exercé dans l’art de la magie,
Qui sût créer avec tant de vigueur
Et de talent contes et poésies

Tel nous parut, poète ailé mais sage,
Celui qui vint de l’étrange pays
Des hommes à la chevelure sauvage
Des femmes ressemblant à des houris.
Las, deux ans plus tard la rupture était consommée, Varsovie reprise fumait, Mickiewicz allait devenir le plus célèbre exilé européen, enseignant à Lausanne puis à Paris. Pouchkine avait écrit Aux calomniateurs de la Russie, et défendu l’empire contre la condamnation morale de toute l’Europe intellectuelle et libérale.
Il a vécu chez nous
Parmi la gent étrangère, son âme
Ne nourrissait aucune haine, et nous
L’avons aimé…. <…>
Mais de loin, jusqu’à nous
Parvient une voix haineuse,
Sa voix si connue ! Touche, ô Dieu, son cœur,
Que paix et vérité l’éclairent,
Et rends lui…
L’inachèvement du poème qui commence et finit à mi-vers augmente encore l’émotion, comme si Pouchkine n’arrivait point à formuler tous ses sentiments.
On sait que Mickiewicz répondit. Le prologue sinistre de la Troisième Partie de son long Poème dramatique des Aïeux est une dénonciation du pays de l’esclavage et de la tyrannie.
« Cette terre est vide, blanche et ouverte
Comme une page blanche pour l’écriture ; » écrit Mickiewicz , reprenant un thème des slavophiles russes qui se réjouissent de cette page blanche, mais l’auteur des Aieux se demande si ce sera la sainte foi, ou le knout qui écriront la page.
Pouchkine répliqua aux Aïeux par Le cavalier d’airain, où la grandeur du fondateur de la Sémiramis du Nord est confrontée à la douleur du petit Eugène qui perd sa fiancée dans l’inondation de 1824. Le tsar d’une nouvelle Genèse et le dément victime de la grandeur du Tsar Créateur de la Russie moderne.
Mickiewicz à son tour répondit au poème de Pouchkine « Il a vécu parmi nous » et, grâce à la Bibliothèque polonaise de Paris, nous avons la copie du poème du Pouchkine que reçut Mickiewicz et le brouillon autographe de sa réponse. Elle exprime plus la tristesse que la haine, évoquant surtout les supplices des décembristes, chantant cette « légende du Nord » des victimes russes du tyran russe que célébra également Michelet après que Herzen lui eut fait découvrir le sort de Ryleev, pendu, de Bestoujev, bagnard…
Vous, pensez-vous à moi ? Quand j‘évoque l’image
De mes amis, leur mort, leurs prison, leur exil,
Je pense à vous toujours : étrangers, vos visages
Ont eux aussi dans mes rêves leurs droits de citoyens.
C’est le philosophe Soloviev, puis le philosophe émigré Gueorgui Fedotov qui ont le mieux explicité la position de Pouchkine, dont le poème Stances, dédié à Nicolas Ier parut à beaucoup une trahison. Dans son article « la Russie et la liberté » Fedotov fait de Pouchkine, à égalité, un chantre de l’empire et un chantre de la liberté. Et il estime qu’après Pouchkine l’intelligentsia russe a cessé de s’intéresser au problème de l’empire, n’y voyant qu’un hypostase du despotisme qu’elle dénonçait … Avec ses contes populaires, Pouchkine est en tout cas devenu une part de l’âme russe, il est la preuve qu’un poète peut à lui tout seul renouveler tout un folklore. Si son universalité n’est pas évidente au niveau mondial, ni même européen, elle est une évidence au niveau de la psyché russe. Alexandre Blok, aux heures de doute et de souffrance de la guerre civile invoque Pouchkine comme une « liberté secrète, comme une main secourable dans la tempête. Et même s’il n’a pas la conscience aiguë de Blok, et des malheurs de la Russie, quel Russe, petit ou grand, ne connaît ses contes et poèmes, son « chat sagace » qui tourne autour du rouvre vert « au bout d’une chaîne d’or » (prologue de Rouslan et Lioudmila) ?
A droite il déroule une histoire,
A gauche il chante une chanson.
Cette exploration de la culture russe, qui va du siècle d’or naissant à ses derniers échos au milieu du XXème siècle, nous mènera à droite vers la culture nobiliaire, ce miracle que découvrit l’Europe et le monde dès la seconde moitié du XIXe siècle, à gauche vers la culture populaire cachée, pays des légendes, des preux, et surtout de la Jérusalem perdue et sauvée.

La révolution russe apporta ses réponses, brutales, au problème de dichotomie de la culture russe, de l’âme russe double. La vague de violences, puis les cruautés insignes de la guerre civile russe, la décimation du clergé voulue par Lénine après l’affaire de Chouïa, la suppression physique des socialistes russes au profit du bolchevisme, la prise de Cronstadt insurgé contre la tyrannie de Lénine et Trotski, les cloches culbutées des clochers de tant d’églises qui avaient fait la splendeur de la Sainte Russie, les gentilhommières qui brûlaient avec leurs bibliothèques, les trésors nationaux vendus à l’encan, tout un pan de la Russie semblait d’enfoncer dans le néant. Mais une autre Russie s’élevait, une autre culture, celle du Proletcult, celle des compagnons de route, celle de Pilniak et de Maïakovski, dont l’un mourut dans les caves de la Lioubanka et l’autre se suicida… C’était une Russie, appelée à vivre sept décennies et plus, mais qui finit par être culbutée comme tant de cloches autrefois. Beaucoup pensaient, comme le sociologue Alexandre Zinoviev qu’elle était installée pour un vrai millenium, mais ils se trompaient.
Alexandre Blok en 1918 se félicitait du pillage de la bibliothèque de Chakhmatovo, son nid familial, notait dans son carnet que tout bien, même spirituel, est fruit d’une rapine, écrivait son article Catilina, pour saluer un « bolchevik romain ». La souffrance de cette réaction masochiste à la Révolution était partagée par beaucoup. Les uns partirent ou furent chassés, emportant, croyaient-ils, la Russie à leurs semelles, selon la formule de Roman Goul, les autres restaient, comme Volochine, qui depuis sa demeure de Koktebel en Crimée voit la Terreur s’emparer de la Russie, voit renaître les autodafés et les supplices du temps des vieux Croyants. En 1918 il rédige son poème ardent et mystique, « le Protopope Avvakum », qui s’achève par le feu du bûcher.
Le cube de bois est construit, la paille est autour,
C’est mon vaisseau de feu.
Il me mènera à la maison du Père,
Ils m’ont remis debout, et j’ai senti
De mon pied : enfin je vais quitter le quai !
Point n’ai attendu, moi-même ai bouté le feu !
Trinité sainte ! Christ miséricordieux !
Je reviens à vous, à Jérusalem céleste,
En naissant, je me suis éteint ;
En mourant, je m’embrase!
Extraordinaire métamorphose du poète et artiste raffiné, amateur de Paris, traducteur consommé. Et à présent imprécateur de la ruine russe, nouvel Avvakum !
D’autres partent, comme Alexis Rémizov, auteur de romans sombres, socialement désespérés, plusieurs fois arrêté avant la révolution, mais qui, devant l’incendie de 1917, écrit son « Dit de l’ancienne Russie », inspiré par la longue tradition des pleurs populaires, que psalmodiaient conteurs et pleureurs professionnels, et qui furent enregistrés par Julius Blok, dont les cylindres de cire, déposés à la Maison Pouchkine, retiennent les traces vivantes d’une Russie ancienne, disparue.
« Ô ma patrie perdue, tu as chancelé, toi l’inébranlable, et ton manteau de pourpre est tombé de tes épaules. Pour quel mortel péché, pour quelle faute impardonnable ? » Rémizov émigre, habite rue Boileau à Paris, dans un bout du village d’Auteuil devenu un lambeau de Russie. Mais il ya en lui également de la malice populaire, et il calligraphie toujours ses diplômes de la « Grande Maison Libre des Singes », tout en écrivant chronique de la Terreur qu’il a vécue dans une dans sa Russie entourbilonnée saisissante broderie de morceaux de réel et de motifs folkloriques imbriqués selon une poétique médiévale. Il peint des petits démons de la démonologie populaire, comme s’il avait emporté rue Boileau les lutins domestiques, les domovoï, les démons grands et petits du village russe. A ses amis il donne d’étranges étoles marquées de sa calligraphie populaire. Rue de Lille, à l’Ecole des langues orientales où son épouse Seraphima enseigne l’alphabet glagolitique, antérieur au cyrillique, à un demi étudiant par an, il donne des lectures de ses contes et distribue ses diablotins. Comme si la Russie populaire, « en suivant le soleil » (c’est le titre d’un de ses plus beaux recueils), avait échoué dans ce minuscule coin de Paris où il a pour ami Pierre Pascal, l’historien d’ « Avvakum et les débuts du raskol », qu’il promeut Grand Protopope dans l’ordre des singes.
Anna Akhmatova, Boris Pasternak ont, eux choisi de rester. Dans le Docteur Jivago, le poète de Ma sœur la vie devient celui de décadence de l’intelligenstia russe, symbolisée par la dégradation sociale du personnage éponyme, le docteur Youri Andréiévitch, dont le nom de famille veut dire « le Vivant ». Le Vivant s’étiole, s’efface de la face du monde comme fit son ancêtre Oblomov, mais il laisse dans son tiroir les poèmes splendides de l’épilogue. Le roman nous dit la fin des siècles d’or et d’agent, l’entrée dans le siècle de fer. Et pourtant il y a selon lui « quelque chose de l’inconditionnelle luminosité de Pouchkine, de l’impeccable fidélité au réel de Tolstoï… » dans la « magnifique chirurgie » de l’histoire. Anna Akhmatova, elle aussi, a choisi de rester, mais sa muse évolue rapidement, passe de l’infiniment lyrique au silencieusement épique ; brûlée par le chagrin, l’exécution de Nicolaï Goumilev, son mari, en 1921, l’arrestation de leur fils, l’immense captivité du peuple. Et elle clôt symboliquement ce long siècle d’or et d’argent de la culture russe en venant s’agglutiner aux femmes qui font la queue devant les guichets de la grande prison des Croix à Saint-Pétersbourg devenu Léningrad. C’est le Requiem, écrit de 1935 à 1940, par vagues successives de versets. En 1961, elle ajoute une épigraphe qui dit :
Non, ni sous des cieux étrangers,
Ni sous l’aile étrangère,
Avec mon peuple je suis restée,
Où mon peuple était, en son malheur.
L’âge d’or a engendré l’âge d’argent, l’âge d’argent a engendré l’âge de fer, tout est allé comme à rebours des âges de la préhistoire humaine. Mais cette marche à rebours nous a donné la culture russe, ce pleur sur la condition humaine, et pour parler comme Marina Tsvetaïeva, cette grandiose « tentative de compassion », où Pouchkine, lui encore, donna l’élan, rappelons ses vers fameux : « je garderai longtemps la faveur populaire / Pour avoir dans mes chants célébré la vertu /Loué le liberté en un siècle sévère,/ Et plaidé la grâce des vaincus. »…. Magnifique page de l’histoire européenne en son hypostase russe où l’or de la beauté harmonieuse, l’argent, de la mystique poétique et le fer des souffrances populaires subies font alliance à jamais.
L’anniversaire de la morte de Pouchkine en février 1921, dans un Pétrograd affamé et grelottant fut vécu par beaucoup comme les funérailles de la poésie russe. Blok vint à la Maison des lettres et prononça son avant-dernier dsicours, « Sur la mission du poète ».
« Sombres sont les noms des empereurs, des généraux, des inventeurs d’armes meurtrières, des bourreaux et des martyrs de la vie. Et à côté d’eux, léger, ce nom : « Pouchkine. » Entre chaos et cosmos, dit-il, le poète introduit l’harmonie, et l’harmonie est à fois le caprice et la liberté intime du poète et aussi ce qui met de l’ordre dans le chaos de l’univers. « Ce n’est pas la balle de D’Anthès qui a tué Pouchkine, c’est la manque d’air qui l’a tué ; » tout le monde comprit que l’air manquait au poète Blok, et à culture russe agonisante. C’était la fin , presque la fin du cycle Or-Argent-Fer dans l’histoire de la culture russe. « Salut ! ô ma noire perdition, Je sors à ta rencontre… » écrivait à la même époque Essenine, dans un petit livre que le zek Soljénitsyne garda longtemps au goulag, le planquant dans les fentes de la baraque. Le nom joyeux s’éteignait, mais Blok, qui allait mourir d’épuisement six mois plus tard ajoutait : « Nous mourons, mais l’art demeure. »


Rédigé par Nikita Krivochéine le 7 Mai 2009 à 08:09 | 1 commentaire | Permalien

La Trinité d'André Roublev serait dans un état critique
L'une des icônes russes les plus célèbres et extraordinaires - la Trinité de saint André Roublev - serait dans un état critique, selon le ministre russe des affaires étrangères Alexandre Avdeev, cité par l'agence Blagovest-Info. Selon le ministre, elle ne pourrait donc pas être transportée, ne serait-ce que provisoirement, à la laure Trinité-Saint-Serge pour laquelle elle fut peinte. L'icône comporterait une fissure de quelques millimètres du haut en bas.

Par sa valeur artistique, l'icône est comparable à la Joconde de Léonard de Vinci, affirme A. Avdeev. Son prix dépasse 600 millions de dollars: pour la transporter, il faudrait donc une assurance de plus de 4 millions de dollars !

C'est dommage pour la laure qui ne verra pas chez elle une de ses plus belles icônes conservée depuis l'époque soviétique à la galerie Trétiakov à Moscou. C'est dommage aussi pour nous qui gardions un mince espoir de la voir exposée au Louvre en 2010 dans le cadre de l'exposition "Sainte Russie" pour l'année croisée de la France en Russie et de la Russie en France.

Rédigé par l'équipe de rédaction le 6 Mai 2009 à 23:10 | 4 commentaires | Permalien

Trésors du siècle d'or russe de Pouchkine à Tolstoï
Le professeur émérite de l’université de Genève Georges Nivat, slaviste éminent et spécialiste reconnu de la vie et de l’œuvre d’Alexandre Soljenitsyne, a aimablement accepté de faire paraître sur notre plateforme la préface qu’il a rédigée pour le catalogue de l’exposition « Trésors du siècle d’or russe, de Pouchkine à Tolstoï » (Fondation Martin Bodmer, Genève).

Ce texte dira beaucoup à ceux qui sont conscients de l’imprégnation de la culture russe par foi orthodoxe.
Nous avons fragmenté cette préface en plusieurs parties car elle est assez volumineuse.

Voici la première partie:


« Dans l’âge de fer, dis-moi, qui devinait le siècle d’or ? » Ce vers d’Alexandre Pouchkine nous met en face de deux questions : les notions d’âge liées à la métallurgie sont-elles applicables à la culture, et comment les appliquer à la culture russe ?

La notion de siècle d’or de la poésie russe est née après coup, une fois inventée la formule de « siècle d’argent », siècle ou âge est tout un en russe : le mot « vek » s’appliquant à la durée d’une génération, d'une vie humaine autant qu’à la mesure chronologique fondée sur les multiples de cent. La formule semble avoir été inventée oralement, dans un salon, par le philosophe Nicolas Berdiaef, elle fut reprise par le poète de l’émigration Sergueï Makovski. Et pourtant l’idée d’un soleil de la poésie russe s’imposa dès la morte d’Alexandre Pouchkine. Odoïevski s’écria : « le soleil de notre poésie s’est couché ! » et ce symbole du soleil est resté jusqu’aux somptueux vers qu’écrivit Anna Akhmatova à la mort d’Alexandre Blok :

A la Mère Dame de Smolensk
Qui pour nous intercède,
Nous avons apporté sur nos bras
En son cercueil d’argent
Notre soleil, mort dans les tourments.
Oui, il s’agissait d’un autre Alexandre, mais il était le reflet du premier, la cercueil était d’argent, mais le soleil était d’or. C’était la poésie russe en sa pureté, sa sagesse, sa clairvoyance, et les deux poètes étaient morts de tourments. A l’idée de soleil s’associait à jamais celle des morts héroïques des poètes ruses, jeunes et glorieux, comme celui dont les deux Alexandre portaient le nom. En 1937 on célèbre le centenaire de la mort violente d’Alexandre Serguéïevitch, mais la poésie russe, et l’histoire russe, qui lui est liée étroitement depuis POuchkine, était entrée dans un autre âge, celui du fer..
L’Age d’argent de la poésie russe, c’est après la longue purge de positivisme et d’engagement politique de l’art russe, qui va du nihilisme, mot inventé par Tourgueniev dans Pères et fils au déferlement du terrorisme et du marxisme, symbolisé par le sorte des deux frères Oulianov, l’un pendu pour acte de terrorisme, Alexandre, et l’autre fondateur du communisme russe, puis leader de la nouvelle Russie issue du chaos de 1917, et connu sous le nom de Vladimir Lénine. La « « nouvelle conscience religieuse, le passage du marxisme à l’idéalisme religieux comme ce fut le cas pour le fondateur du parti social-démocrate russe, Piotr Struve, l’éclosion d’une poésie courtoise, philosophique, érotique, précieuse, accompagnée de la découverte d’une culture populaire jusqu’alors cachée et méprisé, sont eux que tout symbolisés par l’apparition du poète Nikolaï Kliouev, droit venu d’Olonets et d’une communauté de Vieux-Croyants. Rétrospectivement il fallut rebaptiser l’âge qui avait donné Pouchkine et tous ses amis du Lycée impérial, que ce soit Joukovski qui devin précepteur du futur Alexandre II, ou Kioukhelbecker un des conjurés de décembre 1825 qui périt sur l’échafaud. De l’Argent on remonta vers l’Or. De la Renaissance vers la Naissance de la littérature russe. Et cette naissance semblait miraculeuse.
Pouchkine était l’auteur de ce miracle de créer la culture russe. Elles préexistait, bien sûr, que ce soit la culture du Moyen-Âge russe, dont l’historien Dimitri Likhatchev, figure de proue de ce qu’on appelle « la Maison Pouchkine » () se fit l’inventeur et le chantre, ou encore le classicisme russe, certes assez imitateur du classicisme français, mais avec de hautes figures géniales comme celle du fils de pécheur d’ Arkhangelsk Mikhaïl Lomonossov, poète, savant et fondateur de l’université de Moscou ; et fondateur du nationalisme culturel russe. Mais elle n’était pas connue en Europe, elle n’arrivait pas à tout exprimer, et la culture nobiliaire russe en était réduite aux deux capitales, le reste plongé dans un sommeil végétatif dont le dramaturge Fonvizine a fait le sujet désopilant de ses deux comédies.
Et le vers de Pouchkine déjà cité peut nous aider à poser la question : d’où est sorti cet âge d’or, qui naît d’emblée, comme Aphrodite sortant de la vague marine ? Le poète Iosif Brodsky disait « il y a deux miracles russes, la flotte russe et la poésie russe ». Il voulait dire que rien ne prédisposait la Russie terrestre et fluviale à devenir la grande puissance maritime qu’elle est devenue, et rien non plus ne prédisposait un pays engoncé dans le formalisme byzantin, puis l’imitation de l’Occident à lancer ce feu d’artifice jamais vu qu’est la culture russe du temps de Nicols Ier, c’est-à-dire du temps de Pouchkine.
L’empereur y est-t-il pour quelque chose ? Il ne libéra la es serfs (il fallut attendre 1861, et ce retard inouï explique beaucoup dans la psychè russe), fit revenir Pouchkine de son exil de Mikhaïlovskoié, devint son censeur personnel, lui donna accès aux archives quand Pouchkine voulut devenir historien (de la révolte de Pougatchev), mais en l’enfermant dans le rôle subalterne de gentilhomme de la cour, il le ligotait aussi, au moins extérieurement. Mais intérieurement la liberté et la mesure de Pouchkine ont défini pour longtemps ce qu’est la Russie éclairée. Passant du romantisme byronien à la quête ludique et ironique d’un héros dans son « Eugène Onéguine », passant du libertinage plaisant et sacrilège de la Gabriélade à une profonde compréhension du mystère du salut chrétien, passant de l’histoire d’une révolte encore récente à celle, bouffonne, du « bourg de Gorioukhino » (Chagrinbourg), Pouchkine a tout marqué de sa pétillante intelligence. Le descendant du nègre de Pierre le Grand a délimité, entre liberté et sens de l’Etat, le territoire de l’intelligence russe. Et comme tous les Russes le savent par cœur, il a délimité aussi l’âme nationale. Vient pour lui la disgrâce posthume : les nihilistes ne l’aiment pas, « Une paire de bottes vaut mieux que tout Pouchkine disait l’un d’eux, le très intelligent et paradoxal Pisarev.

Rédigé par Nikita Krivochéine le 6 Mai 2009 à 09:41 | 4 commentaires | Permalien

Du site du diocèse de Chersonèse, les propos du patriarche Cyrille de Moscou à l'assemblée plénière de la Commission théologique synodale de l'Église orthodoxe russe:

"L'un des devoirs de la théologie aujourd'hui est de manifester la présence du Seigneur Jésus-Christ et de son Église dans la vie actuelle, dans notre contexte", a affirmé le patriarche, ajoutant que "nous avons besoin d'une pensée théologique créatrice", adaptée "à notre époque dynamique".

"Il convient aujourd'hui de contribuer par tous les moyens à la renaissance de la théologie russe afin qu'elle devienne effectivement un fondement intellectuel pour la vision du monde de nos contemporains", considère le patriarche Cyrille.

"Nous devons poursuivre le développement et l'ajustement de la doctrine sociale orthodoxe. Le temps passe, de nouveaux problèmes apparaissent, ils inquiètent nos fidèles et nos contemporains. Nous devons y donner une réponse ecclésiale, orthodoxe, traçant ainsi la voie que l'Église suivra pour aller prêcher et servir, dans l'accomplissement de sa mission dans le monde et la culture contemporaine". Selon le patriarche, cette mission "ne peut être accomplie si l'Église s'enferme dans un ghetto, dans l'isolement, derrières les murs érigés par la négation et le rejet de tout ce qui ne relève pas de notre propre subculture".

Rédigé par l'équipe de rédaction le 5 Mai 2009 à 11:22 | 3 commentaires | Permalien

Sainte Elisabeth : Princesse allemande, martyre russe
Un livre que l’on peut commander :
Sainte Élisabeth : Princesse allemande, martyre russe (Broché)
de Lioubov Miller, Editions « Temps et périodes »


L'auteur de l'ouvrage, Lioubov Miller, vit en Australie. Elle est née en Chine, en Mandchourie, dans une famille de réfugiés russes blancs qui, après avoir vécu la guerre civile de 1918-1922, puis les persécutions communistes, ont dû fuir jusqu'en Australie. Cet ouvrage, déjà traduit en plusieurs langues et plusieurs fois réédité, très documenté et écrit avec beaucoup d'émotion, est un salut rendu à une femme hors du commun, dont les bienfaits prodigués à ceux qui souffrent et le sacrifice de son existence continuent de porter leurs fruits. Ecoles, hôpitaux, associations d'aide aux enfants et aux adultes dans le besoin sont autant d'institutions caritatives qui se sont développées de par le monde à son instigation. Morte en martyre pendant la révolution russe, la grande-duchesse Élisabeth (1864-1918) a été canonisée par l'Eglise orthodoxe russe à l'étranger en 1981, puis par le patriarcat de Moscou en 2000. Sa vie d'abnégation, son courage, sa foi et son amour absolu de l'autre ont profondément marqué son époque et continuent de marquer, dans le monde entier, des générations de croyants et de non-croyants, à qui elle offre simplement l'exemple de l'espoir et de l'amour infini.

Rédigé par l'équipe de rédaction le 5 Mai 2009 à 09:37 | 0 commentaire | Permalien

Selon les études publiées par Amnon Ramon, de Jerusalem Institute for Israel Studies, et citées par l'agence de presse Interfax, au cours des soixante dernières années, le nombre des chrétiens vivant à Jérusalem a diminué de deux fois. Actuellement, la ville accueille 14 000 chrétiens, dont 2 600 religieux. En 1946, les chrétiens de Jérusalem était au nombre de 31 000 personnes. Ainsi, aujourd'hui, les chrétiens constituent 2 % de la population de Jérusalem, contre 20 % il y a soixante ans.

En revanche, le nombre de musulmans s'est beaucoup accru dans la Ville sainte. En 1946, ils étaient 30 000; actuellement, ils sont 230 000.

Parm les chrétiens, les plus nombreux à Jérusalem sont les catholiques (4 500). Les orthodoxes viennent à la deuxième place (3 500).

Rédigé par l'équipe de rédaction le 4 Mai 2009 à 12:10 | 7 commentaires | Permalien

Le père Lev Gillet signe souvent « un moine de l'Église d'Orient », homme d'une grande culture scientifique et littéraire, s'est trouvé mêlé à l'évolution de l'Église orthodoxe en Europe, en France et en Angleterre surtout, mais aussi à l'Est et au Liban. Ce catholique, qui devient orthodoxe sans renier le catholicisme et pour faire avancer l'œcuménisme, fut aussi un homme de haute spiritualité, comme en témoignent ses ouvrages et l'influence de ses séjours en France, au Liban (parmi la jeunesse) et en Angleterre. En novembre 1928 il devient le recteur de la paroisse Sainte-Geneviève-de-Paris, la première paroisse orthodoxe francophone. En 1938 il quitte Paris pour s’installer à Londres, dans le cadre du Fellowship of Saint Alban and Saint Sergius, organisme œcuménique voué au rapprochement entre l’Église anglicane et l’Église orthodoxe. Il reste en Angleterre jusqu’à son décès, faisant de nombreux voyages à l’étranger, notamment en France, en Suisse et au Liban, où il participe au renouveau spirituel de l’orthodoxie antiochienne.

http://www.oecumene.radiovaticana.org/

Rédigé par Nikita Krivochéine le 3 Mai 2009 à 06:49 | 0 commentaire | Permalien

L'Église russe et l'Islam
L'Église russe est fière à bon droit de ses bonnes relations avec l'Islam car la Russie constitue un cas exceptionnel de bonne entente pendent plus de 450 ans entre une forte minorité musulmane et une majorité chrétienne. Cela peut d'ailleurs constituer un exemple intéressant pour nos sociétés occidentales actuelles.

Tout commence avec l'annexion des khanats de Kazan et Astrakhan par Ivan le Terrible en 1552 et 1556, puis c'est toute la côte nord de la Caspienne, la côte de la mer Noire avec la Crimée, le Caucase et l'Asie Centrale qui sont conquis du XVII au XIXe siècles avec leurs populations musulmanes, si bien que les musulmans représenteront jusqu'à 30% des sujets de l'Empereur orthodoxe puis de l'URSS. La prise de Kazan entraînera bien la destruction des mosquées du kremlin, mais la Grande Catherine édictera les oukases de tolérance (1782 et 87)(1), autorisant la construction de mosquées en pierre et faisant éditer le Coran en arabe pour qu'il soit distribué gratuitement au Kirghizes. A partir de là il n'y aura plus de problème avec l'Islam en Russie, en dehors de l'exode des Tcherkesses à la fin de la conquête du Caucase, les Musulmans ayant moins de restrictions dans l'empire que les Juifs, en particulier au niveau militaire (pensons à la garde techerkesse de l'empereur, dont a fait partie le futur shah d'Iran, ou à la "division sauvage" de Kornilov), et ils résistent mieux que les chrétiens au pouvoir athée des Soviets. Ils seront d'ailleurs instrumentalisés par l'état soviétique pour servir sa politique au Proche Orient et dans le Tiers Monde et M. Vladimir Poutine continue: il a réussi le tour de force d’être le premier chef d’un État à majorité non musulmane invité à prendre la parole au sommet de l’Organisation de la conférence islamique (OCI), qui regroupe cinquante-sept États musulmans, le 10 octobre 2003. Un succès politique et diplomatique. En faisant valoir que la Fédération de Russie compte plus de 15 % de musulmans (2) et que huit de ses vingt et une républiques autonomes portent le nom de peuples musulmans (3), la Russie a obtenu le statut de membre observateur de cette organisation internationale. Et ce grâce à l’appui plutôt paradoxal de l’Arabie saoudite et de l’Iran (4).

Il faut dire que l'Islam russe est particulièrement modéré: sans remonter à Omar Khayam (qui a passé une grande partie de sa vie à Samarkand et dont les "rubaiyat", quatrains sont traduits et appréciés depuis longtemps en Russie), des spécialiste de l'Islam que j'ai rencontrés à Kazan m'ont expliqué que des théologiens du Tatarstan ont conseillé Ata Turk, dans les années 1920, et que leur école de théologie, au début du XXe siècle, avait développé la pensée que même les "infidèles" iraient au paradis car Allah, dans sa miséricorde infinie, supprimerait l'enfer… Thèse qui rappelle celle d'Isaak le Syrien chez les chrétiens!

Pour tout dire, Église Russe et Islam de Russie prennent souvent des positions communes contre les dérives du sécularisme actuel, en particulier au sein du Conseil interreligieux. De même le Conseil de muftis de Russie avait approuvé officiellement la déclaration de Sa Sainteté Alexis 2, de bienheureuse mémoire, devant le parlement de Strasbourg en octobre 2007.

Notes:

(1) Notons ce modernisme de la souveraine: 100 ans avant, le Roi Soleil avait révoqué l'Edit de Nantes (1685), en application du principe "Cujus Regio, Ejus Religio" (un prince, une religion) qui datait de Guerres de religion. Mais il est vari que la discrimination des Juifs est abolie en Europe Occidentale à cette époque là: Angleterre, Pays bas, puis France (1891, encore Louis XVI!).

(2) D'après le dernier recensement (2002), il y aurait 14,5 millions de musulmans en Russie, soit 10% de la population, mais le conseil des muftis conteste ce chiffre et considère qu,il y en a au moins 20 millions, soit 15% (cf. http://demoscope.ru/weekly/2003/0135/perep02.php). De plus, selon des analystes russes et occidentaux, la forte natalité des communautés musulmanes et l’immigration des républiques indépendantes d’Asie centrale devraient conduire à une nette augmentation dès 2010. Lire Dmitry Shlapentokh, « Islam and orthodox Russia : From eurasianism to islamism », Communist and Post-Communist Studies, Londres, n° 41, 2008, p. 27-46.

(3) Tchétchénie, Ingouchie, Daghestan, Adyghés, Kabardino-Balkarie, Karatchaevo-Tcherkessie, Bachkortostan et Tatarstan. Les plus importantes et les plus peuplées sont le Tatarstan et le Bachkortostan. Plus de la moitié des Tatars vivent à l’extérieur du Tatarstan ; à elle seule, la région de Moscou compterait un peu plus de musulmans que le Bachkortostan.

(4) "Le Monde diplomatique" cf. http://www.monde-diplomatique.fr/2008/12/LEVESQUE/16592

Rédigé par Vladimir Golovanow le 2 Mai 2009 à 17:51 | 4 commentaires | Permalien

Le site Orthodoxie.com a publié une recension de Jean-Claude Larchet sur l'ouvrage de Mgr Hilarion (Alfeyev), «L'Orthodoxie», tome 1, «Histoire et structures canoniques de l'Église orthodoxe». Très élogieuse pour l'ouvrage recensé, bien que non dépourvue de critiques fondées, cette recension lance plusieurs réflexions sur notre situation ecclésiologique. Je vous en propose ci-dessous un extrait qui a trait à la primauté et à la situation de la diaspora orthodoxe, que nous avons abordées sur ce blog dans plusieurs notes. En commentant les deux positions qui s'opposent, celle de Moscou et celle de Constantinople, et en soulignant leurs insuffisances canoniques réciproques, Jean-Claude Larchet nous permet, je trouve, d'approfondir ce débat en apportant des arguments intéressants. Voici ce texte:

La deuxième partie /du livre de Mgr Hillarion/, qui traite de "l'organisation canonique de l'Église dans le monde", se fonde sur le principe de l’Église locale qui est à la base de l’ecclésiologie orthodoxe traditionnelle, et c’est à bon droit que, après un exposé historique sur l'organisation canonique de l'Église orthodoxe à l'origine du christianisme et dans les siècles passés, elle formule des critiques sévères à l’encontre de l’ecclésiologie actuelle du Patriarcat de Constantinople. Il apparaît en effet que celle-ci est devenue, au cours des dernières décennies, très proche de l’ecclésiologie catholique romaine, notamment 1) par l’idée que l’Église aurait besoin d’un centre d’unité visible (le patriarche de Constantinople pour les Églises orthodoxes, et le pape pour toutes les Églises en cas d’un retour à l’unité); 2) par la prétention du patriarche de Constantinople à une juridiction universelle, qui le fait intervenir intempestivement en divers endroits du monde (y compris sur le territoire canonique des autres Églises orthodoxes) et souvent y doubler les hiérarchies orthodoxes existantes (ce qui fut le cas en Estonie ou en Ukraine, mais aussi en Amérique du Nord, «où existait déjà une Église orthodoxe, présidée par un évêque russe» et où «la création d’une juridiction dépendant de Constantinople divisa l’orthodoxie américaine» [p. 295]); 3) par l’affirmation que la primauté du patriarche de Constantinople doit être non pas une primauté d’honneur mais une primauté de droit et de pouvoir (voir par exemple les déclarations du métropolite Jean de Pergame à Rome en mai 2003, lors du colloque sur «Le ministère pétrinien»). L’auteur doute même que dans les conditions actuelles le patriarche de Constantinople soit apte à jouer «le rôle d’arbitre suprême» dans la mesure où «la plupart des conflits inter-orthodoxes tournent autour du Patriarcat de Constantinople», et note que son rôle n’est pas indispensable : les différends entre les Églises peuvent en fait être aussi bien réglés par des pourparlers entres elles, par la médiation d’une troisième Église (quelle qu’elle soit) ou par des assemblées inter-orthodoxes (p. 294).L'auteur rejette, comme l'a fait récemment dans un document officiel le patriarche Alexis II (mais aussi comme le font de nombreux canonistes), la prétention du patriarche de Constantinople, se fondant sur une interprétation abusive du canon 28 du IVe Concile œcuménique, à exercer sa juridiction en dehors de son territoire canonique qui comporte l'actuelle Turquie, la Grèce du Nord et certaines îles méditerranéennes (p. 295).

Cependant l’ecclésiologie présentée ici reflète aussi pour une part les positions écclésiologiques récentes de l’Église russe (développées surtout sous l’égide du mentor de Mgr Hilarion, l’ex-métropolite, actuel patriarche Kirill), qui poussées dans leurs conséquences logiques (qui n’apparaissent pas ici, mais que l’on trouve dans les déclarations de l’ex-métropolite, actuel patriarche Kirill, et dans certaines déclarations officielles de Mgr Hilarion lui-même), paraissent également problématiques sur plusieurs points.

1) La notion de territoire canonique reste assez floue et paraît assez largement dépendante de frontières politiques variables au cours du temps. Ainsi, peut-on dire que le territoire canonique de l’Église serbe est constitué «par les pays ayant fait partie de l’ex-Yougoslavie» (p. 296) alors que celle-ci est une création de la première moitié du XXe siècle, réalisée pour une part par la monarchie serbe et pour une autre part par Tito, et qu'elle a maintenant disparu? Peut-on étendre le territoire canonique de l’Église russe à tous les pays de l’ex-empire russe ou de l’ex-URSS (cf. p. 296) alors qu’il s’agit, pour beaucoup, de pays ayant leur culture, leur langue et leur histoire propres avant qu’ils n’aient été, à une époque relativement récente, annexés à l’empire russe ou à l’ex-URSS telle qu’elle a été constituée par Staline, et que leur unité, réalisée artificiellement, n'a jamais été une unité proprement territoriale?

2) Ces positions n’apportent pas une solution satisfaisante au problème de la diaspora, qui est située en dehors du territoire des Églises orthodoxes locales actuelles. L’affirmation de l’ex-métropolite, actuel patriarche Kirill selon laquelle «les diocèses du Patriarcat de Moscou dans la diaspora n’ont pas le statut de diocèses ordinaires, et n’entraînent donc pas de juridiction locale» (Moscou, 02.12.2007) paraît en contradiction avec les principes de l’ecclésiologie fondée sur le principe de territorialité qu’il développe par ailleurs en le considérant comme une norme absolue.

3) Ces positions amènent dans la pensée de leurs promoteurs, par une sorte de logique interne, mais aussi en vertu de divers facteurs de politique ecclésiastique, la reconnaissance de l’Europe comme territoire canonique de l’Église de Rome, ce qui paraît étrange dans la mesure où l'Église catholique n'est pas en communion avec l'Église orthodoxe et où les deux Églises ne se reconnaissent même pas mutuellement comme Église (voir infra). L’Église russe a développé cette ecclésiologie depuis la chute du communisme a) en espérant d’une part échapper aux prétentions du Patriarcat de Constantinople qui, depuis qu’il a été réduit à quelques milliers de fidèles sur son principal territoire propre (l'actuelle Turquie), a développé, au moyen de ses prélats (en charge pour la plupart de diocèses fictifs «in partibus» et entièrement disponibles pour des activités diplomatiques), une politique active de conquête de nouveaux territoires dans le monde entier, et notamment auprès de pays de l’ex-URSS, mettant à profit la volonté d’indépendance vis-à-vis de Moscou d’une partie de la population locale; b) en pensant, d’autre part et surtout, contrer la politique d’uniatisme de l’Église catholique romaine qui s’est redéployée lors de la chute du communisme. L’Église russe a tenté de conclure un marché tacite avec l’Église de Rome dont les termes peuvent être ainsi résumés: «Vous arrêtez votre politique d’uniatisme et cessez de créer des diocèses et d’envoyer des missionnaires sur le territoire de l’ex-URSS; en échange, nous ne nommons pas d’évêques locaux sur votre territoire historique que nous reconnaissons comme étant votre territoire canonique, et nous n’y faisons aucun prosélytisme». Ce principe a été appliqué scrupuleusement par l’Église russe qui, par exemple 1) a continué à nommer en Europe des évêques titulaires de diocèses dont la dénomination est sans rapport avec leur territoire pastoral réel ; 2) n’hésite pas à affirmer que ses propres églises en Europe relèvent du territoire canonique de l’Église de Rome (rappelons cette stupéfiante déclaration du métropolite Kirill à l’évêque catholique du lieu lors de la consécration de la première église du Patriarcat de Moscou en Espagne le 11.11.2007: «Étant donné que nous sommes dans ce diocèse dont vous avez la charge, je vous demande de bien vouloir procéder à la bénédiction de cette église»); 3) limite son activité pastorale à ses propres ressortissants, cultive son identité ethnique et linguistique et ne fait d’effort significatif ni pour s’adapter aux cultures locales et s’exprimer dans leurs langues propres, ni pour y contribuer à la formation d’Églises orthodoxes locales. Ce marché, cependant, ressemble fort à un «marché de dupes», puisque le Vatican : 1) ne reconnaît pas à l’Église russe (ni aux autres Églises orthodoxes) la qualité d’Église (voir les documents de la Congrégation pour la doctrine de la foi : «Sur l’expression “Églises sœurs”» [30.06.2000] et «Subsistit in» [29.06.2007]); 2) continue à créer des diocèses sur les territoires canoniques des Églises locales orthodoxes ; 3) encourage le prosélytisme en Russie comme dans tous les autres territoires orthodoxes, en faisant un devoir aux fidèles catholiques d’évangéliser tous les non-catholiques quels qu’ils soient, donc aussi les orthodoxes (voir le document de la Congrégation pour la doctrine de la foi: «Note doctrinale sur l’évangélisation» [14.12.2007]).

Il est assez difficile de dire, en l’état actuel, si ces principes de l’ecclésiologie de l’Église russe (avec toutes leurs conséquences logiques et pratiques) vont être maintenus par le nouveau patriarche et par Mgr Hilarion, devenu son successeur dans la gestion des relations avec les autres Églises. L’actuel patriarche Kirill a, par le passé, su parfois exprimer des positions fermes face à l’arrogance du pape Benoît XVI. Après le refus par ce dernier de reconnaître la qualité d’Église à l’Église orthodoxe, le métropolite Kirill a déclaré sans ambages: «L'Église orthodoxe est l'héritière de plein droit, selon la ligne apostolique, de l'Église Une et ancienne. C'est pourquoi nous rapportons avec plein droit à l'Église orthodoxe tout ce qui a été formulé dans le document catholique [«Subsitit in»]». Mgr Hilarion a quant à lui, lors de la dernière réunion de la commission mixte catholiques-orthodoxes à Ravenne, fait, de manière éclatante, la preuve de sa capacité de résister aux prétentions de type catholique-romain du Patriarcat de Constantinople et, à travers cela, aux fausses conceptions de l’unité et de l’universalité de l’Église et de la primauté en son sein, que soutient depuis plusieurs siècles l’Église latine et, avec une vigueur nouvelle, le pape Benoît XVI.

Notes:

(1) http://www.orthodoxie.com/2009/04/recension-%C3%A9v%C3%AAque-hilarion-alfeyev-lorthodoxie-tome-1-histoire-et-structures-canoniques-de-l%C3%A9glise-or.html#more

(2) Laïc orthodoxe, Jean-Claude Larchet est docteur es lettres et sciences humaines, docteur en théologie, et docteur d'État en philosophie. Théologien connu, auteur de nombreux livres et articles en particulier sur la patristique et St Maxime le Confesseur.

Rédigé par Vladimir Golovanow le 1 Mai 2009 à 23:13 | 15 commentaires | Permalien

Plusieurs lecteurs nous demandent où en est le dialogue officiel entre les orthodoxes et les catholiques en France. Il y existe un Comité mixte catholique-orthodoxe. En réalité les informations sont difficiles à obtenir ! Il est presque impossible de savoir qui fait partie de ce comité et de quoi on y parle en ce moment. Pourtant il semblerait que ce soit le seul Comité de ce genre en Europe. Et on se plaint après que l’œcuménisme soit devenu une affaire de spécialistes…

Une chose est sûre : ce Comité est sous la haute main du patriarcat de Constantinople. Son coprésident orthodoxe est imposé à vie par ce même patriarcat , semble-t-il sans aucune consultation des membres de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France. Ce coprésident de Constantinople en nomme seul les membres orthodoxes (qui sont évidemment presque tous du patriarcat de Constantinople), nomme le secrétaire (devinez de quel patriarcat…). Lorsque l’on connaît les différences d’ecclésiologie (surtout en ce qui concerne la question des « diasporas » ou la question de la primauté) entre Constantinople et les autres Églises orthodoxes (les Russes, Roumains et Serbes contestant de plus en plus ouvertement les positions de Constantinople), cela laisse songeur…

C’est dommage, car le dialogue théologique est important. Ici encore, l'instrumentalisation du dialogue au profit d'une seule juridiction nuit à son efficacité et à sa justesse.

Rédigé par l'équipe de rédaction le 1 Mai 2009 à 18:14 | 13 commentaires | Permalien

Une dépêche de l'Agence France Presse:

TBILISSI, 28 avr 2009

Le patriarche orthodoxe géorgien Élie II a rencontré mardi les chefs de l'opposition géorgienne, pour tenter de mettre fin aux manifestations de protestation qui se poursuivent à Tbilissi depuis le 9 avril.

"J'espère que la situation dans notre pays se calmera bientôt et que la joie remplacera le chagrin", a déclaré le patriarche, qui a proclamé mardi une journée de "repentir national", lors d'un sermon transmis par la télévision géorgienne.

Pour sa part, le président géorgien Mikheïl Saakachvili, qui a assisté au sermon, a appelé les leaders de l'opposition à mettre de côté leur rivalité politique et commencer les négociations.

"Nous devons être libre de haine. Nous pouvons avoir des opinions différentes, ne pas être d'accord sur certaines demandes radicales, mais notre patrie doit être au-dessus de toutes ces divergences", a dit Mikheïl Saakachvili, selon les images télévisées.

Après la rencontre avec le patriarche, un dirigeant de l'opposition, Irakli Alassania, ancien ambassadeur géorgien à l'ONU, s'est déclaré prêt à entamer un dialogue avec le président géorgien, si cela pouvait aboutir à des "résultats concrets".

"Un dialogue n'est pas exclu. Nous sommes prêts à une rencontre", a dit M. Alassania, considéré comme un opposant modéré.

Les autres chefs de l'opposition ne se sont pas montrés enclins à parler d'un éventuel compromis sur leur exigence principale qui est la démission de Mikheïl Saakachvili.

Les opposants occupent la place centrale de Tbilissi depuis le 9 avril. Les manifestants appellent au départ du chef de l'Etat, accusé de dérive autoritaire et d'avoir mal géré la guerre en août avec la Russie.

M. Saakachvili a à plusieurs reprises rejeté ces appels, proposant en revanche des négociations sur des réformes démocratiques.

Rédigé par Nikita Krivochéine le 1 Mai 2009 à 18:04 | 21 commentaires | Permalien

1 ... « 304 305 306 307 308 309 310 » ... 314


Recherche



Derniers commentaires


RSS ATOM RSS comment PODCAST Mobile